Rencontre du mauvais type
Le 6 août 2019
Visiblement pétris de bonnes intentions en voulant aborder des sujets sociétaux et philosophiques, les scénaristes de cette série étaient déjà perdus dans l’espace, là où personne ne vous entend appeler au secours un show runner…
- Réalisateurs : Omar Madha - Metin Hüseyin - Mairzee Almas - Sheree Folkson
- Acteurs : Selma Blair, Justin Chatwin, Jake Abel, Katee Sackhoff, Blu Hunt, Samuel Anderson
- Nationalité : Américain
- : Netflix
- Durée : 10 épisodes de 37 à 61 minutes
- VOD : NETFLIX
- Scénariste : Aaron Martin
- Genre : Drame, Science-fiction
- Titre original : Another Life
- Date de sortie : 25 juillet 2019
- Plus d'informations : Another Life
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Résumé : Quand un gigantesque artefact extraterrestre atterrit sur Terre, Niko Breckinridge mène une mission interstellaire pour retrouver ses propriétaires et établir le contact.
Notre avis : Bien, nous allons essayer d’être objectif. En regardant la bande annonce Another Life, assez prometteuse, on a déjà eu une sévère sensation de « déjà-vu ». Cela dit, rien d’anormal, vu que cela fait au moins un siècle que le cinéma et la télévision nous livrent des histoires d’engins spatiaux et d’aliens. Sans remonter au Voyage dans la Lune de Méliès (1902), on rappellera le séminal Flash Gordon (*), feuilleton cinématographique de 1936, par Frederick Stephani, avec tout de même 3 saisons et 40 épisodes. Dès lors, pourquoi Netflix se serait-il privé de produire une énième série du genre ? En revanche, que le leader de la VOD ait laissé faire un peu n’importe quoi, est surprenant, puisque, selon une rumeur circulant à la rédaction, les players de Netflix seraient très très très pénibles avec les auteurs et réalisateurs. Après avoir vu la série, nous pouvons affirmer que cette rumeur est a priori bidon : les scénaristes de Another Life, créée par Aaron Martin, étaient clairement en roue libre, mais probablement en toute sincérité.
- Copyright Netflix
Un immense machin venant de l’espace atterrit dans une campagne américaine. Au bout de six mois, le Commandement Interstellaire des États-Unis (oui, la terre c’est les USA, le reste du monde est prié de ne pas se mêler de ce dossier, merci) décide que c’est un « artefact ». Comment le Commandement sait-il que ce machin est habité ou pas pour décréter que c’est un artefact ? Mystère. Bref, le machin, qui ressemble à une montagne de verre cassé avec des diodes, fait deux choses : il émet un signal vers le fond de l’univers, là, en haut à gauche (un scénariste a donc vu 2001, l’Odyssée de l’espace), et réagit à la musique que le chercheur en chef du Commandement Intertruc a l’idée de diffuser avec des haut-parleurs (lui et le scénariste ont aussi vu Rencontre du troisième type). Du coup, sa femme, Niko, prend le commandement du Salvare, un vaisseau interstellaire, direction le fond de l’espace vers là, en haut à gauche (Oui, le commandement est un truc familial).
