Capitalism : A Love Story
Le 22 décembre 2015
Joli tour d’équilibriste que The Big Short : le Casse du siècle, loin des paillettes et de l’hagiographie que son titre et son casting laissaient craindre. Drôle, corrosif et intelligent.
- Réalisateur : Adam McKay
- Acteurs : Brad Pitt, Christian Bale, Steve Carell, Ryan Gosling
- Genre : Comédie dramatique
- Nationalité : Américain
- Durée : 02h10mn
- Date télé : 3 décembre 2016 23:35
- Chaîne : Canal + Cinéma
- Titre original : The Big Short
- Date de sortie : 23 décembre 2015
Joli tour d’équilibriste que The Big Short : le Casse du siècle, loin des paillettes et de l’hagiographie que son titre et son casting laissaient craindre. Drôle, corrosif et intelligent.
L’argument : Wall Street, 2005. Profitant de l’aveuglement généralisé des grosses banques, des médias et du gouvernement, quatre outsiders anticipent l’explosion de la bulle financière et mettent au point… le casse du siècle. Michael Burry, Steve Eisman, Greg Lippmann et Ben Hockett : des personnages visionnaires et hors du commun qui vont parier contre les banques… et tenter de rafler la mise !
Notre avis : Très tôt dans l’histoire du cinéma, le septième art s’est fait fort de représenter sinon radiographier les turpitudes économiques du monde contemporain sans jamais ou presque hésiter à en passer par la critique. Mais entre Wall Street et Le Loup de Wall Street, les Capitalism : a Love Story, Margin Call et autres Inside Job semblaient ces dernières décennies avoir quasiment cristallisé l’exercice. Loin de ne s’en tenir qu’à une simple tendance, The Big Short : le Casse du siècle poursuit cette lancée avec audace pour disséquer à son tour la crise des subprimes, cette fois au prisme de la comédie. Le casting glamour (Christian Bale en sociopathe - Steve Carell en homme révolté - Ryan Gosling en Monsieur Loyal machiavélique - Brad Pitt en repenti bienveillant, etc.) et l’angle macro ne se focalisant une nouvelle fois que sur les acteurs et/ou complices du marasme à proprement parler laissaient planer le doute d’un énième divertissement instrumentalisant le sujet pour en tirer un scénario bankable, trop loin encore du tangible quotidien du commun des mortels. Surprise : le film évite avec ruse la plupart de ces écueils grâce à une écriture drôle, dynamique et prenant sans arrêt le spectateur à contrepied.
D’un point de vue structure, The Big Short : le Casse du siècle se compose d’une série de séquences dégingandées - sorte de sketches - suivant de part et d’autre sur plusieurs années les quelques génies de la finance ayant vu venir l’explosion de la bulle financière. Pas d’emphase ni de fioritures scénaristiques ici pour appâter la galerie mais juste des faits bruts et discussions à bâtons rompus révélant comment les fondations branlantes de l’économie mondiale se sont peu à peu retrouvées mises à nu. Cette modestie et cette apparente économie de moyen ne seraient rien sans cet angle délibérément comique développé par Adam McKay, réalisateur entre autres de Very Bad Cops et Frangins malgré eux. Alors qu’un tel ouvrage semblait glissant, le réalisateur s’acquitte de ce tour d’équilibriste avec brio et sans tourner le dos à l’ambition. Non content de susciter l’hilarité grâce à des personnages délirants sur des sujets dépassant même les compétences des intéressés, The Big Short : le Casse du siècle n’hésite pas à aller jusqu’à articuler en parallèle une dimension pédagogique. Le spectateur n’est pas en mesure de comprendre un traitre mot d’un débat d’initiés sur fond de SWAP et autres CDO ? Qu’à cela ne tienne, l’un des narrateurs du film tente de vulgariser la chose métaphoriquement en laissant la parole inopinément à un grand chef voire même à Selena Gomez. De telles digressions en "a parte" créent un patchwork étonnant d’une intelligence stupéfiante. L’on reste admiratif devant pareille polyphonie, qu’il s’agisse de narration ou de montage.
Il y a quelque chose d’affuté et de branlant à la fois dans ce collage. D’une part avec les acteurs principaux - certes caricaturaux mais plutôt à rebours de leurs rôles habituels -, mais également par ailleurs en matière d’images - comme un amateurisme documentaire mais construit. Le travail accompli sur les personnages est lui aussi saisissant : plus que des protagonistes boursoufflées par une originalité trop factice, tous les membres de cette bande s’avèrent de véritables monstres d’écriture - Steve Carell et Christian Bale en tête. Le travail consacré à chacun est tel qu’ils représentent quelque part chacun une parcelle de l’être humain dont nous parle le réalisateur - comme si cette pomme pourrie qu’est le subprime était illustrée par leur assemblage. Démonstration par l’absurde que cet alliage cacophonique d’individus narcissiques ne pouvait permettre à un système de rester stable (voir la métaphore du Jenga). On notera que Brad Pitt endosse encore une fois le rôle du gentil. À tel point que l’on vient à se demander s’il choisit ses rôles à dessein, pour leur caractère "héroïque". Il en était dernièrement de même pour de nombreux films où il occupait d’autre part le rôle de producteur : Twelve Years a Slave, World War Z ou encore Le Stratège.
The Big Short adopte une dimension universelle qui l’empêche de tomber dans le simple constat d’un monde grippé par ses propres corruptions. En échappant à l’hagiographie et en dépeignant des hommes comme tout le monde, le long métrage échappe aussi à la simplification. Toujours sur le fil du rasoir, le nouveau film d’Adam McKay réussit le pari d’une comédie ingénieuse sur fond de crise financière, le tout en quasi huis-clos, et ce, sans jamais provoquer l’ennui. Piégés tels les traders et autres analystes financiers, maintenus entre quatre murs, les spectateurs n’ont d’autre choix que d’assister à la lente déliquescence de l’économie mondiale. Pire : le scénario veut que les héros du film parient à leur tour contre les banques pour mieux empocher le pactole en une catharsis jouissive. Ou comment brouiller les lignes et forcer Monsieur tout le monde à endosser le rôle du méchant - dispositif facile mais hautement corrosif. L’on pardonnera pour le reste à The Big Short sa morale quelque peu fataliste (le même schéma que 2008 risque de se reproduire très prochainement). N’en déplaise au ronflant Crazy Amy, la vraie bonne comédie de cette fin d’année n’est pas celle que l’on croit.
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jcmlr 19 février 2019
The Big Short : le Casse du siècle - la critique du film
Le film est complètement raté, ambitieux à juste titre et donc d’autant plus raté.
On ne se met pas en travers d’une marée qui monte ( quoique !......) : les éloges n’ont d’autres sources qu’une catharsis béate de voir les banques vaincues ( quoique !.....) dans un épisode historique