Le 30 avril 2014
Une comédie foldingue menée tambour-battant, véritable ode à la jouissance.
- Réalisateur : Hitoshi Matsumoto
- Acteurs : Hitoshi Matsumoto , Mao Daichi, Lindsay Kay Hayward
- Genre : Comédie
- Nationalité : Japonais
- Durée : 1h40mn
- Festival : Hallucinations collectives
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Une comédie foldingue menée tambour-battant, véritable ode à la jouissance.
L’argument : Un homme, qui prend soin de son fils depuis que sa femme est plongée dans le coma, entre dans un immeuble des plus banals. Il décide alors de devenir membre d’un club privé, après avoir pris connaissance des prestations proposées et du fait que l’adhésion n’est valable qu’une seule année et ne peut être annulée que sous certaines conditions. En tant que nouveau membre, un monde de plaisirs s’offre alors à lui. Il en apprécie tout particulièrement l’intrusion dans son quotidien de femmes dominatrices. Jusqu’au jour où celles-ci s’approchent d’un peu trop près de sa famille – laquelle ne se doute de rien – et où, avec un courage rarement affiché dans sa petite vie de vendeur de literie, il va alors tenter d’annuler son adhésion au club.
Notre avis : Réalisateur inclassable, Hitoshi Matsumoto est l’auteur de films étonnants jouant sur l’absurde, comme l’OFNI (objet filmique non identifié) que constitue Symbol (2009). Avec R100, il renoue avec la même veine comique.
On est même précisément en face d’un humour typiquement japonais. Le titre R100 intrigue, laissant volontairement entendre que le film qu’il défend est interdit aux personnes âgées de moins de 100 ans ! Une plaisanterie qui donne le ton.
Mais ce n’est rien comparé au contenu du film. Car on pourrait dire que ce long métrage complètement dingue va à 100 à l’heure ou contient au moins 100 blagues énormes ! R100 est à prendre comme un pur délire.
Le principal protagoniste du film est un “salary man” japonais dépressif qui s’ennuie dans son travail et doit élever seul son jeune fils car sa femme est dans le coma. Sa vie est loin d’être enthousiasmante et pour s’évader de son morne quotidien, il décide de prendre un contrat auprès d’une société nommée Bondage. Sa vie va alors changer de façon radicale. De jolies dominatrices, habillées façon SM, vont s’occuper de son cas en le frappant dans des lieux publics, de façon imprévisible.
Bien que disposant d’un scénario en apparence totalement déjanté, le film suit pourtant une ligne directrice assez claire. Le salary man de R100 a adhéré au club Bondage pour sentir qu’il existe. Son sado-masochisme est bien dans le style japonais où la souffrance s’apparente à une source de vie. C’est une thématique que l’on retrouve par exemple chez Shinya Tsukamoto dans Tokyo Fist.
Ici, le salary man pense malgré tout aux apparences et craint d’être pris pour un pervers. Le film l’invite à plusieurs reprises à accepter ses pulsions sexuelles et à les prendre comme telles, quand bien même celles-ci s’éloigneraient de la norme. L’idée est bien de faire ce que l’on souhaite et de ne pas prendre en considération l’avis des autres. Le dialogue avec un policier est symptomatique de cette ligne directrice. R100 raconte le cheminement du héros, du déni à l’acceptation.
Les gags s’accumulent à la vitesse grand V, avec accélération dans la deuxième partie du film, une façon en soi de prouver la jouissance que ressent le "salary man" enfin libéré. Dès lors, le film peut être vu comme une ode à la jouissance avec une réinterprétation plus subtile qu’on l’imagine de L’hymne à la joie de Ludwig Van Beethoven. D’autant que les gimmick que l’on voit dans le film, qui peuvent paraître superflus de prime abord, sont en fin de compte l’expression de la jouissance de notre salary man.
Par ailleurs, on sent qu’Hitoshi Matsumoto est un cinéphile averti. La façon de mener la guerre, vers la fin du film, est une citation de Ran ou Kagemusha d’Akira Kurosawa par la disposition des personnages. Mais le réalisateur ne peut s’empêcher d’y adjoindre un côté bisseux, avec ces femmes ninjas. Il aime le cinéma d’exploitation avec ces protagonistes qui sortent de nulle part (y compris ces femmes SM) et ces dialogues parfois surréalistes : “Vous êtes qui ? - Je suis mandaté par le gouvernement. Je ne peux pas vous en dire plus.”
Certains actes de ces femmes SM paraissent insensés mais il y a là encore une logique certaine. Ainsi, “la reine de la gloutonnerie” mange littéralement toutes les entraves familiales qui pourraient encore raccorder le personnage principal à son morne quotidien. Au passage, on notera que Matsumoto accorde une place importante aux femmes, ce qui n’est pas courant dans les films japonais.
Au final, R100 est une œuvre hautement recommandable qui a le mérite de requinquer le moral. Son réalisateur ne se prend visiblement jamais au sérieux, avec notamment ces intermèdes où des personnages commentent le film et en pointent les incohérences. Pourtant, R100 est bien plus qu’une comédie déjantée.
Voilà donc l’une des excellentes surprises du dernier festival Hallucinations collectives.
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