Troisième personne
Le 19 avril 2020
Féret fait entrer tout naturellement Tchékhov dans son cinema familial et autobiographique, installant une proximité sans se complaire dans l’émotion facile, affrontant le drame tout en maintenant une forme de distance sereine, souriante.
- Réalisateur : René Féret
- Acteurs : Frédéric Pierrot, Robinson Stévenin, Jacques Bonnaffé, Nicolas Giraud, Philippe Nahon, Lolita Chammah, Marie Féret, Brontis Jodorowsky, Jenna Thiam
- Genre : Biopic, Historique
- Nationalité : Français
- Distributeur : JML Distribution
- Durée : 1h36mn
- Date de sortie : 18 mars 2015
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Résumé : Été 1890. Pour se faire un peu d’argent et nourrir sa famille, Anton Tchekhov, médecin modeste, écrit des nouvelles pour des journaux qu’il signe Antocha Tchékhonté. Des personnages importants, écrivain et éditeur, viennent lui faire prendre conscience de son talent. Sa situation s’améliore et Anton Tchekhov obtient le prix Pouchkine et l’admiration de Tolstoï. Mais lorsque l’un de ses frères meurt de la tuberculose, Anton le vit comme un échec personnel et veut fuir sa notoriété et ses amours. Il se souvient de sa promesse et décide alors d’aller sur l’île de Sakhaline, à 10 000 kilomètres de Moscou, à la rencontre des bagnards.
Critique : Avec ce Anton Tchékhov - 1890, René Féret semble à nouveau laisser de côté la veine autobiographique qui, de Histoire de Paul (1975) au Prochain film, alimente une bonne partie de son œuvre pour revenir à celle du film en costumes, genre réputé coûteux mais auquel il s’est adonné à plusieurs reprises avec un bonheur que n’entravaient pas les limitations évidentes de budget, notamment dans Le mystère Alexina, Nannerl ou encore Madame Solario.
Filmant la vie de Tchékhov dans le Limousin et en Norvège (pour la partie censée se dérouler sur l’île de Sakhaline), il soigne certes la reconstitution en se souciant du détail (costumes, accessoires) mais ne cherche pas à tout prix à faire russe et pratique une fois de plus un cinéma de la proximité : Le monde de Tchékhov , écrit-il , fait résonner le mien. Ce que j’ai vécu alimente en creux le film et nourrit le jeu des acteurs.
- Copyright JML Productions
Cette proximité favorisant une tendance à l’effusion sentimentale (la fratrie toujours !) et à l’exubérance (Bonaffé dans le rôle de l’éditeur Souvorine) n’est pourtant jamais synonyme de surenchère émotionnelle. Féret évite de tuer les personnages sous les affects, reproche que fait, dans le film, l’écrivain à la troupe répétant La Mouette avant de leur enjoindre de ne pas avoir peur de l’ennui. (Emmenez les spectateurs dans cet ennui et, tout à coup, au moment où il s’y attend le moins, pan ! Un coup de feu dans la gueule du spectateur...!
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La légère distance souriante que le cinéaste maintient de bout en bout est donc d’abord celle du Tchékhov de Nicolas Giraud, écrivain à qui tout semble réussir sans efforts, que les épreuves affectent certes (son désarroi muet, comique, lorsqu’on lui met dans les bras la jeune fille morte ; le frère qu’il ne peut sauver ; l’indignation face au sort des prisonniers et à la misère sur l’île) mais qui reste quand même avant tout un observateur, soucieux de ne pas se laisser enfermer par l’amour ou de mourir devant tout le monde, mais que la menace d’une fin prochaine oblige à faire les choses comme si c’était la dernière fois et transformant tout ce qu’il vit en matière romanesque.
C’est ce que fait aussi le personnage le plus touchant du film, la jeune institutrice aux cheveux courts (pour donner l’exemple à ses élèves accablés de poux) et qui vit à la troisième personne, sous la forme de l’écriture, son amour impossible pour Tchékhov. L’interprétation à fleur de peau mais tout en retenue de Marie Féret trouve à merveille la note juste d’une émotion à la fois poignante et comme sereine que tout le film parvient à tenir admirablement.
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