Le 9 juillet 2018
Avec ce documentaire familial, Aslaug Holm réalise un film sensible, très personnel qui interroge mais lasse aussi.
- Réalisateur : Aslaug Holm
- Genre : Documentaire
- Nationalité : Norvégien
- Distributeur : Aloha Distribution
- Durée : 1h42mn
- Titre original : Brødre
- Date de sortie : 11 juillet 2018
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Résumé : Deux frères, Markus et Lukas, vivent dans une ancienne maison au cœur d’Oslo. La rivière coule près de leur foyer. Un véritable paradis en pleine ville. Nous les voyons grandir, tandis que leurs rêves et leurs espérances prennent forme. Parfois, ce qu’ils désirent et ce dont ils ont besoin est à l’opposé de ce qu’on attend d’un fils ou d’un frère parfaits.
Notre avis : Il y a presque au début du film une phrase de la cinéaste qui fait office de programme : « les petits moments renferment tout ». Ainsi donc, en enregistrant ses deux fils au long des années, ce qu’à plusieurs reprises ils lui reprochent, elle souhaitait à la manière d’un minimaliste, regarder de près ce qui l’entoure, loin du documentariste « traditionnel », pour rendre compte de l’essentiel et de l’universel. Mais ce programme initial se dissout dans un autre, ou plutôt se confond avec lui, qui est de retrouver la fonction première du cinéma : nier le temps. Aslaug Holm, en fixant le quotidien de ses enfants, permet de le conserver, d’y revenir (d’où ces images qui reprennent à l’identique une pose à des époques différentes), de le fixer pour oublier ou conjurer l’implacable flux. Là sans doute, chacun peut se reconnaître, dans cette nostalgie inhérente à l’homme face au temps.
- Copyright Aloha Distribution
Cela ne va pas sans beautés (les paysages, les hésitations, les scrupules des enfants, tel plan avec du linge étendu, l’évocation des parents et grands-parents, très juste), mais pas non plus sans lourdeurs et surtout sans ennui : voir des garçons s’entraîner au foot, peiner à faire leurs devoirs, piquer une colère ou détester l’école, peut sans doute renvoyer à ses propres expériences et s’interroger sur ses souvenirs, mais on a parfois l’impression d’assister aux films familiaux amateurs qui n’intéressent que ceux qui les ont tournés. D’autant que la réalisatrice s’est attachée à ne pas dramatiser des événements assez peu nombreux par ailleurs. Selon sa sensibilité, on se sentira plus ou moins concerné par cette description répétitive qui tourne autour de peu de lieux (l’école, la maison, le terrain d’entraînement) et donne parfois la sensation de bégayer.
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Pourtant, le film pose en filigrane deux questions passionnantes (on passe sur celles que pose de temps en temps Aslaug Holm, soit à ses enfants, soit en commentaire). La première est celle de l’influence de la caméra, c’est à dire en quoi sa présence modifie le comportement des enfants, les pousse à feindre ou à exagérer. Vieille interrogation du documentaire, dira-t-on, mais renouvelée par la constance de l’enregistrement sur plusieurs années. La seconde se rattache à la première et surgit presque à la fin : en effet, l’une des dernières séquences reprend le tout début, quand Markus se jette à l’eau, enjoint son frère de le suivre, et que celui-ci renonce ; sauf que, si elle reprend sous des angles différents la même scène, elle en change la fin : Lukas saute. Qu’est-ce à dire ? Où est la vérité ? Y a-t-il eu deux occasions, un « échec » et une « réussite » ? La réalisatrice imagine-t-elle modifier le passé ? S’interroge-t-elle sur la valeur des souvenirs qui, on le sait, sont mouvants et parfois reconstruits ? S’amuse-t-elle à brouiller les limites du documentaire ? À partir de ce simple changement, on peut se questionner sur la matière même du métrage, qui n’a peut-être jamais cessé de jouer avec la réalité qu’il enregistre. Le fait de placer cette séquence presque à la fin, avant des images sensibles mais un peu mièvres, oblige à le reconsidérer tout entier, comme la mise en doute de ce qu’on a vu et ses vertigineuses conséquences. Pour sa sensibilité, pour ses beautés éparses et pour les interrogations qu’il suscite, Brødre pourra séduire un public curieux. Mais il faut accepter le rythme languissant et entrer dans la fascination de la cinéaste pour sa propre histoire.
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