Le 3 novembre 2016
Plongée fiévreuse dans l’Amérique post-guerre du Vietnam, Quarry grave dans son personnage principal le traumatisme d’une époque qui a changé les Etats-Unis à tout jamais. Halluciné, et hallucinant.
- Acteurs : Peter Mullan, Logan Marshall-Green, Jodi Balfour
- Genre : Drame, Thriller
- Nationalité : Américain
- Date de sortie : 10 septembre 2016
L'a vu
Veut la voir
Résumé : Dans les années 70, un tireur de la Marine de retour de la guerre du Vietnam se retrouve rejeté par sa famille et ses amis et diabolisé par le public et les médias. Désenchanté, il est recruté dans un réseau de criminels chargés de nettoyer les rives du Mississippi...
Notre avis : Décidément, Cinemax s’installe définitivement dans le paysage télévisuel américain. Bien que ses séries produites restent pour l’instant limitée dans le nombre, la petite sœur de HBO grandit exponentiellement ces dernières années grâce à son contenu que peu de chaînes peuvent se vanter d’avoir. Temple du culot et de l’extrême, elle s’est démarquée par son contenu résolument violent, sans limites, tantôt pour le fun, tantôt pour le drame, avec Strike Back et son cocktail jouissif, la démentielle Banshee, le chef d’oeuvre The Knick et... Outcast (personne n’est à l’abri d’un faux pas). Dorénavant, il faut également compter Quarry, que probablement seule Cinemax aurait pu amener à son terme (même si il faut reconnaître à certains réseaux de streaming une importante liberté artistique), sans édulcorer l’atmosphère, en dévitaliser l’incarnation d’une Amérique en proies à ses démons, dont certains empoisonnent toujours les rues et l’âme de sa population. Plus de 40 années ont défilé entre la fin de la guerre du Vietnam et la diffusion de Quarry, et pourtant, à la regarder, le traumatisme demeure intact. Non pas celui lié à la rancœur et la honte de la défaite, alors que l’on se clame plus grande puissance du monde, plutôt celui qui affecte chaque individu ayant pris part à ce massacre, des deux camps, avec la chance de revenir dans leur pays, l’esprit complètement embrouillé et horrifié (une chance que l’on vous dit). Lloyd MacKinnon Conway fait partie de ceux-là.
- Copyright : Cinemax
Au trouble psychologique d’un homme ayant vécu l’enfer s’ajoute celui de toute une société, dont ses différents (et opposés) constituants convergent vers le même rejet, la même haine envers ces combattants. Le gouvernement et un pan de sa population, hautains, trop fiers, dégoûtés de voir leur pays perdre face à des « indigènes », puis ces hippies, se battant pour des valeurs louables, mais qui n’ont rien vu, rien vécu, qui s’en tiennent à ce que la télévision et les journaux leurs apprennent, s’acharnant sur des militaires considérés comme des monstres. A son retour, Mac Conway se retrouve au milieu de cet étau, repoussé par tout le monde, parent compris, dans l’incapacité de se réintégrer à sa société, en trouvant notamment un travail. Dans ce Memphis à la chaleur palpable, l’ancien militaire vogue entre les différents bars brumeux dans cette ambiance quasi-apocalyptique, comme si l’humanité était arrivé à ce point de non-retour, où Mac contient en lui toute la douleur du monde. Avec son regard sous psychotropes, effrayant et halluciné, Logan Marshall Green trouve l’un des plus grands personnages télévisuels de cette année, son incarnation fascine, captive, écrase le spectateur par ses épaules amaigries, par ses passages euphoriques, possédé par ce syndrome post-traumatique. La mise en scène de Greg Yaitenes, unique réalisateur de cette saison en plus d’être showrunner, pèse sur Mac en intensifiant son désarroi et sa perte de repère, fréquemment filmé en gros plans, en contre plongée, majeure contribution au caractère instable du personnage.
- Copyright : Cinemax
Plus qu’une histoire de tueur à gages, la série est surtout le combat d’un homme face à ses tourments, et de son impact sur son couple. Oui, Quarry laisse une part primordiale à son mariage, mais non, elle n’a rien de forcée. Le titre du show peut porter le surnom de Mac attribué par le « Broker », incarné par le fantastique et énigmatique Peter Mullan, les contrats n’occupent qu’une faible partie de cette première saison, chacun faisant l’objet d’une étude précise (mais d’une exécution un peu freestyle), d’un avant et d’un après, trouvant leur raison d’être dans le plan bien huilé d’un homme trop sage et bienveillant sur sa recrue pour ne pas y cacher une intention plus malfaisante. Ce cheminement se montre donc progressif et lent, la série profitant de la secondarité de la trame pour en développer de multiples autres, dont la vie de famille de Ruth, veuve du meilleur ami de Mac, mais surtout de son fils aîné et de la sous intrigue qui y est rattaché, encore une facette des Etats-Unis peu glorieuse, persistante dans le Memphis des années 70, et toujours d’actualité en 2016. Surtout, ces 8 épisodes se concentrent sur la relation entre Mac et sa femme Joni, et sur la difficile question de savoir comment assister à la décomposition mentale de son mari, puis comment y remédier. Le personnage féminin pourrait agacer, et il s’agit en cela d’un petit miracle, ses problèmes et tourments parviennent à se légitimer face au cauchemar vécu par Mac. Dans le principe, la solitude et le sentiment d’abandon ne pèsent pas bien lourd à côté de deux passages par le Vietnam. Dans le principe, car à l’image l’on assimile rapidement le point de vue de Joni, grâce à la pertinence de ses dialogues, et à la prestation de son actrice, Jodi Balfour. Ensemble, ils tentent de reconstruire leur couple, vivre avec la maladie de Mac, avant de s’effacer derrière le problème d’être marié à un tueur à gages. Quelques scènes se référencent toujours explicitement aux conséquences du conflit vietnamien, sans pour autant y accorder une importance majeure contrairement aux premiers épisodes.
- Copyright : Cinemax
On pense alors la série s’éloigner du trauma d’une époque, et Quarry soigner de ses troubles grâce à sa femme. Le final nous rappelle à la réalité, bien moins idéalisée au vu de nos espoirs pour un personnage attachant. Comme un boomerang aux lames acérées, les souvenirs percutent le visage de Mac, éclaircissant au passage une zone d’ombre, celle du massacre de Quan Thang auquel le tueur à gages a pris part, au cour de flashbacks d’un homme qui n’a rien oublié du drame, et pire encore, d’un autre homme qui a su en tirer profit. Conway s’engageait pour protéger ses frères d’armes, il n’était, comme les autres, qu’un pantin, utile dans l’immédiat mais vite remplaçable, de sombres personnes aux desseins individualistes et capitalistes.
Argent 1 – Humanité 0
- Copyright : Cinemax
Galerie Photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.