La loi du dictionnaire
Le 19 mai 2010
Le deuxième film de Corneliu Porumboiu est un film policier insolite et méthodique, avec une pointe d’humour absurde, qui débouche inopinément sur un conflit moral.
- Réalisateur : Corneliu Porumboiu
- Acteurs : Dragos Bucur, Vlad Ivanov, Cosmin Selesi
- Genre : Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters
- Nationalité : Roumain
- Date de sortie : 19 mai 2010
- Festival : Festival de Cannes 2009
– Durée : 1h53mn
– Titre original : Politist, adjectiv
Le deuxième film de Corneliu Porumboiu est un film policier insolite et méthodique, avec une pointe d’humour absurde, qui débouche inopinément sur un conflit moral.
L’argument : Cristi est un jeune policier. Lors d’une filature, il voit un garçon vendre du haschich à ses copains de lycée. Il refuse de l’arrêter alors que la loi l’y oblige. Il ne veut pas avoir la vie du jeune homme sur la conscience. Mais pour son supérieur, le mot conscience a un autre sens.
Notre avis : Pour son deuxième long métrage après 12h08 à l’est du Bucarest, Corneliu Porumboiu retourne à Vaslui, sa ville natale.
Cette fois-ci, nous voyons vraiment la ville, marquée par l’histoire - vestiges incontournables du régime communiste, mais aussi signes bien visibles du néo-capitalisme triomphant - puisque le travail du héros consiste principalement en filatures dans les rues.
On le voit donc longuement marcher mais aussi rester en faction, des heures durant, devant la maison d’un suspect, et tuer le temps. C’est le côté Blow up, dont Porumboiu dit s’être inspiré. L’autre source d’inspiration avouée est Pickpocket de Bresson, pour l’attention méticuleuse avec laquelle nous suivons le travail méthodique et ingrat de Cristi, ses moindres faits et gestes, quasiment en temps réel : filatures donc , mais aussi rédaction des rapports - manuscrits - tractations avec les collègues dont il faut ménager les susceptibilités. Mais nous partageons aussi sa vie privée, lorsque par exemple nous le voyons s’entretenir au sujet de la nocivité des boissons chaudes en cas de grippe ou manger seul dans la cuisine - filmé en plan fixe depuis l’embrasure de la porte - pendant que sa femme passe à plein volume une chanson de variété sur l’ordinateur.
Cette chanson donne lieu à une « explication de texte » entre les époux (elle est prof de lettres ou institutrice), une discussion au sujet des images poétiques (où sont-ce des symboles ?), dont est truffée la chanson et que lui ne comprend pas. Cette scène trouvera un écho amplifié lors de la longue confrontation dans le bureau du chef, un policier issu tout droit de l’ère communiste et appliqué à suivre la loi à la lettre. Lors d’un bras de fer implacable et feutré - personne n’élève la voix -, Cristi devra chercher dans le DEX - dictionnaire de la langue roumaine - la définition exacte de mots qu’il emploie pour justifier son refus d’ « organiser » un flagrant délit, des mots tels que : conscience, morale, police (ou plutôt policier, nom et adjectif, d’où le titre) sous l’oeil d’un collègue plus âgé, témoin impuissant qui a depuis longtemps abandonné toute velléité de contestation. La séquence est à la fois drôle, à cause de sa solennité qui paraît disproportionnée, et d’une grande violence sous-jacente : le chef, assis au milieu, aura forcément le dernier mot.
L’aspect le plus frappant du film est sans doute son côté « dispositif » : plans fixes, avec des personnages assis selon une configuration qui n’évolue pas, répétitions en accord avec la monotonie bureaucratique des activités du personnage, ce carcan qu’il tente de briser sans en être vraiment conscient et sans en avoir les moyens.
Les références à Antonioni et Bresson sont, certes, un peu écrasantes, mais elle sont néanmoins pertinentes. Cependant le véritable prix de ce film est sans doute ailleurs : dans la pointe d’humour absurde , plus discrète que dans 12h08 à l’est du Bucarest, qui affleure souvent. Elle donne au parcours et au conflit moral - l’opposition entre loi et justice - qui agite un personnage peu sympathique au départ mais gagnant en humanité au cours du film, un côté à la fois dérisoire et poignant.
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Norman06 20 janvier 2011
Policier, adjectif - la critique
Un dispositif honorable et une belle réflexion sur la conscience morale policière mais la forme, faussement moderniste, a des accents de déjà vu. Le réalisateur n’évite pas le défaut d’un certain cinéma contemporain : il est soporifique...