Ricordi ? Les souvenirs - la critique du film

Notre avis : Après son premier long métrage, Dix hivers à Venise, proposé en France en 2012, le réalisateur, scénariste et photographe italien Valerio Mieli pose sa caméra à Rome, pour nous présenter une nouvelle fois une histoire d’amour romanesque et poétique. Récompensé du Prix du public, d’une Mention spéciale et du prix de la meilleure actrice lors de la Mostra de Venise 2018, Ricordi ? questionne l’influence que peut avoir notre passé sur notre état d’esprit, notre vie de couple et finalement notre existence tout entière. Peut-on être heureux et tourné vers l’avenir, lorsque le poids d’un passé douloureux pèse toujours plus sur nos épaules ? Pour répondre à ces interrogations, et tenter de déterminer comment une enfance malheureuse peut conditionner le reste de notre vie, la mise en scène, par ailleurs très poétique, s’attarde sur un couple composé de deux personnages très différents. L’excellent travail de montage permet de constater comment chacun envisage ses souvenirs et à quel point la vision de chaque individu est différente et biaisée par le temps. Le tout représenté avec un jeu de couleurs, qui incite le spectateur à reconstituer le large puzzle d’un scénario, s’attardant sur sa vision à elle, puis sa conception à lui, et inversement.

© Sara Petraglia

Certaines scènes rappellent des contes, y compris modernes, à l’instar d’un Fabuleux destin d’Amélie Poulain, dont la mise en scène colorée était le reflet de l’âme des différents personnages. Ainsi, tous les moments heureux partagés par ce couple permettent aux décors de se doter de couleurs enchanteresses et lumineuses. A l’inverse, les moments difficiles plongent le public dans un océan de couleurs froides, particulièrement utilisées pour toutes les scènes où apparaît Luca Marinelli. Le comédien italien, récompensé par le Prix David di Donatello du meilleur acteur dans un second rôle pour son interprétation du Gitan dans On l’appelle Jeeg Robot, prête ses traits à un homme sombre et tourmenté, hanté par les souvenirs douloureux d’une enfance triste et solitaire. Il vit dans le passé, et tombe amoureux de son parfait contraire : une femme joyeuse et enthousiaste, campée par l’actrice Linda Caridi, qui a fait ses armes au théâtre.
L’histoire d’amour romanesque devient finalement tragique : deux mondes intérieurs se heurtent, permettant au réalisateur de confronter deux univers visuels. Les couleurs employées dans le film sont révélatrices de l’évolution intérieure des personnages ; pour autant, leurs deux mondes ne se rejoignent pas, afin de montrer qu’on ne change pas sa nature profonde. Couleurs chaudes pour elle, froides pour lui… Les filtres eux-mêmes permettent de mieux appréhender leurs états d’esprit, et montrer à quel point les personnages vont finir par s’influencer.

© Sara Petraglia

Très travaillée et étudiée, la mise en scène finit par prendre le pas sur le scénario. Pire encore : la dépression dans laquelle se morfond le personnage masculin finit par empiéter sur sa compagne, et finalement le spectateur. Ce choix, qui voit l’enthousiasme du protagoniste féminin être étouffé par l’état d’esprit de son conjoint, joue sur le rythme et sur le ton du film, qui en pâtit.
Le regret et la nostalgie sont finalement les thématiques principales de la dernière partie, et donc ce que retient le public. Il reste tout de même l’impression d’avoir vu un film beau, de bonne facture, qui offre aux yeux un décor parfois digne des plus beaux tableaux.