Le 30 mars 2020
Un hommage ordinaire à un héros extraordinaire.


- Réalisateur : Gabriel Le Bomin
- Acteurs : Alexandra Lamy, Pierre Deladonchamps, Marc Zinga, Louane Emera
- Genre : Historique
- Nationalité : Français
- Distributeur : Paname Distribution
- Durée : 1h47mn
- Date télé : 31 mars 2020 20:55
- Chaîne : France Ô
- Date de sortie : 14 juin 2017

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Résumé : Après la défaite française de l’été 1940, Addi Ba, un jeune tirailleur sénégalais s’évade et se cache dans les Vosges. Aidé par certains villageois, il obtient des faux papiers qui lui permettent de vivre au grand jour. Repéré par ceux qui cherchent à agir contre l’occupant et qui ne se nomment pas encore "résistants", il participe à la fondation du premier "maquis" de la région.
Notre avis : Passionné d’Histoire et particulièrement intéressé par les conséquences des conflits sur le comportement des êtres humains qui les subissent, Gabriel Le Bomin, à qui l’on doit Les fragments d’Antonin, cherchait depuis déjà quelques temps l’angle propice pour aborder le sujet de la Résistance. La lecture du livre de Tierno Monémembo « le terroriste noir » l’incite à nous faire découvrir le destin hors du commun d’Addi Bâ, un engagé volontaire de l’armée française qui au moment de la défaite de 40 s’évade des prisons allemandes où sont concentrées les troupes coloniales. Avec héroïsme, plutôt que de rejoindre la zone libre comme la plupart de ses congénères, il choisit de rester en zone occupée pour lutter contre l’effondrement de ce pays qu’il considère comme le sien. Ces hommes courageux ne portent pas encore le nom de résistants (qui sera utilisé un peu plus tard). On les appelle des « patriotes ».
- Copyright Alain Guizard
La scène d’ouverture au rythme tendu et au cynisme foudroyant pourrait bien constituer les prémices d’une œuvre haletante. Il n’en sera pourtant rien. Une volonté affichée de bien faire et le désir de s’adresser au plus grand nombre nous infligent une leçon d’Histoire plus proche de l’exposé scolaire à la rigueur appliquée que de l’exaltation qu’un sujet aussi poignant pouvait nous laisser espérer. Entre colonialisme et Résistance, le message historique ne manque pourtant pas d’intérêt, d’autant que les scènes extérieures filmées dans les décors naturels où se déroulèrent précisément les événements évoqués sont magnifiquement mises en lumière et les codes vestimentaires si spécifiques à cette période sont respectés avec précision. Malgré une mise en scène soignée, faute de tension et de sentiments exaltés, le spectateur ne parvient pas à s’approprier pleinement ce morceau d’Histoire conté sur un ton linéaire et peuplé de personnages secondaires caricaturaux peu mis en valeur. Dès lors, tous les Allemands sont relégués au rang de monstres pendant que les Résistants ne peuvent qu’être totalement exemplaires. Au milieu de cette peinture en noir et blanc se glisseront quand même un ou deux lâches collabos histoire de tenter de griser un peu le tableau. La palme du manichéisme revient à Christine (Alexandra Lamy toujours aussi énergique et lumineuse), institutrice à la droiture et au dévouement sans faille, en butte à un mari (Antoine Chappey) veule et égoïste que l’on ne peut imaginer autrement qu’en délateur. Elle disparaîtra sans plus d’explications au bout de quelques scènes pour être remplacée par la jeune Louane Emera, incarnant Marie, une bénévole de la Croix-Rouge dont la fraîcheur et l’enthousiasme juvénile masquent judicieusement un jeu encore incertain.
- Copyright Alain Guizard
Parachuté dans un village des Vosges où l’on n’a jamais vu un homme de couleur, on peut s’étonner de voir Addi Bâ circuler librement alors qu’il est activement recherché par la Gestapo et qu’il n’est pas le bienvenu pour tous les habitants de cette France partagée. L’accumulation des clichés raciaux basiques ne manquera pas de nous le rappeler. C’est pourtant le remarquable Marc Zinga (dont a déjà pu mesurer tout le talent dans des films aussi variés que Dheepan, Bienvenue à Marly Gomont et surtout Qu’Allah bénisse la France, totalement habité par son personnage d’Addi Bâ qui parviendra sans conteste à capter notre attention. Habillé d’une dualité qui fait défaut aux autres protagonistes, il excelle autant en combattant redoutable qu’en séducteur délicat et donne une réelle dimension humaine à cette histoire qui n’attendait que ça.
S’il manque de panache, ce film a le bel avantage de réhabiliter la mémoire d’un homme qui a sacrifié sa vie pour un pays qui aura mis soixante ans à lui rendre hommage. Ce n’est qu’en 2003 que lui sera décernée la médaille de la Résistance, remise à ses seuls descendants, neveux et nièces.