Menteur, menteur
Le 13 septembre 2015
Stephen Frears réussit partiellement à transposer à l’écran un univers sportif trop rare au cinéma. Le résultat est effectivement mi-figue mi-raisin...
- Réalisateur : Stephen Frears
- Acteurs : Guillaume Canet, Dustin Hoffman, Ben Foster, Lee Pace, Edward Hogg, Denis Ménochet, Chris O’Dowd, Jesse Plemons
- Genre : Drame, Biopic, Film de sport
- Nationalité : Britannique, Français
- Distributeur : StudioCanal
- Durée : 1h43min
- Date télé : 30 mars 2024 22:44
- Chaîne : Canal+ Cinéma
- Date de sortie : 16 septembre 2015
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Résumé : Découvrez toute la vérité sur le plus grand scandale de l’histoire du sport : le démantèlement du programme de dopage dans le cyclisme...
Critique : Issue de la Nouvelle vague des années 60 du cinéma britannique, le cinéaste Stephen Frears s’est depuis essayé à une large palette de genres, oscillant entre productions anglaises et internationales. Il s’est aventuré dans les films noirs (Les arnaqueurs), les biopics (The Queen), les comédies sociales et satiriques (Héros malgré lui, Tamara Drewe), ou encore l’adaptation littéraire du célèbre Les Liaisons dangereuses récompensé par trois Oscars en 1988. Avec The Program il nous dévoile les coulisses d’un univers trop rarement porté à l’écran, celui du monde du cyclisme. Le film suit la trame du roman Sept pêchés capitaux, écrit par le journaliste David Walsh, retraçant la carrière de Lance Armstrong, corrélée à la propagation du dopage dans ce milieu. Le réalisateur, avouant ne pas être un fin connaisseur de cette discipline sportive, s’est judicieusement entouré du scénariste John Hodge (collaborateur de Danny Boyle) et de l’ancien cycliste et dopé repenti David Millar, en qualité de consultant.
The Program peut être considéré comme un biopic sur le coureur américain ainsi que le journaliste, et auteur du livre, qui a ardemment cherché à prouver le fameux programme de dopage « le plus sophistiqué de l’histoire ». 1993 : Armstrong s’engage pour son premier Tour à l’âge de vingt-et-un ans. En 2013, sa gloire et sa carrière sont définitivement réduits à néant lors de ses aveux, sur le plateau télévisé d’Oprah Winfrey. Le récit prend donc place dans ce cadre périodique, servant de prisme à l’ascension et la chute d’un homme prêt à tout. Bien que le film ait eu le droit d’utiliser des images d’archives du Tour de France, la quasi-totalité des plans ont été tournés avec l’acteur Ben Foster (X-Men : l’affrontement final, Alpha Dog, Du sang et des larmes), dont la ressemblance avec le cycliste américain est frappante. Le comédien s’est imprégné avec justesse du personnage, tant dans la gestuelle que dans manière de s’exprimer en public. Chris O’Dowd (Mes meilleures amies, This is 40) incarne David Walsh, luttant seul contre tous. On ressent d’ailleurs abusivement ce point de vue subjectif dans le film, avec le journaliste s’agrippant aux principes qu’il attribue à l’intégrité du cyclisme et aux responsabilités inhérentes à son travail. Face à lui, Armstrong, qui même s’il n’est pas exempt de critiques, est dépeint comme un menteur invétéré à la personnalité colérique, usant de son pouvoir pour menacer ses opposants. Stephen Frears prend volontairement ce parti provocateur mais un tantinet trop tapageur, venant égratigner la parure d’un homme dont les ambitions et l’ego surpassaient démesurément les capacités.
Outre la mise à l’écran romancée de la vie du coureur, le film se rapproche d’un documentaire par son contenu. Il permet à la fois d’apprendre ou de revivre les nombreux événements ayant ponctué sa carrière, mais aussi l’émergence du dopage. En revanche, traiter une période de vingt ans en moins de deux heures donne un résultat qui semble superficiel, survolant le sujet sans prendre le temps d’approfondir les faits. Une chose est sûre : vous ne verrez plus le cyclisme sans arrière-pensées.
On nous offre donc une vision des coulisses, des principaux personnages et des moyens mis en œuvre pour échapper aux contrôles. En voyant les faits aujourd’hui avec davantage de recul, The Program met en exergue l’incapacité des personnes à admettre la triste vérité pour ne pas mettre en péril la réputation de ce sport. Autant les médias, que les sponsors ou l’opinion publique, tous voulaient croire en une icône, porte-drapeau de la victoire contre la maladie et repoussant ses performances physiques. D’abord présenté comme un battant, ne supportant pas l’idée même de la défaite. On nous décrit par la suite l’homme derrière l’image du sportif, dont les frustrations et l’avarice l’amènent inéluctablement vers sa chute. Il est prêt à tout pour dépasser ses limites, y compris le recours à des procédés non éthiques ou illégaux, comme nous le monte une scène incroyable mais véridique d’un achat d’EPO dans une pharmacie suisse (en vente libre à cette époque).
Autre choix effectué par Stephen Frears qui ne s’avère pas judicieux : l’emploi du second degré. Que cela soit dans les plans de caméra, les dialogues ou le montage, le ridicule de situation désirant ternir l’image des personnes impliquées dans le dopage vient surtout dédramatiser le propos et la gravité de cette pratique. La simple utilisation du drame et de la tension aurait au contraire apporté plus de profondeur et d’impact auprès du public. L’interprétation du docteur Ferrari par Guillaume Canet nous fait penser au scientifique docteur Folamour joué par Peter Sellers, de par son accent douteux, son excentricité et son sourire démoniaque. Le ridicule de situation apparaît tout aussi bien pour Armstrong qui, dopé jusqu’aux oreilles, s’entraîne à prononcer « je n’ai jamais été testé positif » devant son miroir, avant de le ressortir en conférence de presse. Lors du générique de fin, l’emploi de la chanson « Everybody Knows » de Leonard Cohen symbolise à lui seul cette tonalité assumée. Par conséquent, on n’accorde malheureusement pas suffisamment d’empathie pour les personnages montrés comme des « victimes esseulées », à l’image de Floyd Landis ou David Walsh.
Plus didactique et divertissant que profond, The Program porte à l’écran un univers sportif trop rare au cinéma. L’approche du dopage, aurait quant à elle mérité un traitement plus impactant.
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