Le 18 octobre 2022
Habités est un documentaire immersif qui parvient à éclairer les spectateurs sur les rouages intérieurs de la maladie mentale et à rendre presque normal ce qui pourrait être perçu comme de la pure folie.
- Réalisateur : Séverine Mathieu
- Genre : Documentaire
- Nationalité : Français
- Distributeur : Alchimistes Films
- Durée : 1h25mn
- Date de sortie : 19 octobre 2022
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Résumé : Le film raconte ma rencontre avec quatre habitants de Marseille qui vivent entre raison et déraison. Considérés comme "malades" par la société, ils habitent néanmoins en ville. Entre des périodes d’hospitalisation, ils tentent de s’élancer vers le monde commun, de l’habiter, d’y être présents, alors qu’ils sont eux-mêmes habités, étrangers, inspirés.
Critique : Filmer la maladie mentale est périlleux. Périlleux car le risque demeure ou de renforcer le rejet ou au contraire de forcer l’empathie. Séverine Mathieu a passé près de trois années pour appréhender la folie en rencontrant des patients et des soignants. Elle fabrique un film qui pourrait se réduire au risque de l’observation journalistique, sinon qu’elle-même mène les dialogues et s’immerge avec les malades dans la complexité de l’environnement urbain qui les entoure. Habités parle en quelque sorte de la mécanique douloureuse de la maladie mentale et de ses impacts terribles en termes de stigmatisation et de solitude. Les dialogues qui s’engagent entre la réalisatrice et les patients semblent normaux, ils empruntent des thématiques profondes voire philosophiques. Mais très vite, on perçoit, derrière les mots, les maux liés à l’anxiété et la déraison.
- Copyright Les Films du Carry
Ce qui est troublant dans la maladie mentale, et particulièrement la schizophrénie, demeure le lien ténu entre le normal, l’exaltation surnaturelle et le pathologique. La réalisatrice parle avec ces femmes et ces hommes qui pourraient être confondants de normalité. Le handicap invisible habite ces êtres fragiles qui interrogent leur déni de la maladie, tout en reconnaissant les torpeurs qui les accablent au quotidien et le fil sur lequel ils avancent dans l’existence. La fascination qu’on pourrait éprouver pour ces personnages n’est jamais loin. D’ailleurs, le recul de la caméra les donne à voir comme des personnages attachants, sensibles ; mais en réalité, ils errent dans l’emmurement de leur pathologie et la solitude de leur état. Les soignants sont filmés souvent de dos. L’important n’est pas de réduire ces personnes à des consultations médicales mais de les présenter comme des humains en quête de paix et de guérison.
Le film rend formidablement palpables la pauvreté, l’exclusion qui continuent d’habiter ces personnes avant tout victimes d’une maladie, au même titre qu’un cancer ou toute autre pathologie somatique. Pourtant, l’on sait que la reconnaissance du handicap invisible doit lutter contre le sentiment partagé par un grand nombre de personnes que les malades mentaux ne font pas d’efforts pour s’en sortir et qu’ils exagèrent leurs émotions malheureuses. Il y a beaucoup d’amour et d’empathie dans la manière dont Séverine Mathieu aborde ces quatre héros ordinaires et extraordinaires à la fois. Les confidences sont fluides, cédant souvent à l’impuissance, et à la douleur. On les regarde pétris dans l’immobilité, le regard absent, éteint, parfois traversé d’un sourire. Ils semblent retenus dans un état antérieur dont ils ne parviennent pas à s’extraire.
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Habités ne mériterait pas de finir comme un grand nombre de documentaires, à savoir se retrouver aux oubliettes des œuvres si peu diffusées sur les écrans. Car Il y a dans ce projet, d’abord humain, l’ambition noble de donner chair à ces milliers de vies brisées qui se démènent comme elles peuvent avec leurs démons intérieurs.
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