La vie n’est pas un long fleuve tranquille
Le 19 avril 2014
Après une trilogie vengeresse (Sympathy for Mr Vengeance, Old Boy, Lady Vengeance) qui le révèla au cinéma et une incursion vampyrique qui suscita une polémique internationalle , Park Chan-Wook rejoint la lignée des cinéastes asiatiques exportés Outre-Atlantique. Loin d’y faire naufrage, le coréen contourne l’écueil du formatage, joue de la contrainte et renouvelle son style. Une oeuvre envoûtante, mystérieuse, ambigüe, vernie d’une indéniable beauté.
- Réalisateur : Park Chan-wook
- Acteurs : Nicole Kidman, Matthew Goode, Mia Wasikowska
- Genre : Drame, Thriller, Épouvante-horreur
- Nationalité : Américain, Britannique
- Durée : 1h40mn
- Date de sortie : 1er mai 2013
- Plus d'informations : http://www.foxsearchlight.com/stoker/
- Festival : Festival du film Policier de Beaune
Après une trilogie vengeresse (Sympathy for Mr Vengeance, Old Boy, Lady Vengeance) qui le révéla au cinéma et une incursion vampirique qui suscita une polémique internationale , Park Chan-Wook rejoint la lignée des cinéastes asiatiques exportés outre-Atlantique. Loin d’y faire naufrage, le Coréen contourne l’écueil du formatage, joue de la contrainte et renouvelle son style. Il en ressort une œuvre envoûtante, mystérieuse, ambiguë, vernie d’une indéniable beauté.
L’argument : Après la mort de son père dans un étrange accident de voiture, India, une adolescente, voit un oncle dont elle ignorait l’existence, venir s’installer avec elle et sa mère. Rapidement, la jeune fille se met à soupçonner l’homme d’avoir d’autres motivations que celle de les aider. La méfiance s’installe, mais l’attirance aussi…
Notre avis : Il était une fois Stoker. Perdu quelque part entre onirisme et noirceur, la nouvelle œuvre du cinéaste choc Park Chan-Wook (Old Boy) brille d’une féérie horrifique. Sophistiquée, élégante, empreinte de classicisme, la très hollywoodienne stylisation du cadre tranche d’avec la violence viscérale et sanguinolente de sa filmographie antérieure. Et si le cinéaste nous avait plutôt habitués à de longs plans séquences entremêlés de plans resserrés, la chair et l’émotion à vif, il impose avec Stoker une pudeur, une distance, guettant dans sa ligne de mire, la froide mise en scène de l’effroi. Psychologique et résolument manipulateur, Park Chan Wook prend plaisir à dépeindre un tableau familial d’une apparente tranquillité profondément viciée. Cloitrée en vase clos, la jeune Mia erre dans le manoir, démarche fantomatique et moue éthérée, aspire à se libérer de ses chaînes. Sur le point de devenir majeur, Mia perd son père, et avec lui tous ses repères. L’innocence de l’enfance s’entache du deuil. Tel le petit poucet, Park Chan Wook sème à tout vent les indices du conte de fées. Dans le cadre, un château, une nymphette aux allures de Blanche Neige, un père disparu et une mère dépressive qui n’est pas sans rappeler la figure de la marâtre chez les frères Grimm.
Et bien sûr, un prince charmant...qui n’est autre que l’oncle de la princesse. Entre eux commence alors un sinueux jeu de chasse, dangereusement cruel et délicieusement pervers. Porté d’une main de maître par Matthew Goode (A single man, Burning Man et Mia Wasikowska ( l’Alice du pays des merveilles de Burton), le film oscille perpétuellement entre deux températures : Bien/Mal, innocence/manipulation, cérébralité/animalité. Laqué d’une couche de bienséance, la pulsion interdite n’en devient que plus intense, à l’image de cette sublime scène à quatre mains, véritable pivot du film, où Mia se donne littéralement à Charlie le temps d’un morceau de piano... Initiatique, le récit noyaute dès les premières séquences, les prémisses d’un éveil à la sensualité. Un peu trop strictement peut être, Park Chan Wook multipliant à l’excès les métaphores visuelles (gouttes de sang, trophées de chasse, araignée sur la cuisse) dont la plastie irréprochable prouve bel et bien que le Coréen n’a rien perdu de son art. Habité d’un perpétuel mouvement circulaire, le cadre du cinéaste tourne autour des personnages, tel un rapace traquant sa proie. L’ombre d’un père protégeant sa fille ou celle du fantastique dilué au son de l’envoûtante musique de Clint Mansell (Requiem for a dream, Black Swan). Sûrement un peu des deux... Discret et allégorique, l’atmosphère irréelle de Stoker s’apparente bien plus au romantisme noir, à l’inquiétante étrangeté qu’au genre fantastique pur et dur. Dôté d’une extra-sensibilité, India est un être à part, percevant le moindre pas, le moindre cri, le moindre battement de coeur.... Puissamment inspiré par Poe et son Tell Tale Heart’, Park Chan Wook s’attelle aussi par l’instauration d’un triangle amoureux, à explorer le phénomène de vampirisation. De Charlie à Bram, il n’y a qu’un souffle...
