Ennemi public ?
Le 13 août 2021
Un passionnant documentaire à la première personne consacré à une amitié singulière de trente cinq ans qui éclaire aussi, en creux, l’histoire de l’Allemagne d’après-guerre.
- Réalisateur : Peter Fleischmann
- Genre : Documentaire
- Nationalité : Allemand
- Editeur vidéo : filmmuseum
- Durée : 1h29mn
- Titre original : Mein Freund der Mörder
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Résumé : Le destin rocambolesque et passionnant de Bernard Kimmel, cambrioleur allemand légendaire de l’après-guerre qui défia l’ordre établi par conviction, vu par le cinéaste Peter Fleischmann, son ami, avec qui il s’est entretenu durant trente ans. Il fut “le plus brillant des cambrioleurs d’Allemagne” et fit la une de tous les journaux. Après la guerre, Bernard Kimmel forçait avec sa bande jusqu’à trois coffres-forts par nuit, provoquait avec détermination et effronterie l’ordre établi et les plus fins limiers de la police. Quand il est arrêté en 1961, suite à une nuit d’ivresse qui a mal tourné, celui que l’on appelait l’Al Capone du Palatinat est déjà une légende. C’est à sa sortie de prison, en 1970, que Peter Fleischmann le rencontre pour la première fois. Au fil des entretiens, une amitié complice se noue entre les deux hommes… jusqu’à ce jour de 1982 où Bernard est condamné à perpétuité pour avoir tué un policier lors d’un cambriolage. Malgré cette rude épreuve, Peter Fleischmann décide de poursuivre leur dialogue. D’abord en prison où son ami semble accuser le coup, puis à sa libération conditionnelle fin 2003. À partir des films et entretiens qu’il a ainsi recueillis, le réalisateur retrace le destin extraordinaire de ce bandit d’honneur, sur la toile de fond de l’histoire allemande depuis l’après-guerre.
Critique : On connaît surtout Peter Fleischmann pour Scènes de chasse en Bavière (1969) qui reste une des œuvres phares du nouveau cinéma allemand des années 60 et 70. Ses autres films de fiction, comme Das Unheil – Les cloches de Silésie (1972), La faille (1975) ou La maladie de Hambourg (1979), ont souvent été jugées décevantes et ont connu un retentissement moindre.
C’est plutôt comme documentariste que Fleischmann a réussi à faire entendre une voix singulière, notamment dans Deutschland, Deutschland - Allemagne, Allemagne (1991) où il proposait une approche personnelle et pertinente de la réunification, et dans les deux films passionnants qu’il a consacrés à son ami Bernhard Kimmel : Al Capone von der Pfalz (1985) et Mein Freund der Mörder (2006).
- Mon ami l’assassin (Mein Freund der Mörder)
- Mon ami l’assassin (Mein Freund der Mörder)
Kimmel, personnage hors du commun, y occupe l’écran quasiment en permanence, à la fois maître de l’auto-mise en scène et désarmant de sincérité presque naïve. Mais le cinéaste ne cherche jamais à s’effacer et le titre de la version de 2006, Mon ami l’assassin, indique bien l’implication profonde de Fleischmann dans ce qui est à l’évidence le film de sa vie et une aventure tant cinématographique que personnelle, commencée en 1970 pour ne trouver sa forme définitive que trente cinq ans plus tard.
Le dialogue, sans cesse repris, entre le cinéaste et le cambrioleur assassin repenti est le sujet même du film et lui donne sa forme et sa tonalité propre. Kittel, qu’on a pu voir comme une réincarnation du légendaire Schinderhannes, espèce de Robin des Bois de la rive gauche du Rhin à l’époque de l’occupation française (vers 1800), force la sympathie, et même une forme d’admiration. Et Fleischmann ne cherche nullement à se retrancher derrière une soi-disant vision neutre ou objective. Cela ne l’empêche cependant pas de demander des comptes à son ami dans deux scènes d’examen de conscience à la violence contenue qui constituent des moments particulièrement forts de l’ensemble.
Mais ce sont avant tout les incessants allers-retours temporels qui rendent le film fascinant : la confrontation du Kimmel de 1970, facétieux et légèrement bravache, conscient de sa stature de quasi-héros, avec celui de 1983, dépressif, au bout du rouleau, et celui de 2003, en apparence serein mais prompt à révéler les tourments qui le rongent.
Si Kimmel occupe le devant de la scène, Fleischmann intègre dans son film nombre de témoignages et réactions de gens du coin, toujours partagés entre l’admiration pour celui qui a mené la police par le bout du nez et la réprobation pour celui qui a cassé lui-même sa légende dans un moment de faiblesse.
Car, au delà du portrait d’un homme et d’une amitié, Mein Freund der Mörder éclaire sous un angle inédit l’histoire allemande de l’après-guerre.
Le DVD
- Mon ami l’assassin (Mein Freund der Mörder) - le DVD
Un double DVD de Filmmuseum, distribué en France par Choses Vues, réunit les deux moutures de cette aventure filmique unique.
Les suppléments
On lira avec intérêt un (trop) bref entretien avec Peter Fleischmann dans le livret trilingue de 16 pages illustrées de photos. Les 35 minutes d’interviews complémentaires contenues dans le premier DVD apportent elles aussi un éclairage supplémentaire fort intéressant. Mais le complément le plus indispensable est évidemment le film de 1985 Al Capone von der Pfalz - Al Capone du Palatinat. Nombre de séquences de Mein Freund der Mörder sont déjà présentes dans cette première mouture à la facture plus classique (ce n’est pas Fleischmann lui-même qui se charge du commentaire en voix off), mais souvent sous une forme plus complète. Le contexte politique d’une Allemagne qui, dans les années 50, n’avait pas réglé ses comptes avec le passé nazi tout récent, est davantage mis en avant que dans le film de 2006 dont Fleischmann a écarté un certain nombre de passages mettant en évidence la fascination exercée sur le jeune Kimmel par les armes à feu. Une fascination qui est née quand, gamin, il s’amusait à jouer avec celles, abandonnées en 1945, qui jonchaient la campagne aux environs de son village et à les collectionner (il parle de 2000 grenades entreposées sous son lit).
Les deux films, loin de faire double emploi, se répondent et se complètent mutuellement.
Image
La beauté visuelle n’est évidemment pas la préoccupation première de Fleischmann dans ces films mais l’excellent report effectué par Filmmuseum permet néanmoins d’apprécier pleinement le contraste entre le lumineux noir et blanc de 1970, les couleurs un peu sales de 1983 et celles, plus neutres de 2003.
Son
Dans ces films constitués essentiellement d’entretiens, le Dolby digital 2.0 mono restitue parfaitement les voix et les ambiances sonores et on n’en demandera pas plus. Pour Mein Freund der Mörder, les non-germanophones devront choisir la version avec la voix off en français, seuls les textes des dialogues étant traduits par les sous-titres.
– Première de "Mein Freund der Mörder" : 25 avril 2006 (Visions du réel, Nyon)
– Première de "Al Capone von der Pfalz" : 08 Novembre 1987 (Neustadt)
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