Le 2 juillet 2020
Si les ressources venaient à s’amenuiser, suite à un effondrement économique, comment réagirions-nous ? Irions-nous dévaliser les supermarchés, nous regrouperions-nous en communautés ou nous occuperions-nous des autres, coûte que coûte ? Dans cette série d’anthologie, huit épisodes, narrant chacun une situation, tentent de répondre à ces questions, à travers une approche militante qui peine à étayer son propos.
- Réalisateurs : Guillaume Desjardins - Jérémy Bernard - Bastien Ughetto
- Acteurs : Lubna Azabal, Samir Guesmi, Audrey Fleurot, Yannick Choirat, Michaël Abiteboul, Roxane Bret, Bellamine Abdelmalek , Alicia Hava
- Genre : Drame
- Nationalité : Français
- Durée : 8 épisodes de 15 à 25 minutes
- VOD : My Canal /Youtube
- Date de sortie : 11 novembre 2019
- Plus d'informations : A voir sur MyCanal
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Résumé : Si demain, l’organisation étatique telle que nous la connaissons en France s’effondre, que pourrions-nous faire ? Quelles nouvelles organisations se mettraient en place ? Que ce soit pour la nourriture, le soin, l’approvisionnement en énergie, les individus ordinaires sont confrontés à des choix capitaux : ceux de l’entraide ou de la lutte personnelle.
Critique : Se ruer au supermarché pour faire le plein de provisions, fuir la ville et n’emporter que le nécessaire. Lorsque le premier épisode commence, l’affolement gagne quelques individus, qui alertent que l’effondrement est proche. Cet effondrement, c’est celui qui ne permet plus à la population d’accéder à l’approvisionnement alimentaire, aux médicaments, aux énergies, à l’eau, ni à la Loi. Nous sommes bien dans une série post-apocalyptique : chacun est livré à lui-même, plus rien n’est organisé. Le monde tel que nous le connaissons peut s’arrêter brutalement. C’est en tout cas le parti pris de Jérémy Bernard, Guillaume Desjardins et Bastien Ughetto, les réalisateurs de la série, membre du collectif de cinéastes Les Parasites. Les situations de tension peuvent ainsi faire surgir le meilleur comme le pire de l’Humanité. Cette thèse s’appelle la collapsologie, fondées sur l’épuisement des ressources et les crises de civilisation.
Évidemment, voir cette série après la période de confinement que nous venons de vivre change la vision de cet « effondrement » : toute organisation peut-elle réellement disparaître ? L’efficacité des premiers épisodes réside dans la vraisemblance des scènes qui nous sont montrées et que nous avons observées réellement, au début de la crise liée à la Covid-19 : les caddies pleins à craquer au supermarché, la ruée sur les pompes à essence, la tentation de l’autosuffisance. Le tout filmé en plan-séquence, c’est-à-dire en temps d’action réel, avec l’absence de tout montage. Ainsi, le spectateur est toujours dans l’événement avec les protagonistes, le rythme est soutenu et cela permet de mieux suivre ce qui se passe. De ce fait, on comprend que les situations présentées montrent l’absence de choix : il est trop tard pour anticiper, il n’y a pas d’autre choix que de réagir. Voilà, pour les créateurs, le but du propos : éveiller les consciences et permettre aux citoyens d’agir avant qu’il ne soit trop tard. Malgré tout, en n’énonçant pas clairement les raisons de cet effondrement, ni les clés pour s’en prémunir, la série reste surtout dans l’alerte et davantage dans la dénonciation du comportement des élites.
Les choix de narration résonnent cruellement avec l’actualité. Il n’y a pas d’épisode J0 mais à J+2 (premier épisode), personne ne semble se rendre compte de la crise qui arrive. A J+5, nous sommes encore dans les vieux réflexes de stockage de l’énergie fossile. La société se caractérise par son égoïsme, son individualisme, son réflexe primaire de survie. L’envie que tout soit comme avant est plus forte que tout.
Évidemment, avec la distance de la caméra, s’accrocher aux réflexes anciens paraît vain et d’ailleurs aucun protagoniste qui ne s’engagerait pas dans sa survie n’est montré à l’écran. Comme si ce n’était pas la peine de développer, ces personnes-là sont condamnées à ne pas survivre. L’absence de choix est bien réelle : marche ou crève. Ce parti pris alarmiste en fait une série militante, peut-être encouragée par le mouvement survivaliste. Les épisodes sont volontairement violents, pour montrer le point de rupture où il ne vaut mieux pas arriver.
Le choix de tourner en plan-séquence accentue le caractère sensationnel de la série : évidemment tout est crédible, et la tension est au maximum lorsqu’il s’agit d’échapper au chaos pour sa propre protection. Pourtant, c’est bien ce parti pris qui, in fine, amoindrit la qualité. Si le propos est original, il manque parfois de réalisme par son sensationnalisme. L’épisode sur la centrale nucléaire, notamment, n’est pas crédible à cause de nombreuses erreurs techniques. Les clichés sont nombreux : « j’étais informaticien, je ne sais rien faire » - épisode Le Hameau, les ministres sont des incapables et des menteurs, et l’homme d’affaire forcément malhonnête. Il s’agit là d’une série politique, mais qui tend à prôner davantage le survivalisme et surfe aussi sur un discours anti-élite, voire complotiste – *spoiler cf. l’île réservée aux plus riches sécurisée par l’armée - dans l’air du temps, plutôt qu’un appel à un changement de civilisation, soutenu par une réflexion collective et mondiale.
Malgré le manque de nuance, la réflexion sous-jacente sur l’utilité dans la société est intéressante, lorsque le système tel que nous le connaissons s’effondre. Le pompiste devient riche, le caissier a les clefs de la banque, le soignant est tout puissant, etc…mais le paysan est aussi à la merci du premier qui possède une arme, le pompiste est volé, le soignant attaqué… Bref, la société peut s’organiser en fonction des capacités manuelles ou compétences de chacun mais les plus violents, les plus riches gagnent, car ils ont les moyens d’avoir tout anticipé. Le pessimisme de L’Effondrement consiste à montrer les plus valeureux qui se préparent, mais en laissant, au final, bon nombre de personnes au bord du chemin.
Cette série coup de poing est réussie grâce à sa réalisation, son sujet, mais, en s’appuyant sur un parti pris anxiogène, elle empêche l’intention de départ, celle d’une réflexion approfondie sur le monde de demain. Néanmoins, la résonance avec l’actualité et son écriture avant la crise mondiale d’aujourd’hui en font une production remarquable par son sens de l’anticipation.
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