Sous influence
Le 19 avril 2016
Cassavetes revisité en Israël. Un grand film autour d’une femme ne supportant plus la banalité de sa vie.


- Réalisateurs : Ronit Elkabetz - Shlomi Elkabetz
- Acteurs : Gilbert Melki, Simon Abkarian, Ronit Elkabetz
- Genre : Drame, Romance
- Nationalité : Israélien, Français
- Distributeur : Dulac Distribution
- Durée : 1h37mn
- Reprise: 30 juillet 2008
- Date de sortie : 26 janvier 2005
- Festival : Festival de Venise 2004

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Résumé : Haïfa, juin 1979 : l’histoire se déroule en Israël durant les trois jours qui précèdent l’entrée du shabbat. Une fois encore, Viviane est sur le point de quitter Eliahou, son époux. Une fois encore, ses frères réussissent à la persuader que sa place est auprès de son mari, ses enfants et sa famille. Fatiguée de cette existence qui dénie ses rêves et ses droits, lasse de cet époux qui privilégie les traditions au détriment de leur vie de couple, Viviane reste, mais elle est à bout. Au même moment, Albert, un homme qu’elle a aimé, resurgit dans sa vie. Un homme ayant su, l’espace d’un trop bref moment, lui offrir ce que tous les autres hommes de sa vie lui avaient toujours refusé : la liberté d’être elle-même.
Critique : Visage d’une blancheur de geisha, chevelure d’un noir opaque, une femme regarde la caméra. Autour, des voix d’hommes : elle encaisse sans riposter, déterminée et impassible. C’est le premier plan, et déjà, tout le projet du film est posé.
Une certaine partie de la critique a fait le rapprochement avec Cassavetes : difficile, en effet, de ne pas penser au cinéaste américain devant Prendre femme. La caméra s’attarde longuement sur les visages, y cherche la vérité des personnages, de leurs (ré)actions. Il fallait de grands acteurs pour les incarner. Ronit Elkabitz, après Mon trésor (dont elle était un des principaux intérêt), confirme son immense talent d’actrice, toujours sur la corde raide. Gilbert Melki parvient a imposer sa présence, subtile mais persistante.
Les réalisateurs n’amplifient jamais les événements, leur rendent leur simplicité et leur force. La mise en scène joue clairement sur ce parti pris de réalisme, hormis pour une brève échappée sentimentale, presque fantasmée, filmée comme un film de Wong Kar-wai. Car Prendre femme, c’est avant tout le récit d’une femme ne supportant plus sa vie extraordinairement banale. Enfants chahuteurs, mari légèrement religieux, gentil, mais peu compréhensif. Et la gentillesse sans compréhension n’est qu’intention. Bref, elle n’en peut plus de sa vie ordinaire de femme israélienne.
Comme pour Gena Rowlands, dans le splendide Une femme sous influence, cette aliénation irrationnelle se déverse progressivement dans la folie et l’hystérie. Splendide scène au milieu du film ou une discussion banale dégénère subitement en un accès de rage incontrôlable, déchirant, d’une incroyable violence psychologique (amplifiée par le regard de ses enfants, témoins malheureux de ces scènes qui ne devraient jamais avoir lieu). Indéniablement, quelque chose de très fort se passe pendant la projection.