Mauvaise foi ?
Le 21 septembre 2023
Malgré un casting impeccable, ce drame ne nous épargne aucun des poncifs du genre.
- Réalisateur : Roschdy Zem
- Acteurs : Maurice Bénichou, Sami Bouajila, Denis Podalydès, Salomé Stévenin, Ludovic Berthillot, Shirley Bousquet, Nozha Khouadra, Pascal Elso
- Genre : Drame, Policier
- Nationalité : Français
- Distributeur : Mars Distribution
- Durée : 1h25mn
- Date télé : 20 septembre 2023 20:55
- Chaîne : Arte
- Date de sortie : 22 juin 2011
Résumé : Le 24 juin 1991, Ghislaine Marchal est retrouvée morte dans la cave de sa villa de Mougins. Quelques jours plus tard, Omar Raddad, son jardinier, est écroué à la prison de Grasse. Il n’en sortira que sept ans plus tard, gracié, mais toujours coupable aux yeux de la justice. En 1994, révolté par le verdict, Pierre-Emmanuel Vaugrenard, écrivain convaincu de l’innocence d’Omar Raddad, s’installe à Nice pour mener sa propre enquête et rédiger un ouvrage sur l’affaire...
Critique : Pour sa seconde réalisation après Mauvaise foi, Roschdy Zem s’attaque à un sujet difficile et engagé (le film est produit par Rachid Bouchareb), l’affaire Omar Raddad qui avait défrayé la chronique dans les années 1990. Sous couvert d’une prétendue objectivité des faits qui donne parfois lieu à des séquences un peu verbeuses, Omar m’a tuer se place d’emblée sous le signe d’une réhabilitation dont témoigne la première séquence (condamnation de Raddad, puis indignation de Vaugrenard qui décide de mener l’enquête) et habite assez clairement le reste de l’intrigue. À tort, à raison ? On pourra toujours louer le film pour sa conformité aux faits ou lui intenter au contraire le vieux et mauvais procès du manque d’objectivité. Mauvais procès parce qu’on sait combien les images mentent, y compris dans n’importe quel reportage, et combien elles constituent par leurs simples choix formels un parti pris. Inutile donc, que ce soit pour en vanter les mérites ou en pointer les faiblesses, d’épiloguer sur la valeur "documentaire" d’Omar m’a tuer. Le film appelle à d’autres réserves.
D’ailleurs, de quel film parle-t-on ? D’une œuvre bancale, qui retrace en gros deux parcours : celui de Pierre-Emmanuel Vaugrenard (Podalydès, impeccable dans ce rôle d’écrivain inspecteur) et celui d’Omar Raddad, le premier œuvrant souterrainement à l’innocence du second. Problème : Zem fait preuve d’une fâcheuse tendance à passer d’une intrigue à l’autre pour contourner des difficultés de mise en scène ou de scénario, si bien que le rythme, d’abord efficace, finit par s’essouffler dans une succession répétitive de "moments forts". Bien au-delà de ces remarques formelles, une telle structure met en cause le pourquoi du projet. S’agit-il d’innocenter à nouveau Raddad ? Pas vraiment puisque le film explique que son innocence ne fait aucun doute. Alors, pourquoi s’attacher scrupuleusement à tous les points de l’enquête ? Est-ce une manière de donner au spectateur les clés pour mieux la comprendre ? Mais alors, il aurait fallu centrer l’intrigue sur l’investigation menée par les inspecteurs et par l’écrivain, ou même prendre le parti du film policier. On serait alors tenté de voir Omar comme un film sur Omar, sur un personnage dont la vie est brisée par un mauvais procès. Mais ce terrain instable, Zem ne l’explore qu’à demi, trop soucieux de privilégier, avec une sincérité débordante mais des poncifs indéniables, les réactions des différents proches et la dimension publique du drame.
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Contre-enquête donc, mais qui ne joue pas vraiment le jeu de la vérité (puisque celle-ci est connue d’avance), Omar m’a tuer n’est pas la critique du système judiciaire français qu’on espérait et qu’on attend à bon droit. C’est un drame bien campé sur lequel plane l’ombre redoutable d’un géant - on pense plus d’une fois à Un prophète pour les scènes de prison, hélas pas à l’avantage du film de Roschdy Zem. Ce dernier, on ne s’en étonnera guère, est surtout habile dans la direction d’acteurs. Sami Bouajila et Podalydès convainquent sans peine dans leurs rôles respectifs, et les secondes mains sont plutôt efficaces, surtout Bénichou. Un peu comme Tête de Turc de Pascal Elbé, Omar m’a tuer est un film d’acteurs qui manifeste une foi absolue en ses comédiens, mais manque d’audace dans ses partis pris esthétiques, si bien qu’il tend à la surenchère de discours et au pathos verbeux.
À qui la faute ? On pourra s’étonner, à la lecture d’entretiens que Roschdy Zem a donnés ça et là, du décalage entre ses intentions (refus du parti pris, souhait d’une esthétique contrastée) et le résultat obtenu. Pourtant, le scénario, coécrit avec Olivier Gorce et Rachid Bouchareb, prêtait à l’expérimentation. Film bancal, Omar aura au moins le mérite de faire découvrir à un public large son acteur principal. Mais cela ne suffit pas à nous faire oublier tous les clichés regrettables dont ce drame larmoyant est empreint.
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roger w 8 juillet 2011
Omar m’a tuer - Roschdy Zem -critique
Si la réalisation de Roschdy Zem ne dépasse guère celle d’un téléfilm, la prestation de Sami Bouajila et la franche détermination qui ressort du scénario font largement passer l’indigence formelle. On assiste donc médusé à cette chronique de l’aveuglement judiciaire comme au temps des films dossiers italiens. Certes, l’ensemble est prévisible, mais on passe un agréable moment à suivre cette incroyable affaire et l’émotion n’est pas absente.