Le 2 janvier 2021
Tom McCarthy choisit de tout mettre en retrait, mise en scène, musique, interprétations, dans le but d’éviter toute théâtralisation qui desservirait son sujet et laisse sa reconstitution méticuleuse nous passionner de bout en bout.
- Réalisateur : Tom McCarthy
- Acteurs : Mark Ruffalo, Liev Schreiber, Michael Keaton, Rachel McAdams, Stanley Tucci
- Genre : Drame, Thriller
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Warner Bros. France
- Durée : 2h08mn
- Date télé : 8 avril 2022 21:00
- Chaîne : France 5
- Date de sortie : 27 janvier 2016
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Résumé : Adapté de faits réels, {Spotlight} retrace la fascinante enquête du Boston Globe – couronnée par le prix Pulitzer – qui a mis à jour un scandale sans précédent au sein de l’Église Catholique. Une équipe de journalistes d’investigation, baptisée Spotlight, a enquêté pendant 12 mois sur des suspicions d’abus sexuels au sein d’une des institutions les plus anciennes et les plus respectées au monde. L’enquête révélera que L’Église Catholique a protégé pendant des décennies les personnalités religieuses, juridiques et politiques les plus en vue de Boston, et déclenchera par la suite une vague de révélations dans le monde entier.
- © Open Road Films
Critique : Les références sont évidentes, trop évidentes même. Lumières ternes, costumes beiges, bureaux noyés sous la paperasse, travellings suivant les personnages élever la voix dans le brouhaha d’un office assiégé d’appels. Là où Michael Mann apposait dans Révélations son style nerveux et mélancolique au film à enquête journalistique, Spotlight s’installe confortablement dans la lignée des Hommes du président d’Alan J. Pakula pour ne jamais en corrompre les formes narratives et visuelles. Cela dit, cette direction n’empêche en rien le film de fonctionner, ses instigateurs délaissant toute identité propre au profit de la reconstitution méticuleuse d’une enquête passionnante livrée dans son plus simple appareil.
Cette forme immédiatement reconnaissable est tout d’abord bienvenue devant la lourdeur du sujet. Avec un soin clinique, Tom McCarthy choisit de tout mettre en retrait, mise en scène, musique, interprétations, dans le but d’éviter toute théâtralisation qui desservirait son sujet. C’est en effet plus une sorte de pudeur qui semble régir Spotlight qu’un manque d’ambition. Sans véritables moments de suspense, McCarthy balance son spectateur entre salles d’archives, coups de téléphones et meetings avec pour seules armes une troupe d’acteurs volontaires et la ferme conviction que l’histoire est si puissante qu’elle tiendra son spectateur en haleine. Pas d’intrusion dans la vie intime des protagonistes, ni d’émotions exacerbées, mais une pudeur à tous les niveaux, des victimes dépeintes comme des survivants aux journalistes immergés comme des soldats dans une mission rationalisée avec justesse par le seul et unique fait qu’ils font leur travail.
- © Open Road Films
Nous l’abordions il y à peu sur ce site avec le récent Strictly Criminal, Boston n’est pas une ville comme les autres. De ces journalistes pour la plupart nés et élevés ici, l’un d’eux rappellera que « Boston est la plus grande petite ville d’Amérique, tout le monde semble se connaître ». L’Église y est proéminente, se déplaçant en voitures à chauffeur, portant de lourdes croix en or et incarnant au final une organisation criminelle similaire aux mafias dépeintes dans le film de Scott Cooper où dans l’excellent The Town de Ben Affleck. Profitant d’une population pauvre plus à même de laisser entrer ces hommes de Dieu dans leur foyer, Spotlight met en lumière ce qu’il définit d’« abus spirituel », un abus qui vient mettre sous silence les viols, désarmant des victimes plongées dans la honte et la peur de l’institution religieuse, les poussant le plus souvent au suicide. Non, Boston n’est pas une ville comme les autres. Que ce soit des agissements néfastes de l’Église où de la mafia locale, tout le monde est au courant est personne ne fait rien. Comme le dit avec une douloureuse justesse le personnage de Stanley Tucci : « Il faut une ville pour élever un enfant. Il en faut une pour abuser de lui. ».
Spotlight navigue au final entre deux autres influences majeures. Dans le portrait glaçant qu’il fait de Boston, le film rappelle le travail de David Simon sur The Wire, série sur laquelle le réalisateur incarna un rôle récurrent. D’autre part, son scénariste officia sur The West Wing, autre série inscrite au panthéon de la télévision américaine, réitérant ici les luttes de pouvoir se jouant en sourdines dans d’efficaces joutes verbales. Soutenu par l’Église elle même, régi par la présence des véritables protagonistes de l’enquête auprès des comédiens, Spotlight évite tout sensationnalisme malvenu pour privilégier une précision clinique effaçant toute individualité extérieure au réalisme recherché. Si l’approche pourra déplaire, Spotlight ne renouvelant en rien le genre et laissant peu de marge de manœuvre à ses acteurs et son réalisateur, il est indéniable que ces choix renforcent la puissance du constat sévère que porte en étendard le film de Tom McCarthy : la pédophilie chez les prêtres est un « phénomène psychiatrique » qui pourrait concerner jusqu’à 6 % des prêtres à travers le monde. Au final, Spotlight remporte l’adhésion par la puissance de son sujet et la profession de foi indéniable de tous ses participants.
- © Open Road Films
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