Talk hard !
Le 3 juin 2012
Le dernier représentant des teen-movies provocateurs de l’ère John Hughes. Un appel à résister, lucide et émouvant, dont le message libertaire reste plus que jamais d’actualité.
- Réalisateur : Allan Moyle
- Acteurs : Christian Slater, Scott Paulin, Samantha Mathis, Cheryl Pollak, Annie Ross, Gary Dubin
- Genre : Comédie dramatique, Teen movie
- Nationalité : Américain
- Durée : 1h40mn
- Date de sortie : 5 décembre 1990
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Le dernier représentant des teen-movies provocateurs de l’ère John Hughes. Un appel à résister, lucide et émouvant, dont le message libertaire reste plus que jamais d’actualité.
L’argument : Adolescent timide et solitaire le jour, Mark Hunter devient chaque soir le disc-jockey subversif d’une radio pirate. Sa rage et sa vision cynique de l’univers qui l’entoure trouvent un écho chez les lycéens de la ville, mais Mark tient à garder l’anonymat. Très vite, il devient la voix de la rébellion, provoquant l’ire de l’administration et l’intérêt grandissant d’une élève, Nora Diniro, bien décidée à découvrir qui se cache derrière cette voix insolente...
Notre avis : A une époque où la dictature du fric règne en maître et où la culture de masse et certains média se font les porte-parole de ses valeurs nauséabondes, il est toujours bon de se souvenir que le cinéma pour ado n’a pas toujours été synonyme de pochades inoffensives prônant un discours conservateur derrière une vulgarité de façade. Dans les années 80, des cinéastes avaient l’intelligence de chercher à comprendre les rêves et les malaises des adolescents pour mieux leur offrir des œuvres en accord avec leurs idéaux, leur permettant de s’évader par l’humour tout en exaltant leur fibre contestataire. Le désormais presque oublié John Hughes reste le réalisateur emblématique de cet âge d’or du teen-movie, et son chef d’œuvre, le cultissime Breakfast Club, en est peut être le film le plus représentatif.
Sorti en 1990 et réalisé par le canadien Allan Moyle, Pump Up the Volume est l’un des derniers longs métrages portant l’influence de Hughes. Plus qu’un film de plus sur l’adolescence, il est surtout le miroir d’une époque particulière, celle de la fin d’une décennie placée sous le signe de l’ultralibéralisme, ayant réussi le coup de maître de transformer malgré eux les jeunes rebelles des années 60 en yuppies au service du système. C’est de leurs enfants dont il est ici question, cette génération Y ou assimilée qui se reconnaitra quelques années plus tard dans les chansons de Nirvana. Ces adolescents pour qui une seule voie semblait alors possible : la réussite sociale à tout prix, peu importe qu’elle passe par le sacrifice de leur personnalité ou un individualisme forcené.
Est-il normal de se sentir mal à l’aise par rapport à ce mode de pensée quand tout notre entourage semble le cautionner ? Oui ! clame Harry-la-trique, DJ d’une radio pirate d’une petite ville d’Arizona, éructant sa colère face à un monde qu’il ne comprend pas auprès d’une audience grandissante de lycéens de plus en plus acquis à sa cause. Harry, c’est en fait Mark, adolescent brillant mais mal dans sa peau, qui connait les mêmes difficultés que les autres à exprimer sa véritable personnalité dans un quotidien parasité par une pression sociale étouffante. A travers le personnage radiophonique d’Harry, Mark montre celui qu’il est réellement : un jeune homme caustique, drôle et sensible, dont le discours sans tabou va peu à peu toucher l’ensemble de ses camarades, au point de devenir un réel danger pour le système dans lequel il évolue.
La première partie du film est une mise à nu exemplaire des problèmes existentiels des lycéens via les différentes interventions d’Harry/Mark et ses interactions avec ses camarades. Mal de vivre, grossesse non désirée, suicide, homosexualité… les sujets les plus casse-gueules sont abordés frontalement avec une rare justesse. Dans le rôle de Mark, le tout jeune Christian Slater fait des étincelles, campant un personnage gouailleur et cynique pouvant se révéler d’une grande sensibilité au détour de nombreuses scènes. L’amour qui se crée entre son personnage et la jeune Nora (Samantha Mathis) est palpable, permettant un ralliement émotionnel total par rapport à ce qui se passe à l’image. Si Moyle signe ici un film ouvertement engagé, il a l’intelligence d’éviter toute approche didactique, parlant avant tout au cœur du spectateur plutôt qu’à son cerveau.
Les évènements devenant de plus en plus incontrôlables, on assiste ensuite à la réaction des cerbères du système pour faire taire le gêneur et mettre un terme à la petite révolution qu’il est en train d’engendrer malgré lui. En pointant du doigt la haine disproportionnée que Mark inspire à l’autorité, Moyle en ridiculise sa mécanique fasciste et nous invite à réfléchir sur les manipulations et les mécanismes d’autodéfense que nous subissons tous au quotidien. La fin du film, tragique mais galvanisante, achève la démonstration sur une touche lucide et mélancolique.
Si quelques séquences ne résisteront pas à une vision cynique et apparaîtront à certains comme naïves et démodées, la sincérité et le message transgressif de Pump Up the Volume sont plus que jamais d’actualité. Un beau film, qui réussit le tour de force d’être à la fois drôle et désenchanté, tout en intimant à chacun d’exprimer ce qu’il a réellement sur le cœur. Talk hard !
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