Le 16 juillet 2024
Karmapolice n’est ni vraiment un polar, ni vraiment un film social, mais une fable urbaine et poétique, plantée en plein dix-huitième arrondissement où se mêlent, pour le meilleur et pour le pire parfois, les faunes bigarrées d’une certaine France du melting-pot culturel.
- Réalisateur : Julien Paolini
- Acteurs : Sabrina Ouazani, Thomas Blumenthal, Karidja Touré, Syrus Shahidi, Alexis Manenti, Steve Tientcheu, Foëd Amara
- Genre : Drame, Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters
- Nationalité : Français
- Distributeur : DHR - A Vif Cinémas
- Durée : 1h20mn
- Date de sortie : 17 juillet 2024
- Festival : Festival du film policier de Cognac 2023
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Résumé : Angelo, flic idéaliste, veut changer de métier. Il se jette corps et âme dans les histoires de son quartier afin de rééquilibrer son karma. L’histoire d’une amitié et d’une emprise dans le Paris de Château Rouge ; une ode aux invisibles, à la contrebande et aux poètes de la rue ; une équipée humaniste, plongée électrique dans le sillon du film noir.
Critique : D’abord il y a ces magnifiques photographies en noir et blanc de la porte de la Chapelle avec des femmes et des hommes dévorés par la drogue et ces rues où la diversité culturelle honore la France. Puis, soudain, la caméra se lève sur une rue animée du quartier de Château Rouge, prouvant immédiatement que le vivre-ensemble n’est pas une vue de l’esprit mais une réalité heureuse de nombreux Parisiens. Angelo et sa très jolie compagne viennent d’accéder à un appartement de passage, qui a moins l’air d’un espace de vie que d’une antre théâtrale, teintée de bleu et de rouge. Le protagoniste est habité par une dépression immense, est en arrêt de travail, et sa douleur inconsolable l’amène à arpenter les rues populaires de son nouveau quartier où, petit à petit, il endosse la figure prophétique d’un accompagnateur social.
Le nouveau film de Julien Paolini est assez éloigné de son dernier long-métrage, Amare Amoro, sinon qu’il s’agit dans les deux cas d’une quête de rachat de deux hommes, en peine d’existence. Le réalisateur choisit de poser sa caméra dans les rues animées du quartier Château Rouge ou d’autres plus sombres, proches de la porte de la Chapelle. Il n’hésite pas à filmer la réalité dans ses éclats les plus beaux, les plus joyeux, mais aussi les recoins noirs de la ville où les rats se faufilent entre les déchets et les toxicomanes survivent sous des tentes de fortune. Les personnages nombreux de ce récit cosmopolite éblouissent la ville, loin des représentations souvent mortifères des quartiers populaires, véhiculées par les débats publics.
- Copyright Alex Pixelle
Il y a dans la matière esthétique de ce film, quelque chose qui fait penser au mysticisme très fort des premiers films de Polanski. Julien Paolini assigne à son personnage principal, Angelo, la figure quasi désespérée d’un sauveteur qui s’enquiert de sortir de la misère et de l’injustice les êtres qu’il croise sur son chemin. Il se lie avec un être attachant, gauche parfois, armé de sa béquille, surnommé Poulet, qui semble vivre dans un état second entre le statut de SDF, d’adulte handicapé et de bénévole au grand cœur. D’autres personnages plus sombres comme cette jeune toxicomane consignée dans son appartement par un dealer de crack accompagnent ce conte original et pétri d’inventivité.
En dépit du prix mérité au Festival de Cognac en 2023, Karmapolice n’est pas vraiment un polar au sens strict du terme. Certes, l’histoire repose sur un traumatisme ancien subi par le héros. La mise en scène préfère aux coups de feu, aux enquêtes policières, les déambulations lunaires d’un dandy contemporain. Sa compagne cherche par tous les moyens à fuir l’arrondissement, écumant les visites d’appartements dans des quartiers plus bourgeois qui se soldent la plupart du temps par des échecs. Le réalisateur montre qu’il est tout à fait possible d’habiter au milieu de commerces métissés, de populations multiculturelles, sans avoir besoin de verser dans un thriller caricatural où les protagonistes parleraient comme des voyous et feraient régner la terreur. Au contraire, Angelo renaît peu à peu de ses cendres amères et s’envisage comme un être en devenir, débarrassé définitivement de sa carte de policier.
- Copyright Alex Pixelle
Karmapolice réunit à lui tout seul les acteurs peut-être les plus en vogue en ce moment : Steeve Tientcheu, Karidja Touré, Alexis Manenti, Syrus Shahidi ou Foëd Amara. À eux tous, ils forment une nouvelle génération de comédiens qui incarnent la diversité française d’aujourd’hui. Pour autant, Julien Paolini ne dresse pas un étendard idéologique. Il soigne une histoire, aux ressorts très originaux, dans un univers urbain multiple et inventif.
Karmapolice est peut-être le long-métrage d’auteur le plus original de cet été 2024. Il faut d’emblée saluer le très beau travail de photographie et de lumière, sans lequel le long-métrage aurait pu être relégué à une vulgaire balade urbaine. Le parti pris esthétique du récit élève le propos dans une dimension quasi initiatique, où le Bien se drape dans les traits d’un homme lavé de ses tourments et excès.
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