Le 14 octobre 2022
L’intouchable est un film poignant, qui trouve son excellence dans la dimension universelle de la situation présentée à l’écran : les violences (sexuelles), avec abus d’autorité.
- Réalisateur : Ursula MacFarlane
- Acteur : Paz de la Huerta
- Nationalité : Britannique
- Distributeur : Le Pacte
- Durée : 1h30mn
- Date télé : 14 octobre 2022 22:25
- Chaîne : Arte
- Titre original : Untouchable
- Date de sortie : 14 août 2019
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Résumé : Une plongée au cœur de la saga la plus explosive de l’histoire du Cinéma : L’INTOUCHABLE raconte l’histoire de l’ascension et de la chute du magnat d’Hollywood Harvey Weinstein. Comment il a acquis et préservé sa toute-puissance au fil des décennies, même quand le scandale menaçait. D’anciens collaborateurs et plusieurs de ses accusatrices décrivent son mode opératoire, ainsi que les conséquences de ses abus sexuels présumés, dans l’espoir que justice soit faite et que les choses bougent enfin...
Critique : Depuis 1997, Ursula MacFarlane a à son actif plus de vingt documentaires réalisés pour notamment BBC ou encore Netflix. Ses sujets sont hétéroclites, privilégiant des thématiques surprenantes telles que Marie-Antoinette (Marie Antoinette), des sujets bouleversants comme les attentats de Charlie Hebdo (Charlie Hebdo : Three Days That Shook Paris), ou encore des thèmes touchants, tels que la création d’une troupe de théâtre composée de personnes atteintes de nanisme (Warwick Davis’ Big Night). Avec L’intouchable, Harvey Weinstein, Ursula MacFarlane expose pour la première fois son travail dans les salles de cinéma.
- Copyright Le Pacte
L’actrice Erika Rosenbaum (première personne à témoigner dans le film) est le fil rouge du long métrage d’une durée de 90 minutes. Le documentaire comprend des interviews d’actrices ayant accusé l’ancien producteur, mais aussi des entretiens avec des journalistes, des producteurs, des réalisateurs, des agents et des avocats impliqués dans l’affaire. Hope d’Amore, ancienne employée d’Harvey Weinstein, raconte un viol commis par ce dernier dans les années 70, quand il n’était encore qu’un producteur de concerts de rock. Il l’aurait convié dans sa chambre d’hôtel pour discuter de projets professionnels. Ce mode opératoire revient à plusieurs reprises dans les témoignages des victimes d’agressions sexuelles présumées, qui constituent un échantillon représentatif de l’effectif total composé de 93 femmes (à la date du 31 octobre 2018). Comme dans tout mode opératoire, la victime (indépendamment de son sexe) a peu de chances de se débattre face au prédateur, qui a plusieurs coups d’avance et insiste jusqu’à obtenir par usure l’acte sexuel. De surcroît, l’état de sidération (traumatique) se déclenche au cours de l’agression, provoquant une paralysie psychique et physique de la victime.
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Dans ce que rapporte le film d’Ursula MacFarlane, Harvey Weinstein utilisait sa position de magnat de Hollywood dans ses rapports humains. L’exhibition de son corps nu, dans sa suite ou des massages, sont autant de situations provoquées par l’ancien producteur auprès des femmes qu’il avait ciblées comme proies. Ce prédateur, aguerri au fil du temps, bénéficiait d’une protection protégée de la jungle cinématographique. Effectivement, selon les témoignages, nous aurions donc affaire à un schéma d’abus d’autorité d’un homme adulé par tous, pour sa position professionnelle, ce qui est rappelé par le choix du titre, L’intouchable. Cependant, ce long métrage met en lumière des témoignages, avec une grande pudeur, sans pour autant rentrer dans les processus psychologiques des victimes. C’est un des points faibles du film.
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Plusieurs témoignages révèlent le mode opératoire d’Harvey Weinstein, utilisant abondamment le chantage, jusqu’à épuisement des victimes présumées, qui éprouvaient un sentiment d’impuissance face à un des producteurs les plus respectés de la planète hollywoodienne, avant que l’affaire n’éclate. Outre les témoignages d’agressions sexuelles, nous découvrons un homme tyrannique avec l’ensemble de son entourage. Ainsi, plusieurs hommes ont subi les violences physiques de Weinstein, comme en témoigne dans le film Andrew Goldman, ancien journaliste du New York Observer. À l’époque, jeune journaliste, il a pu obtenir un enregistrement volé de la part du producteur, qui déclara sa position de “shérif”. La mise en scène travaillée du film dévoile l’extrait audio qui glace le sang. À travers vingt-six témoignages, le documentaire nous fait donc découvrir un homme violent dans son quotidien, qui instaure un climat de crainte. La dissonance caractérise Weinstein, qui oscille entre un homme tyrannique et un génie dans son domaine professionnel, producteur de films multi-primés, tels que Pulp Fiction de Tarantino. L’ancien magnat de Hollywood aurait donc utilisé tous les mécanismes d’emprise psychologique, pour installer un climat de peur avec une crainte de le contrarier.
