L’amour fou
Le 3 décembre 2011
Après une longue période d’absence, le grand cinéaste polonais Jerzy Skolimowski revient au cinéma avec une œuvre à la belle poésie morbide.
- Réalisateur : Jerzy Skolimowski
- Acteurs : Artur Steranko, Kinga Preis
- Nationalité : Français, Polonais
- Distributeur : Les Films du Losange
- Durée : 1h27mn
- Titre original : Cztery Noce Z Anna
- Date de sortie : 5 novembre 2008
- Festival : Festival de Cannes 2008
Résumé : Dans une petite ville en Pologne, Léon Okrasa est employé dans un hôpital. Il a, dans le passé, été témoin d’un viol brutal. La victime, Anna, est une jeune infirmière qui travaille dans le même hôpital. Léon passe son temps à espionner Anna, à la guetter de jour comme de nuit. Cela devient une véritable obsession... Un soir, il finit par s’introduire dans l’appartement d’Anna par la fenêtre qu’elle laisse entrouverte. Alors, Léon s’installe sur son lit, l’observe dans son sommeil, s’imprègne de son univers. Où s’arrêtera t-il ?
Critique : Le grand Jerzy Skolimowski, qui a participé au renouveau du septième art en Europe centrale et orientale dans les années 1960, est enfin de retour au cinéma après une période de retrait de dix-sept ans. Disons-le tout de suite, le cinéaste n’a rien perdu de son immense talent. Cette œuvre, très maîtrisée, décrit la vie intérieure de Léon, un individu lunaire et timide, amoureux d’Anna, une femme qu’il n’ose approcher que lorsqu’elle est plongée dans son sommeil. L’auteur cherche alors à signifier l’univers mental de son « héros » en créant une double temporalité : il alterne les séquences qui relèvent du présent où l’homme est jugé et emprisonné et les scènes passées où il observe et visite la maison d’Anna. Ce dispositif, très intelligent, plonge le spectateur dans l’esprit du protagoniste qui semble se remémorer les nuits auprès de sa bien-aimée. Skolimowski utilise d’ailleurs une caméra subjective afin de faire ressentir l’émotion de son personnage qui regarde constamment l’être désiré à travers sa fenêtre. Ces plans symbolisent l’idée d’ouverture sur le monde, en l’occurrence sur un monde imaginaire qui métaphorise également l’art cinématographique, Léon pouvant être comparé au réalisateur qui crée un espace fictif.
La forme du film - malgré son apparente simplicité - est très travaillée grâce à des travellings et des plans-séquences d’une précision admirable. L’univers présenté fait preuve d’un certain surréalisme avec des images poétiques aux tonalités grises et orageuses qui retranscrivent l’intériorité troublée du « héros ». Les lieux filmés semblent intemporels, grâce à une nature très présente et une absence de modernité, qui renforce l’étrangeté du récit tout comme la musique, très présente, qui donne davantage de beauté à cette histoire d’amour obsessionnelle. La volonté de Skolimowski de faire ressentir les émotions du personnage est également signifiée par l’aspect quasiment muet du métrage, qui représente très bien l’autisme de Léon. Cela démontre surtout le talent d’un grand auteur qui n’a pas besoin de tirades explicatives, les plans parlant d’eux-mêmes. Cette œuvre, difficile d’accès par son apparente sécheresse et la noirceur de l’univers dépeint, demande alors quelques efforts pour apprécier sa poésie vénéneuse.
© Les Films du Losange
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Norman06 29 avril 2009
Quatre nuits avec Anna - la critique
Le grand retour de Skolimowski, qui ne nous avait pas ébloui depuis Travail au noir. Récit combinant des éléments de réalisme et d’onirisme, c’est une merveille de délicatesse. Le personnage principal rejoint la galerie des grands « innocents » de la littérature et du cinéma. L’une des bonnes surprises de la Quinzaine des réalisateurs cannoise 2008.