Le prochain film - La critique

Retour à la veine autobiographique pour René Féret, indispensable franc-tireur du cinéma français, avec ce film drôle et surprenant réalisé en totale liberté et prise de risque.

L’argument : A cinquante ans, Louis Gravet aimerait devenir un acteur comique. Son frère Pierre, réalisateur, a l’idée de l’engager dans le rôle principal d’une comédie.
Les circonstances familiales, leurs femmes, leurs enfants, une nièce, les en empêcheront jusqu’à choisir de tourner un autre film, neuf et inattendu.

Notre avis : Après Nannerl et Madame Solario, deux fort belles incursions dans le romanesque en costumes requérant des budgets relativement importants, René Féret est revenu avec Le prochain film à sa veine autobiographique et familiale en cédant, comme il le dit lui-même, au désir un peu enfantin de faire un film sans argent et sans scénario, mais avec des acteurs qu[’il] aime.

René Féret - Le prochain film (2012)

L’absence de commanditaire, et donc de promesse de livraison à respecter, lui a permis de réaliser avec trois fois rien mais un luxe inouï de temps et de quasi insouciance ce qu’il appelle un petit film de survie reflétant selon lui un contexte de mort artistique … menaçante pour les cinéastes qu[’il] représente mais qui pourtant, loin de se plaindre de la difficulté à être cinéaste … parle du plaisir de créer, de l’envie de jouer, de la passion de la création.
Car Féret, s’il s’amuse à régler quelques comptes, jouant par exemple lui-même le bref rôle d’un directeur de salle qui amène insidieusement les spectateurs à dénigrer le film qu’ils ont vu (Vous allez les chercher là dessus ! lui reproche, très remonté, le cinéaste invité), évite brillamment les écueils de l’auto complaisance comme de la satire facile. Son regard est caustique sans excès de méchanceté et aiguisé d’un humour franc du collier des plus réjouissants à base de répliques qui font mouche et de situations parfois carrément vaudevillesques (le médecin réclamant de nouvelles radios et répétant Enlevez le pantalon !).

René Féret - Le prochain film (2012)

Filmé, généralement en plan séquence, très près d’acteurs exposés aux risques de l’improvisation, le film communique une sensation de mise en danger stimulante qui permet aux scènes de prendre des tournures inattendues et aux interprètes de trouver des inflexions d’une justesse surprenante.
Les pros (Chappey, Pierrot) s’en donnent à coeur joie (mention spéciale pour Maryline Canto, impeccable : Je déteste le désordre !) mais les seconds rôles atypiques qui ignorent superbement toutes les règles du bien jouer en vigueur sont encore plus étonnants, tout particulièrement le kiné de Grégory Gadebois ou le réalisateur de comédies à succès de Claude Mercier répondant impassible Nous n’en faisons pas ! à l’acteur qui suggère de faire des essais.

René Féret - Le prochain film (2012)

Bref, avec ce dix-septième long-métrage (depuis Histoire de Paul en 1975) René Féret continue plus que jamais de s’affirmer comme un de ces francs-tireurs indispensables et précieux qui font la richesse et la singularité du cinéma français.

René Féret - Le prochain film (2012)

Le Prochain Film - Bande-annonce par cinemur