Rythmé d’un balancement, celui d’une aiguille de métronome, d’une lampe, ou d’un sécateur qui se referme, Stoker se caractérise par une chorégraphie de l’enfermement. Aux mouvements de caméra circulaires se surajoute un espace clos, obscur, ampli d’un vide glacial dans lequel India semble inéluctablement enfermée. A l’image d’une bourgeoise finissante bercée par un inceste latent dont Old Boy plantait déjà les racines. Une suffocation surlignée par l’extraordinaire bande sonore, alliant cris stridents, voix enfantine et touches de gravité.
Hypnotique et contrastée, la mise en ambiance fascine. Aidé de son directeur de la photographie, Chung Hoon Chung, Park Chan Wook retrouve dans la composition de son cadre, la liberté qu’Hollywood lui a fait perdre en échelles de plan et mouvement de caméra. Guidé par une mise en scène du montage, le cinéaste use et abuse de sa patte et ça se voit. Si certains raccords visuels sont féconds (l’incrustation progressive du rouge sur le jaune pastelle d’India, les plongées et contre plongées d’une caméra omnisciente, la synesthésie tranchante des coupures de plans et des coupures de sons) d’autres surchargent et surlignent la thématique d’une métamorphose suffisamment incarnée.
Caché dans son petit nid volant, l’oisillon India est sur le point de voler de ses propres ailes. Un basculement qu’Oncle Charlie a perçu et prévu depuis de nombreuses années, préparant sa jeune nièce à la transformation qu’il imagine.
A chaque anniversaire, une paire de chaussures.... jusqu’au talon qu’il lui fait chaussé, couronnant à genoux cette cendrillon devenue reine. ’’Elle est en âge’’ déclare-il. ’’En âge de quoi ?’’ répond sa mère. Initiatique, Stoker oppose dans le miroir de son champ une jeunesse dangereusement rayonnante (India) et son reflet viellissant (Evie) : l’éternelle rivalité mère-fille. Si le duo d’acteurs principal étincelle de justesse, Matthew Goode excellant dans son costume de séducteur énigmatique et Mia Wasikowska réussissant à composer sous sa douceur angélique une ombre sombrement mutique, Nicole Kidman reste pétrie d’imperfections. Mélodramatique, l’actrice verse dans la surinterprétation, jouant constamment de ses larmes et de ses yeux revolvers... De même que le scénario de Wentworth Miller (alias Michael Scofield de Prison Break) bien que correctement ficelé dans la narration du mystère reste malgré tout morcelé d’un flot d’énigmes qui ne se résolvent pas. Le revers du film de commande...
En fermeture, la séquence d’ouverture vient boucler d’un coup de ceinture le cercle vicieux de l’étranglement : celui de l’innocence. Devenue ange noir, India passe à la lueur d’un abat-jour, de l’ombre à la lumière. Adossé au congélateur, la douce adolescente déguste tranquillement une glace. A ses côtés, un cadavre......
Au final, Park Chan Wook compose une œuvre sensuelle et magnétique au charme esthétique fou, pariant sur l’ensorcellement visuel pour rallier le public. Envoûtant.
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Lui de Go with the Blog 30 avril 2013
Stoker - la critique
Park Chan-wook, le réalisateur de OLD BOY, réalise son tout premier film aux États-Unis avec STOKER et son casting alléchant puisqu’on y retrouve Mia Wasikowska, Matthew Goode et Nicole Kidman.
L’histoire est celle de India, adolescente, qui perd son père dans un étrange accident de voiture. Désormais seule avec sa mère, elle reçoit le soutien de son oncle Charles, qu’elle n’avait jamais rencontré auparavant, et qui vient s’installer à la maison. Charmant et séducteur, l’homme semble aussi avoir une autre facette plus inquiétante. Entre méfiance et attraction, India va découvrir des choses enfouies aussi bien dans les secrets de sa famille qu’au fond d’elle-même …
La suite sur notre Blog : http://gowith-theblog.com/stoker-park-chan-wook-film-2013/
Frédéric Mignard 5 mai 2013
Stoker - la critique
Une oeuvre à l’intemporalité somptueuse, qui, par l’abus de ses démonstrations de réalisation, finit pour nous assommer par sa froideur. On en ressort partagé.
roger w 13 mai 2013
Stoker - la critique
Toujours aussi virtuose, Park Chan-wook nous invite à venir se lover dans une histoire aux développements toujours plus étonnants, à la suite de personnages pour le moins étranges. Son goût pour l’image à faire peut irriter, mais cette incroyable virtuosité sert ici un scénario de premier ordre et une interprétation magistrale de l’ensemble du casting. Un film choc qui risque bien de vous trotter dans la tête longtemps après la projection.