Président - la critique

Un film intelligent et courageux sur le pouvoir et son utilisation. Albert Dupontel est, une fois de plus, remarquable.

L’argument : Secrets d’Etat, convictions sincères, foules exaltées, train de vie royal, journalistes inquisiteurs, disparitions suspectes : les coulisses du pouvoir ou la vie quotidienne d’un président. Entre l’amour d’un père pour sa fille et les contradictions d’un chef d’Etat, que reste-il d’essentiel quand on a le pouvoir suprême ?

Notre avis : "Si j’étais président de la république (...) je nommerais bien sûr Mickey premier ministre..."
Malheureusement, Gérard Lenorman n’a jamais accédé à la fonction suprême de l’Etat français. Grâce au long métrage de Lionel Delplanque, Albert Dupontel, lui, a réussi. Il est même très crédible dans ce rôle inattendu puisqu’il parvient à élaborer une interprétation originale de son personnage tout en étant une sorte de patchwork des anciens présidents français depuis De Gaulle. Du discours gaullien, justement, prononcé au Stade de France, aux petites phrases célèbres de Giscard et Mitterrand, en passant par les relations controversées avec l’Afrique qui concernent, elles, tous les chefs d’Etat de la Ve république, ce président de pellicule est clairement un assemblage de tous ces modèles historiques. Si l’on veut pousser le vice, on peut même affirmer que sa jeunesse, sa façon de se servir des médias ainsi qu’une nervosité ostentatoire le font ressembler à un certain... Nicolas Sarkozy ! On saura l’année prochaine si Président était un film d’anticipation mais en attendant chacun appréciera le rapprochement selon ses orientations politiques...
Après l’originalité de l’interprétation, il nous faut souligner celle du sujet. La représentation cinématographique de la classe politique française est effectivement assez rare dans notre pays. Il faut dire que les coulisses du pouvoir et les secrets en tout genre concernant nos représentants publiques sont des sujets tabous. Le film de Delplanque entame donc ce silence pesant et nous présente, sous couvert de fiction, certains aspects peu ragoûtants du pouvoir exécutif. Il le fait de la meilleure manière qui soit, sans manichéisme mais avec objectivité, et en se posant les bonnes questions, celles qui interrogent le rapport fascinant de l’être humain au pouvoir. Depuis cinquante ans, la médiatisation à outrance n’a pas épargné le monde politique, obligeant nos dirigeants à se reconvertir en V.R.P., à soigner leurs images dans la lumière des projecteurs tout en cachant certaines aspérités et vérités dans l’ombre. Le personnage de Dupontel est ainsi, évoluant entre sincérité et mensonge, entre conviction et devoir, entre famille et fonction, entre ombre et lumière. Une lumière à laquelle il est d’ailleurs allergique depuis la fin de ses illusions (en Afrique). Cette jolie trouvaille scénaristique permet au cinéaste de mieux représenter la dualité de ce Janus moderne en jouant sur l’éclairage. C’est l’atout majeur d’une mise en scène par ailleurs conventionnelle mais qui sied très bien à la rigueur du milieu étudié.
Il fallait oser faire ce film casse-gueule, saluons donc la belle initiative de Lionel Delplanque et surtout sa réussite.