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Face un thème aussi complexe, le film manque de recul sur l’affaire en cours, dont le début du procès est prévu pour le 9 septembre prochain, soit 20 jours après la sortie du long métrage. La réalisatrice MacFarlane a été contactée par le producteur Simon Chinn en novembre 2017, soit un mois après les premières accusations d’agressions sexuelles par l’article du New York Times écrit par Jodi Kantor et Megan Twohey. Deux mois plus tard, en février 2018, les recherches et la pré-production ont démarré, soit au moment où l’affaire suscitait une avalanche d’articles publiés. Le manque de recul a aussi été pointé du doigt par la critique, pour la pièce de théâtre Bitter Wheat (Blé amer en français), qui est actuellement sur les planches londoniennes. Dirigé par David Mamet, Bitter Wheat met en scène John Malkovich dans le rôle d’un producteur américain de cinéma, puissant et arrogant, qui engage une jeune actrice (Ionna Kimbook) et commence à lui faire des avances. L’intouchable quant à lui décrit un contexte universel (relation d’autorité), où des agressions sexuelles par abus ont eu lieu sur plusieurs décennies. La dimension médiatique et la pluralité des complicités font de l’affaire Weinstein un cas exemplaire qui a lancé le hashtag #MeToo. Ainsi, le film met en lumière les nombreux avocats engagés par Harvey Weinstein, qui ont établi des accords de confidentialité, pour museler les témoignages compromettants, jusqu’à négocier le prix du silence à plus de 200 000 dollars.
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Une complicité importante est pointée par un des collaborateurs de Harvey & Corky productions (production de concert de rock), puis de Miramax (production de cinéma), son propre frère Bob Weinstein. Ce dernier a toujours réfuté les accusations de témoins extérieurs, comme son ancienne assistante Kathy DeClesis déclarant face à la caméra de MacFarlane qu’elle a confronté à plusieurs reprises Bob Weinstein, sur le harcèlement sexuel présumé commis par Harvey Weinstein. Notamment au moment de sa démission, où elle lui aurait dit “Je démissionne et ton frère est un sale porc”. Néanmoins, d’autres collaborateurs expriment leurs regrets de ne pas avoir eu le courage de quitter leurs entreprises. C’est le cas de John Schmidt, ancien directeur de Miramax, qui n’a pas su démissionner lorsque son amie et collègue a été agressée par Harvey Weinstein. Face caméra, il dit regretter sa passivité, jusqu’à dire qu’il a “ce poids sur [sa] conscience”.
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Plus largement, le système pyramidal est pointé du doigt. Ainsi, le film interroge sur la responsabilité des médias, où la banalisation des comportements de Weinstein était évoquée sur un ton humoristique, qui se fondait sur des rumeurs. Asia Argento n’est pas intervenue dans ce documentaire, alors qu’elle est une des premières à avoir témoigné en son nom dans le journal New Yorker, le 10 octobre 2017. Peu de temps après, le journal italien Libero est l’un des premiers à avoir remis en cause la sincérité du témoignage de l’actrice. "Céder aux avances d’un boss, ce n’est pas un viol mais de la prostitution", écrit-t-il en Une, avant d’ajouter : "D’abord, elles s’offrent puis elles se plaignent et prétendent se repentir." Témoigner est donc un acte courageux, quand l’un des risques majeurs est la remise en doute du non-consentement. Zelda Perkins, ancienne assistante de Harvey Weinstein à Miramax, parle dans ce film d’une responsabilité collective, car selon elle, “le plus terrible est que le système a permis que ça arrive”. La remise en question de la culpabilité des victimes, par l’opinion publique ou dans des cercles plus restreints, est un élément universel.
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Effectivement, l’excellence du film L’intouchable repose en grande partie sur la dimension universelle des situations de harcèlement sexuel. Cette caractéristique se retrouve dans l’abus d’autorité, le mode opératoire propre des accusés, le silence et les répercussions des agressions sur les victimes (silence, honte, culpabilité), les témoins silencieux ou encore la contestation des faits présumés par l’accusé. Pour le procès de Harvey Weinstein, l’accusé plaide non-coupable pour tous les chefs d’inculpation. Les victimes peuvent néanmoins trouver une première reconnaissance dans la diffusion bienveillante de leurs témoignages, à travers le documentaire L’intouchable.
Un des moments les plus poignants est l’enregistrement audio-réalisé par l’ancienne mannequin Battilana Gutierrez. En 2015, elle rencontre Harvey Weinstein dans les bureaux de la société de production Miramax, pour lui présenter son portfolio. Mais il l’agresse sexuellement. Dans la nuit même, elle dépose un rapport de police et le lendemain, réalise, à la demande du commissariat, un enregistrement d’une nouvelle rencontre avec le producteur. Dans cet audio glaçant publié par le journal The New Yorker, Amber demande au producteur "pourquoi hier tu as touché mes seins ? " (trad :“Why yesterday you touch my breast ?”). La réponse glaçante et tétanisante de Harvey Weinstein est mise en lumière dans le film L’intouchable, disposant de belles mises en scène, révélant avec une douce virulence sa face criminelle.
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