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Le voyage dure six mois et l’équipage dort dans des caissons. Arrivé dans l’espace près de là, en haut à gauche, William, l’intelligence artificielle de bord, réveille une partie de l’équipe (on en garde en « réserve », au cas où). Comme le scénariste a aussi vu Alien, nous avons droit aux scènes de repas et tours dans des couloirs et salles de machines pleins de tuyauteries avec de gros boulons. Bien entendu rien ne va se passer comme prévu, genre, en vrac : dans l’espace, là, en haut à gauche, est-ce un endroit sympathique ou hostile ? Voyager à vitesse supraluminique, est-ce opportun près d’un champ gravitationnel intense ? Est-ce que l’artefact préfère la 5e ou la 6e de Beethoven ? Faut-il faire demi-tour ou prolonger le voyage d’un an, en faisant un détour par la planète truc, pour repartir en rebond vers l’espace machin en hypervitesse ? Est-ce que la jeune ingénieure de bord va coucher avec son assistant ? Va-t-il y avoir une rébellion dans le vaisseau, rapport à l’usage, ou pas, du bouclier de particules, pour passer près du champ gravitationnel intense ? William, n’est-il pas un peu bizarre ? Du coup, dans un vaisseau, les femmes se maquillent et portent des tenues un poil sexy ? Ah, sur terre, l’artefact se fiche de la musique et préfère la lumière ? Les fruits sur la planète X sont-ils bien comestibles ? Faut-il une clé de 8 ou de 10, pour réparer le processeur du réacteur en surchauffe qui va faire exploser le vaisseau dans 5, 4, 3… ? Au fait, le médecin de bord, c’est un homme ou une femme ?
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Oui, vous avez bien lu la dernière question. Elle est sérieuse, car elle traduit tout le drame de Another Life : l’échec d’un projet dont on n’arrive plus à déterminer les ambitions initiales. Être un méta-hommage assumé au genre en citant ou « pompant » le plus de références à 2001, Rencontre du troisième type, Solaris, les Alien ou plus récentes, comme Premier contact, Prometheus, sans oublier la culture pop et geek de Star Trek, Cosmos 1999, Les visiteurs ou Battlestar Galactica ? Ou alors, l’idée « disruptive » de plutôt tourner un soap opera qu’un space opera ? Oui, un soap opera de science fiction, avec son wagon usuel de personnages, sous intrigues sentimentales et rebondissements les plus improbables, voire saugrenus ? Mais un soap en phase avec notre époque, où on parlerait franchement de sexualité ou de personne non binaire, comme donc ce médecin interprété par JayR Tinaco, acteur se revendiquant sur Instagram « Non-binary (He/Him or They/Them) » et défenseur de la communauté LGBT ?
- Copyright Netflix
Voilà pourquoi notre propos tente d’être objectif, car Another Life, à force de faire le grand écart entre toutes ces intentions, entraîne l’équipage du Salvare, ou plutôt son casting dans un jeu trop souvent ridicule, oscillant entre hystérie et déprime (mention pour la tête de cocker du chercheur). Mais au-delà de ses défauts d’écriture et d’interprétation, dus aussi et indiscutablement à un budget insuffisant (pensée émue pour les comédiens qui ont marché, couru ou rampé des centaines de fois, dans le décor du bout de couloir du vaisseau), cette série se laisse pourtant regarder dans un étrange état régressif – volontairement ou pas organisé par ses auteurs ? Autre mystère – mais avec aussi quelques moments prenants et sincères, comme les embrouilles dans les rêves (hop, une pincée d’Inception ou Matrix) ou les discussions quasi philosophiques entre William et Niko sur ce que pourrait « ressentir » une intelligence artificielle, si dans 50 ou 100 ans on arrivait à un tel niveau de programmation. Et sur ce coup, William nous ferait presque oublier à la fois HAL de 2001 et Ash, l’androïde d’Alien.
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- Pardon ?
- (Pff, humain pas comprendre ma vanne) »
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La saison 2 n’est pas encore à l’ordre du jour ; il est trop tôt, Netflix laisse généralement passer plusieurs semaines ou mois. Cela dit, vu le paquet de questions laissées sans réponses, les scénaristes ont intérêt à bien organiser fiches bristol et post-it pour gratter l’éventuelle suite, et surtout adopter une posture plus claire, plus « mature ». Quitte à faire passer ces dix premiers épisodes dans le trou noir d’une oubliette, pour laisser la place à un vrai space opera, certainement plus tragique, comme le laisse entrevoir le final.
(*) Pour la petite histoire, George Lucas voulait tourner un Flash Gordon, mais les droits été déjà détenus par Alain Resnais. Du coup, Lucas a inventé Star Wars. Et Resnais n’a jamais tourné son Flash Gordon…
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