Le 18 mai 2018
Atlanta a enfin signé son retour après sa géniale première saison. Moins régulière dans la qualité, cette seconde partie se surpasse néanmoins à proposer un contenu foisonnant, complexe et anti-conformiste.
- Acteurs : Donald Glover, Lakeith Stanfield, Zazie Beetz , Brian Tyree Henry
- Genre : Comédie, Drame
- Nationalité : Américain
- Chaîne de TV : OCS
- Date de sortie : 1er mars 2018
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Résumé : Deux cousins se tournent vers la scène rap d’Atlanta. Mais leurs points de vue opposés sur la différence entre art et commerce, le succès et les races ne vont pas leur faciliter la tâche.
Notre avis : Couronnés d’un succès publique et critique aussi conséquent qu’inattendu, Donald Glover et sa clique ont saisi cette opportunité unique pour creuser avec la seconde saison d’Atlanta un filon quasi-expérimentale et certainement anti-conformiste. Pour cette raison, et alors qu’on avait adoré la première saison, on ne cache pas notre légère déception quant à la direction entreprise par la série, mais pourtant, il faut déplacer notre attention sur ce qu’elle nous a pas donnés, pour plutôt regarder ce qu’elle nous a donné. En cela, Atlanta, alors qu’on s’y était préparé, parvient à cet exploit d’encore et toujours surprendre par son contenu, pas tant par les sujets qu’elle aborde que par les manières de les aborder. Plus éclatée que jamais dans sa narration, la série de Donald Glover affirme son parti-pris de représenter des scénettes de vie discontinues, à peine reliées par une temporalité jamais clairement définie. Dès lors, aucune évolution de personnages ne peut vraiment exister, et si c’est le cas, elle se fait au sein d’un épisode, et ne semble pas répercuter les suivants (de manière explicite en tout cas). Ce manque de consistance vis-à-vis des protagonistes s’inscrit une nouvelle fois, si l’on devait justifier ce manque, dans une volonté de montrer la frivolité de l’existence de ces derniers, si bien que cet aspect critiquable de la série sert en réalité de base à son propos. Car quoi de mieux qu’une structure déstructurée pour mettre en évidence la futilité de la starification ou encore de l’industrie musicale ?
- Copyright : FX
Atlanta, après avoir montré les déboires financiers de Earn, se penche sur son évolution logique en lien avec la notoriété grandissante de Paper Boi, le cousin rappeur que tout le monde semble connaître, grâce à un seul et unique morceau qui l’a propulsé bien trop vite sur le devant de la scène. La sur-interprétation n’est pas loin, mais on pourrait se laisser tenter de dire qu’Alfred a volé sa popularité, à l’heure où balancer 5 freestyles sur YouTube peut te propulser à un tout nouveau level de célébrité. Cette robbin’ season, référence culturelle aussi absurde que surréaliste pour nous, n’évoque pas tant en profondeur cette période de Noël où vols et braquages se multiplient à Atlanta que les différentes significations, plus insidieuses et ambiguës, auxquelles peuvent se rattacher la notion de vol. Ainsi, le show FX évoque par son épisode le plus perturbant, Teddy Perkins, la privation des joies de l’enfance pour un gamin et ses conséquences ou encore l’incinération d’étapes dans la construction d’une carrière musicale. Paper Boi subit cette ascension plus qu’il n’en profite, lui qui tient à rester vrai dans une industrie basée sur les faux-semblants. Une moitié d’épisode suffit à Atlanta pour détruire sauvagement les labels rap à l’esprit gangsta plus toc qu’une Rolex achetée sur Wish, preuve d’une efficacité intacte à créer un propos cinglant à partir d’histoires courtes en apparence anecdotique. Et c’est également pour cela qu’on aime cette série et que l’on continue de l’aimer, pour sa capacité à se saisir de ce qui gravite autour de ses personnages et s’en moquer de manière critique.
- Copyright : FX
Surtout que pour cette saison 2, Atlanta explore de nouveaux terrains glissants et offre de nouvelles pépites conviant un melting pot d’émotions. La série explose les barrières et détourne les registres, notamment l’horreur et le thriller dans Teddy Perkins, huis-clos angoissant et tragique sur une figure Michael Jacksonienne à la folie palpable, mais également dans Woods, deux épisodes dans lesquels s’extrait une forte mélancolie à partir du suspense et du malaise. Le fil sur lequel repose ce régime de tonalités hétéroclites est mince et souligne le caractère brillant de cette écriture adepte de funambulisme.
Atlanta n’évite pas un certain vide malgré tout par quelques passages, notamment dans Helen, manquant de rythme, ou encore Champagne Papi, abordant un autre genre de vol, celui consistant à capitaliser sur le dos d’une star, mais dont la globalité de l’épisode ne se révèle pas des plus intéressantes. Détournant avec facétie son propre sujet, Atlanta surprend à la fois le spectateur pour son éloignement avec ce que « robbin’ seanson » + ghetto sous-entend mais également car plus que jamais la série semble consciente de son pouvoir et de sa portée. On le ressent dans l’écriture des dialogues, beaucoup plus explicites (et par conséquent moins subtils) sur les conditions de vie des afro-américains dans la société américaine et du quotidien au ghetto. L’absurdité plus que jamais présente côtoie la gravité de ce témoignage acerbe si bien que Atlanta ne provoque plus autant le rire, mais interpelle sérieusement sur cet environnement parfois irréel.
- Copyright : FX
Ce qui se perd en finesse se gagne en revanche en impact émotionnel. Comme pour sa saison 1, Glover and bros. assimile parfaitement l’importance du final pour quitter la scène sous les applaudissements. Alors que le premier season final de la série s’était amusé à contrer les attentes avec une intrigue absurde et prétexte à un sous-texte dramatique, la seconde s’ancre un peu plus dans les carcans classiques de ce que l’on peut désirer d’une conclusion. Bilan complet de ce que représente la vie de Earn, ce onzième et dernier épisode de cette saison met fin à quelques questions en suspens en proposant une structure quasi-sketch. Earn vogue entre les différentes personnes importantes de son existence, avant un départ pour une tournée européenne avec Paper Boi et Darius. Cette ambiance aux allures d’adieu à Atlanta et ce qui la constitue se fait les pieds sur terre pour son protagoniste (même si cette notion est à débattre dans cette saison), plus que jamais conscient de ses problèmes et de son besoin d’argent. Plus bavard sans pour autant être sur-dialoguée, Atlanta s’attache à la fatigue ainsi qu’à la pression subie par ses personnages, désormais prêts à sortir de leur environnement nuisible. Par son étonnant épisode 10 flash-back, la série avait préparé le terrain de cette conclusion forte - elle aussi placée sous le signe du vol (d’avion) – rappelant la nécessité de garder ses proches à côté de soi pour ne pas se perdre en chemin. Changer de vie oui, changer de famille, non.
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