Le 2 mai 2017
Un film sans concession sur l’adoption d’un enfant par un couple turc. En creux, "Album de famille" brosse le portrait d’une société malade.
- Réalisateur : Mehmet Can Mertoğlu
- Acteurs : Şebnem Bozoklu, Murat Kılıç, Müfit Kayacan
- Genre : Comédie dramatique
- Nationalité : Français, Turc, Roumain
- Distributeur : Le Pacte
- Durée : 1h43min
- Titre original : Albüm
- Date de sortie : 3 mai 2017
- Festival : Festival de Cannes 2016
L'a vu
Veut le voir
Résumé : En Turquie, un couple marié, approchant la quarantaine, tente à tout prix de garder secrète l’adoption d’un bébé en constituant un album de photo fictif...
Notre avis : L’histoire d’Album de famille prend racine dans un pays qui ne tourne vraiment pas rond : si Bahar et Cüneyt, respectivement employée aux impôts et professeur d’histoire, décident d’adopter, c’est pour cacher la honte de leur stérilité, dont la révélation est socialement désastreuse, en Turquie. Cette discrimination s’inscrit dans un faisceau d’intolérances : le film en donne quelques exemples, comme ce débat houleux à la télévision devant lequel Cüneyt s’est endormi et qui oppose deux politiciens particulièrement remontés. Les deux hommes s’accusent de complaisance envers le terrorisme (comprendre islamique) et la menace kurde. Mais le pire est la réaction du couple à qui l’on propose un nouveau né. Les propos choquants se succèdent : "Elle a l’air kurde", "On dirait une syrienne". Ces jugements en disent long sur le racisme d’une certaine partie de la population turque.
L’œuvre multiplie les scènes décalées pour souligner de profonds déséquilibres au pays d’Erdogan, se réfère plusieurs fois au père spirituel de la nation, Mustapha Kemal Atatürk, chantre d’une république complètement laïque. Ainsi, l’une de ses paroles, profondément bienveillante envers la jeunesse, est démentie par le plan suivant, celui d’une classe agitée, sur laquelle une caméra surplombante s’attarde, tandis que le professeur d’histoire demeure figé à son bureau. Dans une autre scène, totalement surréaliste, de pontifiants adages qui défendent l’administration fiscale sont illustrés par un lent travelling, où l’on voit des employés inanimés, la tête gisant sur leur bureau. Même en salle des professeurs, on ne semble plus croire en la mission de l’école, puisque les enseignants se réunissent autour d’une table pour se concentrer sur des paris footballistiques.
Le couple finit par jeter son dévolu sur un nourrisson de sexe masculin. Si cet événement ne correspond pas à l’investissement d’un amour, mais à la mise en norme d’une situation personnelle, il impacte la manière dont Cüneyt règle sa propre vie professionnelle. Une séquence en plan fixe le montre dans une posture autoritaire et magistrale. Les élèves obéissent à présent, comme s’ils légitimaient une figure devenue socialement respectable.
C’est sur cette respectabilité que capitalisent les parents adoptifs : il s’agit de donner le change vis-à-vis de la communauté. Ainsi, à sa voisine, devenue une amie, Bahar raconte une grossesse factice, tandis qu’elle fume benoîtement à proximité du berceau. Pendant ce temps, les deux hommes devisent devant un match de foot, en multipliant les propos discriminants.
Ces discours haineux semblent contaminer l’ensemble des personnages de ce film acerbe, jusqu’à ce policier qui se félicite de la mort d’un cambrioleur, tombé du haut d’un onzième étage ("Ce n’est que justice, il a fini par récolter ce qu’il a semé").
Au bout du compte, cerné par la vérité d’une adoption et n’assumant pas leur décision, les deux protagonistes emmènent le nourrisson à proximité d’une cascade...
Galerie Photos
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.