Closed Circuit - la critique du film

Un thriller haletant qui pose la question de la légitimité de surveillance dont nous sommes victimes tous les jours...

L’argument : Une explosion terroriste tue 120 personnes dans un marché animé de Londres. À l’issue de la chasse à l’homme qui s’ensuit un seul suspect d’origine turque, Farroukh Erdogan, est appréhendé et écroué. Ce qui promet d’être "le procès du siècle" se met en marche. Petit détail de la procédure : le gouvernement souhaite utiliser des documents classés
secrets pour poursuivre le prévenu en justice, ce qui nécessite l’intervention d’une Avocate Spéciale, Claudia Simmons-Howe (Rebecca Hall), désignée par le Procureur Général et seule autorisée à voir lesdits documents et à invoquer leur divulgation lors d’audiences à huis clos. Les règles sont claires : après avoir pris connaissance des documents classés, Claudia n’est plus autorisée à communiquer avec le prévenu ni avec les autres avocats de la défense. Mais l’affaire se complique quand l’avocat de Farroukh Erdogan se suicide et que son confrère Martin Rose (Eric Bana) est appelé à le remplacer. Martin est tenace, motivé, brillant... et il a eu une aventure avec Claudia.

{{© Universal Pictures}}

Notre avis : Le titre Closed Circuit fait à la fois référence aux procès à huis clos (les "closed sessions") qui égrainent le film et aux caméras de surveillance envahissantes, disséminées un peu partout dans le Londres contemporain et braquées en permanence sur la population londonienne (les "closed-circuit cameras"). Vous savez, CCTV is watching you....
Le réalisateur John Crawley, à qui l’on doit déjà le subtile et bouleversant Boy A, s’interroge sur la légitimité du dispositif et ce n’est donc pas un hasard si Closed Circuit tient Londres comme l’un des protagonistes centraux de son nouveau film, puisque celle-ci est le symbole britannique, voire européen de la télésurveillance, un symbole quelque peu notoire. A cette présence anxiogène que l’on oublie presque au quotidien, Londres est aussi le lieu d’enjeux judiciaires complexes, siège du MI5 et du Parlement, elle illustre également toute la complexité du système judiciaire britannique alors que la peur du terrorisme fait rage, notamment depuis l’attaque meurtrière que subit la capitale en 2005, à la suite de son engagement en Irak aux côtés des Américains.

{{© D Productions}}

La force du film est de mettre en scène plusieurs niveaux d’histoires dans l’histoire : l’attaque terroriste par laquelle tout commence et qui engendre enquêtes complexes et déchirements internes n’est finalement qu’un prétexte déclencheur. Un complot se met en place ; l’affaire dépasse les deux avocats dès le départ ;ils se démènent devant la justice, face au gouvernement et finalement contre eux-mêmes et les sentiments privées qui viennent se mêler à cet imbroglio judiciaire.
Toute la palette d’émotions nécessaire à l’intrigue offre aux acteurs un vaste terrain à explorer. Alors que l’équipe technique coordonne les différents paliers de l’histoire afin d’offrir un thriller brillant, Eric Bana et Rebecca Hall, en avocats redoutablement intelligents et pragmatiques, n’ont plus qu’à laisser parler leurs corps et font montre d’un jeu d’acteur impressionnant.

{{© Universal Pictures}}

Ils sont pour beaucoup dans la réussite de l’entreprise, apportant une touche de réalisme à une intrigue complexe. Eux-mêmes manipulés ou laissés dans le noir de l’ignorance, ils ne sont jamais dépeints comme des super-héros du barreau.
Le scénariste Steve Knight (Dirty Pretty Things, Les promesses de l’ombre, Crazy Joe…), assez didactique, essaie de rendre accessible toute la complexité d’un système judiciaire souvent obscur pour ses propres concitoyens, en veillant à la crédibilité de chaque détail. La sobriété des décors, la mise en scène astucieuse jouant sur l’omniprésence des caméras de surveillance, rappelle au public que les personnages ne peuvent avancer incognitos et que l’anonymat n’existe pas. L’on reste captivés, inquiets, toujours en alerte

{{© D Productions}}

Entre ce qui est montré et ce qui est dissimulé, seul le spectateur a les cartes en main pour comprendre le danger qui plane sur les protagonistes. La fiabilité des personnages est systématiquement amenée à être remise en doute, avec pour seule contrepartie positive le rôle des enfants, celui du personnage joué par Eric Bana mis en parallèle avec le fils du terroriste supposé Farroukh Erdogan, le jeune Emir, qui subit les conséquences des actes de son père. Le système broie de l’individu et de ce fait ébranle notre confiance face à cette société de faux-semblants tant redoutée par Orwell dans 1984.

{{© Focus Features}}

Film avertissement, Closed circuit est fin et pertinent dans son message ; il est doublé d’un thriller de haute volée, à la fois menaçant et haletant. Il relance le débat sur la légitimité des dispositifs de surveillance urbains et le poids des images dans un monde où celles-ci peuvent fatalement tromper.