Eloge de la fiction.
Le 14 mai 2012
Après une sortie en blu-ray, voici La Belle et la bête de retour en salle, dès le 16 mai... en 3D !
- Réalisateurs : Gary Trousdale - Kirk Wise
- Genre : Animation, Film pour enfants
- Durée : 1h27mn
- Titre original : Beauty and the beast
- Date de sortie : 21 octobre 1992
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Balayée, la tradition littéraire ? En dépit d’un pittoresque parfois naïf, cette adaptation fait preuve d’une inventivité des plus heureuses et rend un bel hommage au pouvoir de l’imagination.
L’argument : frappé par un terrible sort, un Prince cruel a été transformé en bête. Pour se délivrer de cet enchantement, il doit gagner le coeur de Belle, une ravissante jeune femme intelligente et indépendante. Aidé par les serviteurs du château métamorphosés en objets, la Bête parviendra-t-elle à montrer que derrière son apparence monstrueuse se cache un coeur de Prince ?
Notre avis : Même si le motif des amours entre une femme et une bête traverse la littérature depuis l’Antiquité (on peut songer à Apulée ou Ovide), le conte de La Belle et la Bête est surtout connu dans la version qu’en a proposée madame Leprince de Beaumont au XVIIIè siècle. Inspiré en bonne part de cette oeuvre éducative - apologie discrète du mariage - et d’une autre version antérieure (celle de Madame de Villeneuve), le film s’ouvre sur un prologue brillant et inventif, véritable moment d’anthologie qui réalise une parfaite synthèse entre l’écriture et le septième art. Coup de génie et coup de force puisque l’hommage discret à la culture des Lettres (images fixes d’un vitrail, associées à la tradition narrative par l’entremise d’une voix off) permet aux studios Disney de s’épargner le devoir d’allégeance aux versions écrites du conte.
Ainsi balayé d’un revers de fantaisie, le culte du modèle s’efface et laisse place à un univers baroque et inventif, mais qui véhicule une imagerie dont il faut reconnaître qu’elle est parfois naïve, notamment lors des séquences au village. Le pittoresque qui a pu oeuvrer en faveur des studios atteint ici ses limites : les gags burlesques (Gaston rejeté par Belle) et le décorum pastoral ne décrochent guère au spectateur qu’un timide sourire, tandis que les personnages - notamment celui du père - y manquent légèrement de profondeur. On pourra toujours regarder ces moments comme un contrepoint bancal mais nécessaire au drame flamboyant qui se joue au château, lieu fascinant qui cristallise à lui seul tout le génie des auteurs et notre émotion. La réussite tient ici à la manière dont les objets prennent vie, grâce à une grande finesse dans le traitement des caractères et à une pluralité de trouvailles ingénieuses (belle galerie de seconds rôles). Si certains s’irriteront du kitsch revendiqué de certains numéros - notamment le célèbre "C’est la fête !" - on pourra aussi saluer la puissance de leur mise en scène et l’inventivité dont les réalisateurs ont su faire preuve dans leur traitement visuel. La virtuosité baroque - puisque "Le baroque, c’est pas du toc" selon les mots de Big Ben - appuie ici un éloge émouvant de la lecture, du spectacle et de la fantaisie, qui seuls offrent à Belle un divertissement à sa captivité auprès de la Bête.
En faisant du personnage de Gaston, amant prosaïque et dépourvu de sensibilité - il déteste la lecture - un futur leader qui rassemblera la foule pour délivrer Belle, les réalisateurs livrent par ailleurs une réflexion discrète sur les liens entre l’imagination et la puissance. Car c’est du côté du château et d’un pouvoir déchu que se situent la création, la sensibilité et le dépassement des apparences. Au contraire c’est l’homme réduit à sa dimension sexuée et son désir de puissance (Gaston est hyperviril, entreprenant) qui devient le véritable monstre. Thème banal, mais qui donne parfois au film les allures discrètes d’une fable politique. La foule, menée par une figure prosaïque, croit que Belle est captive parce qu’elle ignore la puissance libératoire de la lecture et de l’imaginaire.
Aussi cette adaptation de La Belle et la Bête, qui ne conserve du conte initial qu’un argument élémentaire, fournit un bel éloge de la littérature et de la sensibilité. Elle introduit le spectateur à un espace où l’imagination rassemble et préserve de la monstruosité qui menace le réel. Conventionnel, sans doute, mais efficace et émouvant.
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