Broyé par le système
Le 29 mars 2016
Retour sur un documentaire remarqué hors compétition lors de la 23ème édition du festival du film fantastique de Gérardmer. On y aborde le sabordage par sa propre industrie d’un film annoncé comme prometteur qui finira par devenir un râté imbuvable des années 90.
- Réalisateur : David Gregory
- Acteurs : Marlon Brando, Val Kilmer, Fairuza Balk, Richard Stanley
- Genre : Documentaire
- Nationalité : Américain
- Durée : 1h39mn
- Festival : Gérardmer 2016
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– année de production : 2014
Retour sur un documentaire remarqué hors compétition lors de la 23ème édition du festival du film fantastique de Gérardmer. On y aborde le sabordage par sa propre industrie d’un film annoncé comme prometteur qui finira par devenir un râté imbuvable des années 90.
L’argument : Le cinéaste Richard Stanley rêve depuis toujours de porter à l’écran le roman de H.G. Wells L’Île du docteur Moreau. Finalement, au beau milieu des années 1990 et grâce à sa force de conviction, il se retrouve à la tête d’un budget conséquent pour enfin pouvoir donner vie à son projet. Mais le rêve va très vite se transformer en cauchemar, sur fond de batailles d’ego et d’intérêts divergents entre l’art cinématographique et son industrie. Sans langue de bois, ce documentaire revient sur l’étendue de ce naufrage : des premiers croquis préparatoires au renvoi brutal de Richard Stanley du plateau de tournage, en passant par les exigences d’un Marlon Brando surréaliste…
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Notre avis : Ce documentaire au titre à rallonge signé David Gregory retrace l’évolution cauchemardesque du tournage de L’île du Docteur Moreau qui s’était vu confier initialement au jeune et talentueux cinéaste Richard Stanley au milieu des années 90. Une nouvelle adaptation cinématographique du classique d’H.G. Wells faisant suite à celles de 1933 et 1977 mises en scène respectivement par Erle C. Kenton et Don Taylor. Pour Richard Stanley (Le souffle du démon et le totalement culte Hardware), il s’agit là d’un projet lui tenant particulièrement à cœur. Fan depuis toujours du roman de Wells, il s’était mis en tête d’y apporter une vision à la fois respectueuse et audacieuse, tenant compte des plus récentes avancées scientifiques.
Un projet soigneusement préparé (les croquis préparatoires laissaient envisager quelque chose d’assez déviant et donc prometteur) dont la mise en chantier ne manquera pas de s’obscurcir dès l’arrivée de l’équipe de tournage en Australie. Les premiers retours de la gestion de Stanley sur le plateau effarouchent les financiers des studios. Ces derniers craignent rapidement que Stanley ne possède ni assez d’expérience pour mener à bien ce projet ni les épaules pour diriger des égos du calibre de Marlon Brando et Val Kilmer.
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Une incompréhension totale suivi d’un vrai bras de fer à distance qui débouchera sur l’éviction pure et simple du cinéaste du plateau. Stanley finit remplacé par John Frankenheimer pour sauver ce qu’il restait à sauver (entendez par là livrer un film avec un début et une fin). Sous la direction du réalisateur de French Connection 2, L’île du Docteur Moreau allait devenir l’un des pires ratés engendrés dans les années 90 sombrant aux tréfonds du box-office mondial.
Bourré d’anecdotes/rumeurs surréalistes (les orgies entre figurants maquillés, la bataille d’égo entre Kilmer et Brando, les extravagances de Brando, on vous garde la plus drôle pour la fin : Stanley rôdant toujours autour du plateau pour finalement endosser un costume de mutant et prendre part à une scène du film sans que personne ne s’en aperçoive !) et d’interviews délectables qui tournent le plus souvent au réglement de compte, le documentaire auréolé tout de long par le spectre du mysticisme captivera à n’en pas douter le spectateur cinéphile qui pour le coup, trouve des réponses au pourquoi de ce véritable fiasco en le revivant de l’intérieur.
David Gregory dresse en même temps le portrait d’un cinéaste prometteur broyé par la machine hollywoodienne. Car depuis cette douloureuse expérience, Richard Stanley, toujours profondément marqué, vit reclus dans les Pyrénées, hors des limites du système instauré par cette industrie impitoyable. Seuls des documentaires underground ou quelques segments de films à sketches sont encore à mettre à son actif. À l’apparition du générique, on cogite un peu amer à ce que cette production aurait pu devenir sous sa direction tout en regrettant qu’elle n’est jamais pu voir le jour.
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