Ashes of Wu Xia
Le 1er janvier 2024
- Réalisateurs : Donnie Yen - Kam Ka-wai
- Acteurs : Donnie Yen, Cheung Siu-fai, Cya Liu, Chen Yuqi
- Genre : Action, Arts martiaux - Combats
- Nationalité : Chinois, Hongkongais
- Distributeur : Eurozoom
- Durée : 2h10mn
- Titre original : Śakra / 天龍八部之喬峯傳
- Date de sortie : 10 mai 2023
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Śakra, la légende des demi-dieux est un wu xia pian fantasy dans lequel Donnie Yen ne parvient pas à transposer le romanesque du feuilleton littéraire de Jin Wong qu’il adapte : s’il suscitera peut-être la complaisance des nostalgiques de ce genre typiquement chinois, il s’avère trop confus pour offrir aux néophytes une introduction à ce dernier.
Résumé : Royaume de Chine, Xe siècle. Deux clans ennemis s’affrontent : les Song, dynastie royale, et les Khitan, peuple nomade guerrier. Qiao Feng du clan Song est un héros chevaleresque respecté, maître en arts martiaux. Accusé à tort d’avoir tué un chef de son propre clan, Qiao Feng est banni. Pour prouver son innocence, il s’engage dans un long périple, parsemé de combats extraordinaires, entre demi-dieux et semi-démons.
- Copyright : Eurozoom
Critique : Artiste martial, acteur et action director dont la carrière a débuté au milieu des années 1980, Donnie Yen a réussi à transiter de l’effervescent cinéma hongkongais d’avant la rétrocession, s’illustrant principalement chez Tsui Hark et Yuen Woo-ping, aux superproductions de Chine continentale, non sans passer par Hollywood, notamment dans Blade 2 (2002) de Guillermo del Toro, ou même par le Japon en chorégraphiant les combats de Princess Blade (2001) de Shinsuke Satō.
Il a atteint, depuis le début du nouveau millénaire, une renommée internationale en redonnant vie au maître de Bruce Lee dans les quatre films de la saga des Ip Man (2008-2019), et a récemment partagé l’affiche avec Keanu Reeves en interprétant un assassin aveugle dans le quatrième épisode de John Wick. Cette carrière martiale ne l’a pas empêché de mettre en scène cinq films entre 1994 et 2004 et de revenir à la réalisation, après une interruption de près de vingt ans, avec Śakra, la légende des demi-dieux, dans lequel il tient également le rôle principal.
- Copyright : Eurozoom
En s’inspirant du best-seller Demi-Gods and Semi-Devils du prolifique feuilletoniste Jin Yong, déjà adapté plusieurs fois à l’écran depuis sa parution dans les années 60, le film s’inscrit dans le genre du wu xia pian fantasy, dont les intrigues se déroulent dans l’univers parallèle du jiang hu et où des chevaliers errants se retrouvent plongés au cœur d’affrontements claniques.
Dans Śakra, Donnie Yen incarne un membre du puissant Gaibang, une secte martiale de mendiants au service du pouvoir impérial : mais il se retrouve coup sur coup accusé d’avoir assassiné le chef et un doyen de son clan, ainsi que ses propres parents adoptifs et, par conséquent, de faire partie, en raison de son statut d’orphelin, de la faction nomade adverse, les Khitan. Il doit donc prouver son innocence tout en tâchant d’échapper aux membres de son ancien clan et de faire la lumière sur sa naissance.
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Śakra, la légende des demi-dieux est une production généreuse en scènes d’action. Le script, bien que par ailleurs bavard, semble ainsi souvent un prétexte à des combats acrobatiques dans lesquels des héros surpuissants défient les lois de la gravité pour se débarrasser de nuées d’adversaires : les chorégraphies virevoltantes rompent néanmoins avec la tradition hongkongaise en adoptant une esthétique propre aux blockbusters chinois actuels et dopée par les possibilités offertes par les effets spéciaux numériques (il semble d’ailleurs que Donnie Yen, qui approche la soixantaine, ait été rajeuni par infographie).
Dans le but de les rendre plus saisissants, le film confère à ces affrontements échevelés une dimension surnaturelle, comme l’annoncent les demi-dieux et les semi-démons du titre : les coups de pieds et de poings des techniques aux dénominations imagées sont parfois remplacés par des projections de flammes et des ondes de choc, mille-et-une idées de mise en scène s’employant à surprendre le spectateur habitué au cinéma d’arts martiaux. Ce qui se perd toutefois en prouesse martiale ne se gagne malheureusement pas forcément en spectaculaire, tant certains effets sont encore plus visibles que l’artisanat traditionnel.
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Mais surtout, bien que Donnie Yen n’ait retenu que le squelette du roman-fleuve d’origine, le scénario s’avère non seulement trop riche en péripéties et en personnages, mais aussi trop elliptique : les six scénaristes ont composé, à partir des trois fils narratifs tirés par Jin Yong, un imbroglio qui empile les intrigues de cour et les retournements mélodramatiques et dans lequel alternent sans forcément de logique des scènes d’action explicites et des dialogues narratifs à la manière des tragédies classiques. Et, lorsque le long-métrage s’achève sur un triple épilogue qui laisse entrevoir la possibilité d’une suite, puisque seule une partie du roman a été adaptée, le spectateur ne se sent guère le courage de repartir pour un tour.
Il faut tout de même reconnaître que le sentimentalisme naïf, le tragique un peu gauche et la psychologie sommaire des protagonistes peuvent s’oublier quelques instants à l’écoute des compositions épiques et romantiques de Choi Chul-ho : bien que parfois inutilement "westernisante", elles rappellent le regretté Joseph Koo, légende de la musique cantonaise, disparu en janvier 2023, et placent résolument le film sous le signe de la nostalgie. De même, les scènes nocturnes et les chevauchées fantastiques ne sont pas sans évoquer les autres adaptations de l’œuvre de Jin Yong, la trilogie des Swordsman ou encore Les Cendres du temps de Wong Kar-wai.
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Śakra n’a, d’ailleurs, pas totalement perdu la richesse du récit d’origine : son héros se retrouve ainsi précipité, à la recherche de sa propre identité, dans un monde de trompe-l’œil et de dissimulations ; et la présence de masques, permettant à différents personnages de prendre, en changeant de visage, l’apparence d’autres et de tromper tant les spectateurs que le héros, constitue pour ainsi dire une mise en abîme du questionnement de ce dernier sur ses origines.
À moins que cette intrigue, où la vérité ne se révèle que de façon incidente, ne raconte-t-elle également, un peu comme le premier Detective Dee de Tsui Hark, l’errance qui a été celle de nombreux artistes hongkongais lorsque le Gouvernement central a pris la main sur le cinéma de l’ancienne colonie.
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