Le 26 septembre 2020
La lente agonie d’un couple, par webcam. Formidable réflexion sur le thème de la présence, le film tient la promesse originale que profile son dispositif.
- Réalisateur : Keren Ben Rafael
- Acteurs : Noémie Lvovsky, Judith Chemla, Bastien Bouillon, Arieh Worthalter
- Genre : Drame, Romance
- Nationalité : Israélien, Français
- Distributeur : Condor Distribution
- Durée : 1h30min
- Titre original : The End of Love
- Date de sortie : 30 septembre 2020
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Résumé : Au début, ils font l’amour même s’ils ne sont pas dans le même pays. Le temps passe et la sur-communication tue leur intimité. À la fin, ils tombent amoureux pour la première fois.
Critique : Que veut dire « être présent à l’autre » ? Dans le cas d’une communication virtuelle, engendrée par des circonstances défavorables, les interactions sont réduites à des apparences. Les deux protagonistes comblent le manque physique que la première scène rend invisible, grâce à l’illusion du champ-contrechamp. Or, la comédie jouée par les deux amants, en pleine recherche d’orgasmes simultanés, est symboliquement contrariée : les cris de l’enfant, enjeu essentiel de la lente désunion, renvoient chacun des protagonistes à son espace réel. Rassemblés par le désir, séparés par deux géographies, les personnages voient leur marge de manœuvre réduite à des regards caméra, qui brisent l’illusion du quatrième mur. Chaque scène interpelle le spectateur par les effets d’une hybridation : un fait sociologique majeur de la société contemporaine (la séparation des couples) rencontre les pratiques propres à la génération Y, qui ne se déconnecte jamais tout à fait. Seuls les conflits exhortent Julie à prendre congé de son compagnon Yuval qui, graduellement, perd pied, sa situation administrative l’obligeant à demeurer dans son pays natal.
- Copyright Condor Distribution, 2019
Or, veut-il vraiment quitter son État qui le contraindrait à quitter un état ? Le statut de père à distance, présent sans l’être, abandonnant à sa compagne les vicissitudes du quotidien qu’il visionne, lui permet de prodiguer des conseils avec une morgue construite par des siècles de domination masculine, tandis que Julie se heurte à la matérialité concrète de ce qu’elle assume. Le contrepoint que Yuval offre à cette quotidienneté est le désœuvrement du célibataire, le confort d’une famille, avec laquelle il communie dans une semblable géographie, ou bien la convivialité proposée par quelques amis. De son côté, Julie retrouve avec sa mère le dispositif virtuel auquel la séparation d’avec son conjoint la contraint, devenant à son tour spectatrice d’un désenchantement verbalisé. Lorsque les deux femmes se retrouvent dans le même champ, c’est pour y régler des comptes et saborder le premier anniversaire du jeune enfant.
Copyright Condor Distribution, 2019
Yuval regarde la séquence, impuissant, relégué à la virtualité dont il s’était arrangé pour se rendre momentanément injoignable, à l’unisson de quelques infidélités qu’on devine entre les mots. Le personnage oscille entre culpabilité, lâcheté et paranoïa, trouve dans le cadre étriqué de son écran matière à fantasmer le hors champ, commande au baby-sitter de ne pas éteindre la webcam pour le surveiller, interroge Julie revenue dans l’espace visible, après une soirée, s’assure, sans le dire, qu’aucun homme ne se trouve dans le lit où elle se couche. De guerre lasse, la jeune femme renonce, mais sans provoquer la pathétique scène d’adieu que tout mélodrame aurait engendrée. Non, un seul geste suffira, radical. Il fige le spectateur dans l’attente angoissée de ce qui pourrait advenir.
Ce très beau film, lauréat du Grand Prix du Jury au 19e Festival Cinéma Méditerranéen, est le deuxième de Keren Ben Rafael, assurément une réalisatrice à suivre.
Copyright Condor Distribution, 2019
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