Music - SIA - critique

Critique : Auteure-compositrice-interprète australienne, Sia est une artiste qui a réussi à conquérir un public mondial, aussi bien pour le plaisir des oreilles que des yeux. D’aucuns savent que la chanteuse accompagne chacun de ses titres d’un clip qui participe au folklore de sa musique, illustrant son propos et permettant à de jeunes danseurs, tels que Maddie Ziegler, de montrer l’étendu de leur talent, tout en se faisant connaître.
En 2019, Sia a décidé de rajouter une corde à son arc en se lançant dans le cinéma, adaptant une nouvelle écrite en 2007, à la suite d’une rencontre qui l’a profondément marquée avec une jeune femme handicapée. Fruit de ses recherches sur le spectre de l’autisme, en lien avec deux consultants autistes et des établissements spécialisés, Sia a voulu, grâce à Music, son premier film, évoquer ce trouble neurodéveloppemental, tout en prônant l’acceptation de soi.

© Dark Star Presse

Toutefois, en écrivant, réalisant et produisant son long métrage, en se chargeant également de la bande originale, Sia a retranscrit sa vision, se perdant dans ses bonnes intentions et souhaitant aborder des thèmes qui lui tiennent certes à cœur, mais dont le traitement n’est pas abouti. Des sujets aussi importants que l’autisme, le sida ou encore l’alcoolisme, quoique mentionnés au sein des microcosmes intéressants que sont la famille et le cercle amical, auraient mérité une attention plus soutenue.
Bien malgré elle et à contrecourant d’un film qu’elle a voulu coloré et enjoué, malgré la gravité des troubles évoqués, Sia, accusée de capacitisme, a également relancé le débat sur des castings qui seraient trop éloignés de la réalité, les acteurs choisis ne réalisant pas une performance, livrant une vision caricaturée du personnage qu’ils incarnent. Music a provoqué une levée de boucliers aux États-Unis, principalement de la part de personnes autistes, qui ont regretté ne pas voir le personnage incarné par une autiste, mais par Maddie Ziegler, muse de Sia et, surtout, actrice neurotypique.
Accusé de véhiculer des stéréotypes, notamment à travers de scènes dépeignant une technique de contention jugée dangereuse, le film n’a pas bonne presse auprès d’une communauté qui rappelle que peu d’acteurs en situation de handicap parviennent à faire carrière dans le cinéma. La nomination du film aux Golden Globes 2021, dans les catégories « meilleure comédie ou comédie musicale » et « meilleure actrice » pour Kate Hudson, n’a pas calmé la polémique.

© Dark Star Presse

Maladroit et volontiers naïf, le film permet pourtant d’évoquer un sujet sous-représenté à l’écran, l’autisme et ses différentes formes (celle dite non verbale étant décrite dans Music) qui sont méconnus du grand public. Ainsi, alors que des voix déplorent les lumières, couleurs, sons forts et mouvements de caméras qui pourraient troubler le public, un autiste sur quatre étant épileptique, d’autres ont salué un projet qui met en pleine lumière un trouble peu évoqué et le quotidien concret d’une personne autiste.
La représentation du handicap à l’écran n’est jamais exempt de polémique : on se souvient de La famille Bélier, à qui il avait été reproché le manque de comédiens sourds ; le choix controversé de François Cluzet pour interpréter une personne tétraplégique dans Intouchables, ou encore Dustin Hoffman dans Rain Man en 1988.

© Dark Star Presse

Accusée de toute part, Sia a défendu son projet, rappelant que travailler avec Maddie Ziegler est une évidence depuis leur première collaboration pour le clip de Chandelier. La jeune artiste, dont c’est le premier rôle au cinéma, étant à l’image du reste du casting : sincère, d’une grande fraîcheur, communiquant un enthousiasme dont le grand public a aujourd’hui désespérément besoin. Hasard du calendrier, la sortie du film étant sans cesse repoussée en raison de la crise sanitaire, Music a l’avantage d’être présenté dans un grand moment de creux cinématographique.
Aussi, malgré les quelques fausses notes, le long métrage témoigne surtout d’une patte, d’une personnalité : l’empreinte bienveillante de Sia est dans chacune des scènes, rappelant ses meilleurs clips, entre les chorégraphies impeccables, la présence d’enfants, certains étant déjà dans le clip de The Greatest, ou encore des costumes qui font sourire tant ils rappellent la chanteuse à la perruque. Témoin d’un univers plein d’arcs-en ciel, de bulles et de fleurs, Music est à prendre comme un long clip, entrecoupé de moments qui ramènent difficilement le spectateur à la réalité. Ne manquant ni d’émotion, ni de bonne volonté, et encore moins d’un réel travail sur la photographie, l’œuvre aurait mérité une production plus poussive, afin de permettre à Sia de présenter ce qui aurait alors été un grand film.
Il reste au public à se régaler avec la bande originale, qui rappelle tout ce que la musique doit à Sia. En attendant que ce soit le cas, un jour peut-être, pour le cinéma.