Braqueurs amateurs - la critique

Irrésistible comédie alter-marrante, gentiment incorrecte, boostée par l’infernal Jim Carrey, survolté.

L’argument : Dick vient d’avoir LA promotion du siècle à Globodyne, LA grosse entreprise qui marche. Génial ! Jane, sa femme, démissionne, et les travaux du sauna sont lancés. Pas de pot, quelques heures plus tard, voici Globodyne coulé par un scandale financier, et tous ses employés à la rue, sans indemnités - à l’exception de son patron, le gras McCallister, qui s’en sort plutôt bien. Endettés jusqu’au coût, Dick et Jane vont devoir trouver un moyen de remonter la pente...

Notre avis : Commençons par notre habituelle dénonciation des titres traduits de l’anglais. Oublions ces "braqueurs amateurs", titre totalement insipide et qui ne dit rien de cette comédie acide et disjonctée. A peine illustre-t-il le deuxième tiers de la bobine. Proposons à nos amis communicants de s’inspirer des Québécois, amateurs de traduction littérale. "Amusons-nous avec Dick et Jane" (le titre original du film de Dean Parisot étant Fun with Dick and Jane) sera parfait. Un titre tout en ironie dans un premier temps, tant la descente aux enfers du couple fauché est hilarante. Un titre ensuite tout justement littéral, tant ces deux-là s’éclatent dans leurs braquages.
Fun with Dick and Jane est en effet une comédie satirique au rythme infernal, qui jamais ne faiblit. Ou l’histoire d’un couple parfait, beau, riche et en pleine réussite, une vraie caricature du rêve américain avec grosse voiture, pavillon, pelouse synthétique, piscine et gouvernante mexicaine, qui va prendre en pleine poire la face obscure dudit rêve : la corruption, les gros sous et les gros patrons. On assiste ainsi, durant les quarante premières minutes, à la montée puis à la descente (raide) des ces deux-là, dans une cascade de gags et de grimaces du génial Jim Carrey (qui agacera ceux qui ne l’aiment pas et ravira ceux qui le plébiscitent). De l’hypocrisie des collègues de bureau à un renvoi à la frontière mexicaine hyper salé, le ton est vite donné. On s’amuse, on rigole franchement, et, mieux, intelligemment.
En effet, Fun with Dick and Jane est une critique rigolarde du monde des affaires, et les interventions télévisées de Dick, puis celles de son patron (impeccable Alec Baldwin, qui remet le couvert en patron après Elizabethtown), qui dit souffrir terriblement de la crise, filmé sur fond de gigantesque villa et en pleine chasse au canard, sont succulentes. De fil en aiguille, après s’être éclaté au braquage - d’abord totalement grotesque puis purement maîtrisé - Dick et Jane vont s’atteler à faire payer ceux qui les ont poussés à "prendre les armes". Pour rire, mais aussi pour faire du gentil altermondialisme à la Robin des Bois.
Au final, Fun with Dick and Jane est une totale réussite car jamais Dean Parisot et Jim Carrey (aussi producteur) ne semblent se prendre au sérieux. Evidemment, on pourrait discourir sur les salaires certainement mirobolants des acteurs, les millions de la promo, et se dire que c’est un peu l’hôpital qui se fout de qui vous savez. Mais le tout dégage une certaine sincérité, et une telle dose d’humour mêlée à un sens de l’observation des "convenances" sociales - un portrait légèrement vitriolé d’une Amérique à deux vitesses - qu’on se laisse séduire. Y’a pas à dire, on s’est bien "amusé avec Dick et Jane", et en plus, on s’est amusé sur le dos de l’Amérique de Bush et d’Enron, ce qui est encore mieux.