Le 14 juin 2018
Un kaléidoscope émouvant de portraits féminins.


- Réalisateur : Catalina Mesa
- Genre : Documentaire
- Nationalité : Français, Colombien
- Distributeur : Arizona Distribution
- Durée : 1h17min
- Titre original : Jericó, el infinito vuelo de los días
- Date de sortie : 20 juin 2018

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Résumé : À Jericó, village de la région d’Antioquia en Colombie, des femmes d’âges et de conditions sociales différentes évoquent les joies et les peines de leur existence. Leurs histoires se dévoilent l’une après l’autre, ainsi que leur espace intérieur, leur humour et leur sagesse. Chila, Luz, Fabiola, Elvira… tour à tour frondeuses, nostalgiques, pudiques et impudiques. Un feu d’artifices de paroles, de musique et d’humanité.
Notre avis : C’est un doux village aux maisons bigarrées, niché à deux mille mètres d’altitude. La caméra de ce superbe documentaire le filme amoureusement, transfigurant chaque plan en un tableau de Matisse. Les femmes y sont reines et les hommes les regardent, jeunes ou vieilles, tantôt drôles, tantôt émouvantes, parfois les deux. Il ne s’agit pas ici de naturaliser une forme de sensibilité féminine, mais de proposer un ensemble cohérent à travers différents portraits. Ils esquissent en creux l’image d’une Colombie profondément croyante : ainsi, une vieille autochtone, qui collectionne les chapelets, bénit le Seigneur de la faire vivre à Jericó ; une autre, en quête d’amour, exhorte Sœur Marie de Jésus, religieuse colombienne canonisée en 2013, évoque ses souffrances physiques, avec des larmes dans les yeux, avant de s’autoriser un écart, en la traitant de "coquine" et de "grassouillette". Peu après, cette dévote sincère recueille la parole d’une plus jeune femme, qui lui narre son histoire d’amour ratée avec un homme devenu prêtre, comme s’il fallait que la foi prenne toutes les formes nécessaires à son existence.
(c) 2018 - Arizona Distribution
Cette ferveur n’empêche pas l’humour, qui forme un contrepoint tout à fait lumineux, fait écho au soleil, dont les rayons nimbent les tissus, les façades des maisons, les beaux visages saisis par des gros plans, lorsque des mains s’affairent pour apprêter un chignon, ourler les yeux d’un maquillage idoine, broder un tissu chatoyant. Mais certaines mains sont assignées au ménage ou à la cuisine, selon un déterminisme social qui renvoie au poids des traditions et condamne les désirs individuels à une implacable déception. Parce que plusieurs de ces habitantes n’ont pas poursuivi une longue scolarité, leur horizon s’est borné à un environnement domestique qu’elles se sont attachées à soigner, certaines se résignant à leurs rêves avortés ou les vivant par procuration, à travers leurs enfants. Autre fait notable : si l’on excepte la dernière femme portraiturée, toutes ces personnes sont seules et de cette solitude, on infère une double lecture que confirment les témoignages : il y est à la fois question de désirs d’émancipation et d’amours douloureuses. Lorsque quelques-unes d’entre elles abordent leurs relations sentimentales, le lexique s’infléchit, les mots deviennent plus crus, portent en eux le trouble et l’amertume de ce qui n’a pas duré. Parfois, c’est le destin lui-même, dans toute sa cruauté, qui vient frapper à la porte de l’existence : une institutrice raconte comment elle perdit son mari, victime d’une chute accidentelle, surmonta la douleur en s’occupant de ses neuf enfants et en ouvrant une maternelle au village.
Parfois, les petites histoires rejoignent la grande : une mère bouleversée explique comment son fils fut enlevé sous les yeux de son père par l’Armée de libération nationale et dit son espoir de le retrouver vivant, en dépit des années passées.
(c) 2018 - Arizona Distribution
Le dernier mot est laissé à une étonnante centenaire, d’une vitalité à toute épreuve, qui a contractualisé avec la Vierge son passage vers l’autre rive : si elle s’engage à égrener quotidiennement ses trois rosaires, à charge pour l’autre d’être la première à l’accueillir !