Le 20 novembre 2015
Victime du caractère insaisissable de son personnage central, Strictly Criminal peine à trouver une véritable ampleur émotionnelle. Un bel objet certes esthétiquement solide mais totalement dépourvu d’âme.
- Réalisateur : Scott Cooper
- Acteurs : Johnny Depp, James Russo, Kevin Bacon, Peter Sarsgaard, Joel Edgerton, Juno Temple, Adam Scott, Benedict Cumberbatch, Dakota Johnson, Corey Stoll, David Harbour, Jesse Plemons
- Genre : Biopic, Thriller, Film de gangsters, Policier
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Warner Bros. France
- Durée : 2h03mn
- Date télé : 7 février 2024 21:00
- Chaîne : OCS Max
- Titre original : Black Mass
- Date de sortie : 25 novembre 2015
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Résumé : Le quartier de South Boston, dans les années 1970. L’agent du FBI John Connolly convainc le caïd irlandais James "Whitey" Bulger de collaborer avec l’agence fédérale afin d’éliminer un ennemi commun : la mafia italienne. Le film retrace l’histoire vraie de cette alliance contre nature qui a dégénéré et permis à Whitey d’échapper à la justice, de consolider son pouvoir et de s’imposer comme l’un des malfrats les plus redoutables de Boston et les plus puissants des États-Unis.
Critique : Strictly Criminal ? Le titre français aurait en effet pu avoir un point d’interrogation car c’est bien là toute la question que pose le réalisateur Scott Cooper : Whitey Bulger est-il seulement un criminel ? Ou a t-il un véritable code d’honneur ? Pour questionner cela, le film s’attache de nouveau à prendre pour décor la ville de Boston, déjà explorée par Ben Affleck dans l’excellent The Town. Le milieu du crime à Boston est bien particulier, il est orchestré par des « street kids », des gamins des rues, s’apparentant presque à une classe ouvrière criminelle parfaitement intégrée à la société et souvent admirée. Bulger et Connolly sont de ceux-la, ils ont grandi ensemble et si l’un à choisi le crime et l’autre le FBI, c’est bien cette union fraternelle qui va les unir tout au long du film.
Les deux décident donc de collaborer secrètement, le boss mafieux et le jeune prodige du FBI formant une alliance de sang dont Scott Cooper va questionner la force. Les brasiers de la colère, son précédent film, explorait déjà jusqu’où va la loyauté du sang et jusqu’où peut-on lui faire honneur aux yeux de la loi. Tout au long de Strictly Criminal va s’opérer un rapport de force, d’abus, qui va faire danser les deux hommes sur la fine ligne morale qu’ils ont voulu tracer. Le point faible du film est de ne jamais parvenir à élever son sujet au-delà de cette dynamique usée où flics et gangsters sont difficiles à différencier. Ben Affleck avait relevé le pari dans The Town, investissant le genre avec un romantisme inattendu, posant son personnage devant un dilemme passionnant qui voyait s’opposer l’amour fraternel irrémédiablement lié au crime à l’amour d’une femme qui pourrait l’en faire sortir. Scott Cooper peine quant à lui à construire une ampleur émotionnelle similaire dans son récit, la faute en partie au caractère insaisissable du personnage qu’il met en scène.
- © 2015 Warner Bros. Tous droits réservés.
Lorsque Michael Mann choisissait Johnny Depp pour incarner son Dillinger, il sut l’employer à bon escient, jouant autant sur le charisme et le charme inné de l’acteur que sur son brin de folie, toujours en décalage par rapport aux situations dans lesquelles il se trouve. Scott Cooper n’est pas aussi assuré dans son approche de Whitey Bulger. Si Johnny Depp joue assez bien l’interchangeabilité constante que requiert son rôle, tour à tour boss intraitable, mari, père et ami, le personnage est trop versatile pour véritablement imposer sa présence. Si Bulger refuse de prendre un sac plein de cash en public, il ne s’inquiète nullement d’être vu en public assassiner de sang-froid un homme dans la rue. Obsédé par le contrôle, ce dernier n’hésite pas d’un autre côté à ne jamais se salir les mains, réglant des différents mineurs avec ses poings. Là ou David O. Russell transcendait son essai dans le même genre par son talent de directeur d’acteur, imbriquant avec brio les motivations personnelles des criminels dans l’intrigue d’American Hustle, Scott Cooper ne parvient pas à faire vivre l’arc narratif de son personnage, les déboires familiaux de Whitey Bulger se faisant pourtant clairement le moteur de sa plongée dans le monde du crime.
Comme The Town, Strictly Criminal fut amputé d’une heure et l’on peut avec précaution y imputer ce manque d’ampleur criard. Mais le film reste trop sage, trop prévisible, basé sur un procédé usité avec en voix off les protagonistes déchus contant l’histoire à rebours. Du découpage du récit en différentes dates aux personnages narrateurs, le réalisateur investit le genre du film de mafieux avec un respect presque trop évident qui semble le paralyser dans sa démarche. Au final, Strictly Criminal n’est jamais meilleur que lorsqu’il fait le portrait de Bulger comme une menace sourde, jouant de dialogues à double tranchants, sa violence passive se révélant bien plus terrifiante que ses excès réels. Si Scott Cooper voulait laisser au spectateur le choix de juger le personnage, homme d’honneur ou strict criminel, cette démarche consciente ou non fait perdre au film sa saveur qui constitue au final un bel objet certes esthétiquement solide mais totalement dépourvu d’âme.
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