Une épine dans le cœur
Le 12 décembre 2017
Trollope condensé dans une mini-série de trois épisodes se déroulant dans l’Angleterre du XIXème siècle. Des tableaux souvent savoureux donnant lieu à une critique souvent amusée.
- Genre : Série télé
- : Koba Films
- Plus d'informations : Le site de l’éditeur
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Date de sortie en DVD : 29 novembre 2017
Notre avis : L’homme de lettres Anthony Trollope (1815-1882) n’est pas forcément très connu du grand public francophone, hors angliciste. Pourtant, il s’agit de l’un des romanciers les plus célèbres de l’époque victorienne. On lui doit notamment les Chroniques du Barsetshire, se déroulant dans le comté fictif du Barset.
Le docteur Thorne (1858) constitue le troisième roman de ce cycle. En apprenant que celui-ci a fait l’objet d’une adaptation télévisée, on pense immédiatement à la BBC. Eh bien non ! Pour une fois, on a droit à une commande de la chaîne britannique ITV (diffusion en 2016). Cela étant, les amateurs de romance et d’histoire familiale contrariée ne devraient pas être trop perturbés. En effet, la concurrente ITV a mis les petits plats dans les grands pour que sa série ressemble étrangement au « style » développé ces dernières années par la BBC dont on connaît les moyens pour élaborer des adaptations magnifiques des classiques de la littérature britannique.
Dans Le docteur Thorne, les moyens sont également à la mesure du défi de l’adaptation. Mise en scène soignée, travellings fort à propos dignes d’un long métrage de cinéma... Par ailleurs, les décors impressionnent par leur beauté, qu’il s’agisse des extérieurs, lumineux ô possible, ou des intérieurs dans de belles demeures bourgeoises. L’ère victorienne renaît sous nos yeux, avec la prestance qu’on lui connaît.
Pour ne rien gâcher, ITV s’est adjoint les services de Julian Fellowes à la plume du scénatio. Ce dernier est loin d’être novice puisqu’il a été scénariste sur la série Downton Abbey, considéree comme l’une des meilleures des ces 20 dernières années. Fellowes reprend de façon très fidèle la trame du roman. Il met donc en avant cette grande question, déjà évoquée chez Jane Austen, du choix entre la raison et les sentiments (Sense and sensibility, 1811). Ici, Frank Gresham est l’héritier d’une ancienne famille d’aristocrates possédant de vastes propriétés mais croulant sous les dettes. Sa mère, l’influente Lady Arabella, le somme de réaliser un mariage d’argent. Mais Frank a d’autres desseins puisqu’il est très épris de Mary Thorne, une jeune orpheline, de naissance illégitime, recueillie par le docteur éponyme.
Comme on peut s’en douter, l’intrigue principale est balisée et ne laisse guère de place au doute. Mais cela ne gêne en rien le récit. Dans cette mini-série comportant trois épisodes de 50 minutes, le réalisateur Niall MacCormick assume une mise en place sans obligation de rythme, pour fouiller la psychologie des personnages. Car la grande force du Docteur Thorne est sans nul doute cette galerie de portraits où l’on découvre les mœurs de l’époque dans ce microcosme de bonnes manières et d’hypocrisie.
A cet effet, Julian Fellowes a très bien saisi ce qui faisait la richesse du récit, entre une figure féminine forte (Mary Thorne), un docteur subtil jouant les diplomates entre plusieurs familles (le docteur Thorne) ou encore une armada de pseudo nobles uniquement intéressés par leur rang (Lady Arabella, Lady de Courcy et tous leurs rejetons).
Car derrière son apparat de sympathique romance à l’eau de rose, comme le montre la première scène du film où Frank Gresham et Mary Thorne se rencontrent dans un décor digne d’une superbe carte postale, Le docteur Thorne s’en prend ouvertement à une société passéiste alors que résonne le changement en Grande-Bretagne.
Les différents aristocrates et autres bourgeois se comportent comme de véritables enfants gâtés. Ce sont des propriétaires terriens qui n’ont aucune conscience de la vie difficile qu’endure le peuple. Ces oisifs demeurent bien futiles dans leurs discussions et distractions. A l’inverse, le docteur Thorne et sa très chère nièce sont loués par les valeurs nobles qu’ils véhiculent : l’abnégation, la générosité, la fidélité, le travail : autant de valeurs essentielles piétinées par les nantis de ce monde de dédain. Sans ambages, la critique d’une société inégalitaire où la naissance prime sur le mérite personnel sert de leitmotiv à l’ensemble du programme.
Cette idée est sans cesse rappelée à Frank Gresham qui devrait penser uniquement à sa famille. Pourquoi ? Car un bon mariage permettrait à cette dernière de continuer de vivre sans vergogne dans l’opulence. L’élégante Lady Dunstable, convoitée pour sa richesse personnelle, déclare de façon clairvoyante à Frank : Votre devoir n’est pas de maintenir votre famille dans le luxe. Voilà un excellent pied de nez à tous ces aristocrates (déchus) imbus d’eux-mêmes !
Au niveau de la distribution, pas de star à l’horizon mais des acteurs solides dans leurs rôles respectifs. Tom Hollander est charismatique dans le rôle fondamental du docteur Thorne. Stefanie Martini dégage un charisme certain en jouant Mary Thorne. Quant à Harry Richardson, il interprète convenablement le personnage de Frank Gresham, même si son physique un peu frêle donne l’impression d’avoir affaire au gendre idéal !
En somme, Le docteur Thorne cultive le plaisir, sans grand suspense narratif, et permet de se délecter d’une critique des mœurs de l’époque et, évidemment, d’une belle histoire d’amour.
LE DVD
Un DVD à la qualité irréprochable sur le plan technique mais des bonus peu convaincants.
Les suppléments :
C’est clairement le point faible de cette édition. Il y a bien quatre bonus au menu de ce DVD constitués des coulisses du tournage (10 minutes), d’un entretien avec Julian Fellowes (4 minutes), du Docteur Thorne : un héros discret (4 minutes) et de la romance entre Mary et Franck (5 minutes). Ces bonus sont toutefois trop courts et ne développent pas les sujets qu’ils abordent. D’ailleurs, la multiplicité des intervenants (acteurs, producteurs, scénariste) rend l’ensemble trop superficiel et flirte parfois vers le côté promotionnel. L’analyse d’un professeur de lettres concernant Trollope et l’adaptation de son œuvre aurait sans doute été plus pertinente.
L’image :
L’image est sublime. Les superbes demeures bourgeoises et les beaux décors extérieurs paraissent d’autant plus magnifiques à l’œil. Rien à redire, voilà du bel ouvrage.
Le son :
Le son Dolby Digital 2.0 n’est pas très puissant. Cela n’est pas gênant car la série avant tout sur les dialogues. De ce point on entend clairement la voix des acteurs. A noter qu’outre la version originale sous-titrée en français, la série dispose d’un doublage français de qualité.
En exclusivité, Lady Arabella se dévoile sur aVoir-aLire
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