Le 18 août 2015
Un film qui, à travers l’histoire d’une jeune austro-roumaine, pose la question de la culpabilité et de l’hérédité. Est-ce que les descendants ont à partager les erreurs de leurs aïeuls ? Comment assumer sa propre histoire et vivre sereinement le présent ?
- Réalisateur : Barbara Albert
- Acteurs : Emily Cox, Anna Fischer, Winfried Glatzeder
- Genre : Drame
- Nationalité : Allemand, Polonais, Autrichien
- Durée : 1h52min
- Titre original : Die Lebenden
- Date de sortie : 19 mars 2014
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Un film qui, à travers l’histoire d’une jeune austro-roumaine, pose la question de la culpabilité et de l’hérédité. Est-ce que les descendants ont à partager les erreurs de leurs aïeuls ? Comment assumer sa propre histoire et vivre sereinement le présent ?
L’argument : Sita a 25 ans. Autrichienne d’origine roumaine, elle vit à Berlin, où elle étudie et travaille dans une chaîne de télévision pour laquelle elle a réalisé les castings d’une émission de télé-réalité. De passage en Autriche pour fêter les 95 ans de son grand-père, elle découvre une photo de lui en uniforme SS. Ressentant un irrépressible besoin de connaître ce secret qu’on lui a toujours caché, elle commence un voyage sur les traces du passé familial où se joue aussi son identité.
©Bodega film
Notre avis : Avec Les Vivants, la réalisatrice et productrice autrichienne Barbara Albert propose un film d’inspiration autobiographique. Ses parents sont venus de Transylvanie en Roumanie et elle découvre à l’âge de 29 ans que son grand-père paternel, de nationalité roumaine, a été officier SS pendant la Seconde Guerre mondiale. Barbara Albert s’est donc interrogée sur la culpabilité ou non de son grand-père et par conséquent sur la sienne. Et plutôt que de ressasser cette culpabilité et de se morfondre dans la honte, Barbara Albert a préféré répondre par un film à une question qui concerne beaucoup de familles européennes.
Un des premiers mérites du film Les Vivants est de nous sensibiliser à un point d’histoire : la communauté germanophone de Roumanie, à savoir les Saxons de Transylvanie. Ces Saxons ont été mis pendant des siècles à l’écart de la politique roumaine, le plus souvent nationaliste. Aussi se sont-ils volontiers tournés pour des raisons « culturelles » vers l’Allemagne nazie, surtout à partir de 1940. On estime ainsi à 60 000 le nombre de Saxons qui ont rejoint le IIIe Reich, en s’enrôlant dans l’armée, l’administration et les camps de concentration et d’extermination. Vingt mille d’entre eux étant affectés aux « sales boulots » des camps. Une Transylvanie qui a donc son lot de bourreaux – mais aussi de victimes, ceux qui ont résisté à l’occupant nazi.
Les Vivants explore les thèmes de la culpabilité, du pardon, de l’hérédité et de la vérité, à travers l’histoire de Sita, une jeune femme austro-roumaine, vivant à Berlin. Sita est une héroïne moderne qui croque la vie à belles dents. En perpétuel mouvement, elle partage son temps entre des cours de littérature allemande et son job dans une émission de télé-réalité, genre Star Academy ; elle fait du jogging, circule en Vespa. Espiègle et fort jolie, Sita vit à fond ses aventures amoureuses. Rien ne semble devoir troubler sa joie de vivre – jusqu’au jour, où se rendant à Vienne pour le quatre-vingt-quinzième anniversaire de son grand-père, Gerhard Weiss, elle découvre par hasard une photo déchirée montrant son aïeul en uniforme d’officier nazi. Sita ignorait cet épisode douloureux de l’histoire de la famille. Ce qu’elle vient de découvrir est trop accablant pour qu’elle continue à mener une existence paisible et insouciante.
Suite à cette découverte, elle cherche des réponses aux questions qu’elle se pose. Elle ne peut les obtenir ni de son grand-père, dont la mémoire flanche, ni de son père, Michael Weiss, qui se réfugie dans le silence et qui n’a qu’une réponse à donner à Sita : « Le passé, c’est le passé. Qu’est-ce que tu as besoin de savoir ? ». Mais pour Sita, ne pas savoir, c’est pire que tout. Le vrai scandale, c’est la cachoterie. Impossible de pardonner si elle ne sait pas la vérité.
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Commence alors pour Sita une sorte de road movie qui l’entraîne de Vienne à Varsovie, puis à Auschwitz, pour se terminer dans le village roumain de son grand-père. En train, en avion, en bus, Sita recherche frénétiquement des indices, des documents d’archives, des photos. En voyageant avec elle, nous devenons les témoins d’un dialogue entre les vivants et les morts, entre le présent et le passé. Le rythme rapide de Sita représente celui du présent. Alors que la passivité de son grand-père et de son père représentent le passé.
Les Vivants met face à face trois générations : celle du grand-père, qui se considère quasiment comme une victime de l’histoire ; celle du père qui, en se murant dans le silence, veut tirer un trait sur le passé ; celle de Sita, qui prend conscience que sa construction ne peut se faire qu’en traversant une vérité révélée en plein jour.
Pour Sita, la révélation de cette vérité éclate quand elle visionne une vieille cassette vidéo que lui montre un cousin « maudit » par la famille, car il a osé écrire un livre dénonçant les faits qui la dérangent. Le dégoût est à son comble quand Sita entend son grand-père dire qu’il ne ressent aucune culpabilité, puisque « le Führer avait été envoyé par Dieu ». Et d’ajouter en parlant de son « sale boulot » à Auschwitz : « Je croyais que je rêvais, qu’un fantôme avait pris ma place. »
L’apaisement de Sita viendra avec la lecture de poèmes de sa grand-mère, les échanges avec le cousin trublion qui lui dit : « Est-ce que trouver la vérité va te donner la solution ? », les larmes du père quelque peu repenti et les retrouvailles avec un ancien amoureux, Jocquin, israélien, qui l’entraîne dans des actions humanitaires.
Barbara Albert a trouvé en Anna Fischer une comédienne lumineuse, à la carrure suffisamment solide pour tenir en grande partie ces Vivants sur ses épaules. Le film est tout à fait convaincant dans son propos sans jamais recourir à une didactique pesante. La réalisation est soignée. L’énergie, la tension des situations et le relâchement de ces tensions sont exprimés par des mouvements de caméra et des plans rapprochés des visages dans la ville et les lieux de mémoire. Les Vivants est donc un film important, tout en délicatesse.
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