L’humeur fantaisiste
Le 15 août 2024
L’un des films phares de Cassavetes, où Gena Rowlands interprète une femme sincère et fragile en proie aux affres de la conformité.
- Réalisateur : John Cassavetes
- Acteurs : Gena Rowlands, Peter Falk, Katherine Cassavetes, Fred Draper, Matthew Labyorteaux
- Genre : Drame, Romance, Mélodrame, Film culte
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Orly Films
- Durée : 2h27mn
- Reprise: 11 juillet 2012
- Titre original : A woman Under the Influence
- Date de sortie : 14 avril 1974
L'a vu
Veut le voir
Résumé : Contremaître sur les chantiers, Nick est submergé par le travail. Il annonce un soir à sa femme Mabel qu’il ne pourra pas rentrer chez lui comme prévu. Seule et totalement désemparée, Mabel confie alors ses enfants à sa mère, se saoule et, à demi-consciente, ramène un homme à la maison. Le lendemain, Nick débarque avec toute son équipe. Mabel leur prépare des spaghettis, essaye d’être gentille et prévenante ; mais sa fantaisie et ses excès embarrassent tout le monde et ses efforts dégénèrent dans une nouvelle scène de ménage avec Nick.
Critique : En 1974, John Cassavetes, toujours caméra à l’épaule, nous livre Une femme sous influence, une vision de la femme en prise avec la société, qu’il dépeint comme fantaisiste à la limite de l’aliénation. Mais l’est-elle réellement ? Ou est-ce l’alcool, élément perturbateur, qui comme son titre nous l’indique « A Woman Under the Influence » qui signifie en anglais “être sous l’emprise de l’alcool ou d’une drogue”, qui met Mabel dans une telle situation ? Pourtant, hormis l’une des premières scènes, où dans un bar l’héroïne y plonge son désarroi pour finir au bras d’un inconnu, on ne la voit pas s’enivrer. Mais si l’on ne s’arrête pas à cette première évidence, on perçoit un message beaucoup plus profond du réalisateur. C’est en écrivant une pièce de théâtre à la demande de son épouse, l’actrice Gena Rowlands, à qui il destine le rôle-titre, que lui vient à l’esprit ce récit. Une histoire qui fait écho à ce même sentiment de différence qu’il éprouve face au monde hollywoodien dans lequel il ne se reconnaît pas. Lui, qui n’aspire qu’à une seule chose : s’affranchir des codes et créer en toute indépendance.
Le rôle de Mabel implique un investissement si intense en émotion, que la comédienne ne se sent pas assez forte pour l’interpréter chaque soir sur scène, au risque de perdre elle-même sa santé mentale. De fait, le rôle n’est pas simple à tenir : il faut être à la fois une personne dite “normale” et parallèlement se laisser glisser vers une attitude non conventionnelle. Une situation qui bouscule aussi bien les autres personnages que le spectateur. Dès lors, Cassavetes reprend-il le chemin de l’écriture afin de l’adapter pour le cinéma.
L’époux, Nick Longhetti, est incarné par Peter Falk, célèbre pour son rôle dans la série policière Columbo. Rentré dans la “famille Cassavetes” depuis sa collaboration sur le film Husbands, l’acteur fait preuve ici d’une telle sensibilité qu’il éclipse l’inoubliable et célèbre lieutenant, confirmant son talent d’artiste malheureusement sous-exploité. Il donne ainsi la réplique à une Gena Rowlands qui s’est imprégnée de la personnalité fantasque avec une telle ferveur, qu’elle génère chez le spectateur le même malaise que celui éprouvé par les autres protagonistes. Nous qui sommes pour la plupart rentrés dans un moule dit de “conformité”, ne pouvons être véritablement gênés par la folie, car absente de notre univers proche. Mais le fait que Mabel soit une mère, une femme à l’apparence normale mais encline à une certaine extravagance, nous indispose. Car si elle avait été véritablement psychiquement perturbée, cela n’impacterait pas notre vision. On comprend alors pourquoi la comédienne obtint, cette même année, le Golden Globe de la meilleure actrice dans un drame, prouvant par la même occasion le génie de son mari. Maître en sa qualité de metteur en scène et scénariste, il réussit à nous placer du point de vue de celui qui met en avant le comportement de Mabel.
Bien qu’on ne remette pas en question la valeur d’Une femme sous influence, on ne peut s’empêcher d’éprouver un sentiment de longueur face à la première partie du film ; “la folie” de Mabel finit même, comme pour les autres personnages, par nous épuiser. Pourtant, lorsqu’elle revient transformée après une hospitalisation de six mois, le spectateur n’attend qu’une seule chose : le retour fracassant de la trop passionnée Mabel. Troublant et dérangeant, plusieurs décennies après sa sortie, le scénario ne prend pas une ride. Une invitation à (re)découvrir le jeu et la beauté de Gena Rowlands.
– Golden Globe de la meilleure actrice 1974 : Gena Rowlands
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.