Rage against the machine
Le 26 mars 2017
Seconde étape de l’explosion de l’animation japonaise au cinéma dans nos contrées qui avait été entamée par Akira, Ghost in the Shell est un puzzle d’anticipation qui pousse les concepts du cyberpunk dans leurs retranchements pour nous proposer un vrai chef-d’œuvre de science-fiction exigeante.
- Réalisateur : Mamoru Oshii
- Genre : Science-fiction, Animation, Manga
- Nationalité : Japonais
- Durée : 1h23mn
- Titre original : Kôkaku Kidôtai
- Date de sortie : 29 janvier 1997
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L’argument : Dans un Japon futuriste régi par l’Internet, le major Motoko Kusunagi appartient, malgré elle, à une cyber-police musclée. Le jour où sa section retrouve la trace du « Puppet Master », un hacker mystérieux et légendaire dont l’identité reste totalement inconnue, la jeune femme se met en tète de pénétrer le corps de celui-ci et d’en analyser le ghost (élément indéfinissable de la conscience, apparenté à l’âme) dans l’espoir d’y trouver les réponses à ses propres questions existentielles...
- © Metropolitan FilmExport
Notre avis : Il est bien difficile de proposer une approche de la science-fiction originale de nos jours et c’était déjà le cas dans les années 90. Pourtant, Ghost in the Shell de Mamoru Oshii avait créé la surprise à sa sortie, non pas par son approche narrative mais par la patte de son réalisateur, toujours si unique près de vingt ans après la sortie du film. L’intrigue mélange astucieusement le manga de base de Masamune Shirow avec diverses influences littéraires. William Gibson, le père du cyberpunk, est bien évidemment référencé, notamment via la représentation de Tokyo qui évoque ouvertement l’éternelle Sprawl, la méga-cité que hantent les personnages de Gibson. Philip K. Dick est également évoqué, via les fréquents questionnements identitaires qui interpellent la galerie de personnages déshumanisés d’Oshii. Réalisateur autiste capable du meilleur (Patlabor 2, préquelle thématique du film qui nous intéresse) comme du pire (le bien triste Assault Girls), qui n’a aucun sens du rythme et mise tout sur la contemplation, son style inimitable contribue à créer une atmosphère unique, complétée par les plages sonores aériennes de Kenji Kawai. S’éloignant parfois beaucoup du manga libidineux de Shirow dont il adapte néanmoins l’une des meilleures histoires, le film se veut un thriller d’anticipation complexe, qui malgré sa très brève durée d’à peine 80 minutes, préfère les scènes d’attente et d’errements philosophiques aux débauches d’action qui sont particulièrement brèves.
La patte d’Oshii se dévoile jusque dans son approche du corps de son héroïne, le superbe personnage Motoko Kusanagi, doublé par l’excellente Atsuko Tanaka en japonais. Si le manga prenait un malin plaisir à sexualiser à outrance ce personnage, le cinéaste la dénude fréquemment mais avec une froideur maladive et un désintérêt évident du réalisateur pour la chair. Seuls les yeux du major trahissent un soupçon d’humain. La nudité machinale présentée par Oshii est chirurgicale mais dans les yeux de sa poupée (ce qu’elle deviendra littéralement dans le second opus) qui aime à se noyer dans les eaux tokyoïtes, se dessine une tourmente qui la pousse à aller au-delà de sa prison corporelle. Artiste solitaire et misanthrope, plus passionné par son chien (qu’on retrouve dans tous ses films), que par les humains qui l’entourent, Mamoru Oshii n’a que peu d’intérêt pour les corps de chair et de sang comme le prouve le reste de sa filmographie. Dans Patlabor, les humains se recouvraient d’armures cybernétiques, dans Ghost in the Shell, c’est désormais sous la peau que se dissimule la machine. Plus tard dans Avalon, il ne restera plus que l’âme, perdue dans une matrice informatique éternelle que préfigure la fin du long-métrage qui nous intéresse. Fin qui trahit une fois de plus le manga d’origine et annule vaillamment toute possibilité de suite. Pour le superbe Innocence – Ghost in the Shell 2, Oshii sera donc obligé de dévier encore plus de la vision de Shirow.
Ghost in the Shell est donc une adaptation qui transcende le manga d’origine (qui reste néanmoins une lecture intéressante) et qui mérite pleinement son statut d’ambassadeur de l’animation japonaise. Aux antipodes des superbes productions du studio Ghibli, Mamoru Oshii enchaînait sur les pas d’Akira pour nous proposer une vision de science-fiction radicale, inspirée et poétique. Une fresque dédiée aux moments de rien qui se succèdent non pas pour créer une expérience narrative mais un espace filmique dédié à la sensation et au ressenti, qui nous propose un futur proche que nous avons déjà partiellement atteint mais qui malgré sa froideur reste mystérieusement séduisant. C’est là tout le génie Mamoru Oshii, celui de nous proposer des visions fantomatiques et angoissantes mais pourtant si attirantes.
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