Le 4 octobre 2017
Bien qu’il soit devenu célèbre, Vincent Macaigne n’a rien perdu de son mordant. C’est ce que prouve son premier long-métrage, une œuvre modeste sur la forme et transgressive sur le fond. Un tour de force en somme.
- Réalisateur : Vincent Macaigne
- Acteurs : Pauline Lorillard, Joséphine de Meaux , Laure Calamy, Laurent Papot, Pascal Rénéric, Emmanuel Matte
- Genre : Comédie dramatique, Drame social
- Nationalité : Français
- Distributeur : UFO Distribution
- Durée : 1h30mn
- Date de sortie : 25 octobre 2017
- Festival : Festival de Cannes 2017
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Résumé : Pascal et Pauline reviennent sur les terres de leurs parents après des années de voyage, et se retrouvent dans l’impossibilité de payer les traites du domaine. Ils se confrontent à leurs amis d’enfance qui eux, d’origine modeste, n’ont jamais quitté leur campagne. Et à Emmanuel surtout, qui veut racheter leur terrain au meilleur prix pour l’expansion de ses maisons de retraite. Entre les amitiés d’hier et les envies de demain, la guerre aura-t-elle lieu ?
Critique : En à peine cinq ans, Vincent Macaigne est devenu un acteur incontournable du cinéma français, baladant son regard de film en film, dont le récent Le Sens de la fête. Parallèlement à ce début de carrière cinématographique fulgurant, celui que l’on surnomme déjà « le nouveau Gérard Depardieu » s’est également construit une solide réputation en tant que metteur en scène de pièces de théâtre anticonformistes. C’est justement avec sa troupe de comédiens qu’il est parti en 2013 dans le Val-de-Loire pour y filmer, avec des moyens amateurs, un exercice d’improvisation sur la base d’une relecture très personnelle de La Cerisaie de Tchekhov, loin de se douter que leur virée aboutirait à un long-métrage.
Pourtant, après quatre années de travail sur ce modeste exercice, Macaigne est parvenu à faire naître une comédie acide qui capte les versants les plus avilissants de la lutte des classes. Pour le réconfort se révèle en effet une fable sociale à ce point désenchantée qu’aucun de ses personnages n’offre la moindre empathie. C’est parce qu’ils sont dans l’incapacité de s’identifier à l’un d’eux que les spectateurs se retrouvent dans une situation d’inconfort rare face à un sujet habituellement aussi consensuel et caricatural que le rapport entre riches et pauvres. Ce parti pris provocateur est avant tout le vecteur d’un discours intelligemment amené.
Le film fonctionne sur la confrontation de deux couples de personnages : d’un côté Pauline et Pascal qui reviennent sur le vaste terrain qu’ils ont hérité de leur père mais dont ils ne se sont pas occupés et qui affichent un profond mépris pour ses habitants ; de l’autre, Emmanuel et sa femme Laure qui espèrent se venger de ce manque de considération en rachetant le domaine et en s’enrichissant grâce à un projet de maison de retraite ; et entre eux, Joséphine et Laurent, qui semblent incapables de savoir à qui se vouer et prouvent ainsi leur manque de personnalité et leur opportunisme latent.
Le capital sympathie de Pascal et Pauline, sur qui s’ouvre le film, se retrouve donc rapidement mis à mal par leur comportement de petits aristocrates dédaigneux alors que, à l’inverse, l’agressivité verbale et l’individualisme qui se dégagent d’Emmanuel rendent malaisée l’adhésion à son discours social pourtant bienveillant sur le papier. Le constat de cette galerie de personnages taillée dans le nihilisme est assurément qu’il est inconcevable que l’inversion des rapports de force entre propriétaires et prolétaires ne se fasse sans que l’appât du gain de ces derniers ne rende caduque une potentielle révolution se voulant favorable à la majorité.
Au-delà de ce seul discours politiquement incorrect qui observe avec cynisme un statu quo sociétal qui semble intemporel, Pour le réconfort se démarque des productions classiques par son dispositif modeste, notamment remarquable par son format carré mais aussi par le jeu très théâtral de ses interprètes. Celui-ci est particulièrement criant dans les scènes consacrées aux coups de gueule hystériques d’Emmanuel. Le surjeu auquel s’emploie son interprète, Emmanuel Matte, est pourtant l’occasion de répliques qui ont vocation à devenir les plus mémorables du film : « L’avenir, c’est la vieillesse » ou bien encore « Le débile, il est nombreux ! ».
La façon qu’ont eue Vincent Macaigne et sa troupe de capter le désenchantement idéologique qui sclérose la politique depuis de nombreuses années tout en se donnant à cœur joie dans leurs performances d’acteur fait de Pour lerRéconfort une comédie à la fois décalée et contestataire. Cet objet filmique certes imparfait et inconfortable, mais à la charge subversive assumée, est surtout la preuve que le talent de réalisateur de Vincent Macaigne est à suivre de très près.
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