Dans le Grand Nord
Le 1er mars 2011
Un brillant exemple de l’inventivité et de la richesse de l’école russe des années vingt par le grand théoricien du montage cinématographique.
- Réalisateur : Lev Kulešov
- Acteurs : Vladimir Fogel, Aleksandra Chochlova, Sergej Komarov
- Genre : Drame, Western, Film muet
- Nationalité : Russe
- Editeur vidéo : filmmuseum
- Plus d'informations : http://www.choses-vues.com/blog/201...
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– Titre original : По закону
– Durée : 1h18mn
Un brillant exemple de l’inventivité et de la richesse de l’école russe des années vingt par le grand théoricien du montage cinématographique.
L’argument : Dans le Klondike, région du Grand Nord canadien, des prospecteurs - Hans Nielsen et sa femme Edith, l’Irlandais Michael Dennin, Detci et Herke - partagent la même cabane. Deinim découvre un important gisement, qu’ils commencent alors à exploiter. C’est l’hiver, le travail est difficile, mais le groupe ne désarme pas, car le filon ne semble pas se tarir. Les soirées monotones se passent en buvant du vin. Un jour, la bonne entente commune s’achève brutalement et violemment : dans une crise de démence, Dennin, poussé à bout par les humiliations constantes dont il est l’objet, tue à bout portant Detci et Herke. Le couple Nielsen parvient à neutraliser l’assassin et à l’attacher solidement. Dès lors, ils doivent se relayer pour le surveiller.
C’est le printemps : la fonte des neiges renforce même l’isolement du baraquement des chercheurs. La surveillance de l’assassin se poursuit difficilement. Le couple se dispute à cause de la fatigue des longues nuits sans sommeil. Comme il n’est pas question de tuer l’assassin sans jugement, les Nielsen se décident à tenir un procès, où ils sont tout à la fois témoins, jurés et juges. Denin est finalement condamné à la pendaison. C’est Nielsen, le bourreau, qui l’accomplit au pied d’un arbre. Après l’exécution, le couple épuisé, regagne la cabane. C’est alors que surgit l’assassin, la corde au cou, sur le seuil de la porte. Ils le laissent partir sans réagir, dans la campagne, sous la tempête.
Notre avis : Lev Kulešov (1899 - 1970) est avant tout connu comme théoricien du montage cinématographique (le fameux effet-Koulechov). Mais cet enseignant réputé fut aussi un cinéaste brillant qui avait débuté au cinéma dès l’époque tsariste. Décorateur aux studios Khanjonkov dans les films d’Ivan Perestiani et Evgenij Bauer, il passait à la réalisation en 1917 (à 18 ans) avec Pesn’ljubi nedopetaja - Chant d’amour inachevé et Proekt inzenera Prajta - Le Projet de l’ingénieur Pright (coréalisé par Bauer).
Faisant suite aux à deux grosses productions, Les extraordinaires aventures de Mister West au pays des bolcheviks, énorme succès en 1924, et Le rayon de la mort, l’année suivante, Po zakonu est un film de dimension beaucoup plus modeste que les précédents.
Une intrigue extrêmement ténue tirée d’une nouvelle de Jack London, un nombre limité de personnages (cinq, puis trois), un décor unique (l’intérieur et les alentours d’une cabane au bord d’un fleuve) : tout invite au minimalisme. Mais Kulešov, laissant libre cours au goût de l’expérimentation qui le fit taxer de formalisme, exacerbe le drame jusqu’au grotesque en jouant sur les éclairages, les cadrages (beaucoup de gros plans de visages ou d’objets, mais aussi des plans très larges avec des personnages perdus dans l’espace démesuré) et en incitant ses acteurs à un sur-jeu proche de l’hystérie qui donne à l’ensemble un caractère halluciné.
L’association de cet expressionnisme à un réalisme exacerbé du détail et la remarquable utilisation du décor naturel ne sont pas indigne de Stroheim (Les rapaces) et permettent à ce western constructiviste de dépasser le niveau du brillant tour de force pour atteindre les dimensions d’un drame burlesque à l’ironie désespérée.
Aleksandra Khokhlova surtout est stupéfiante avec son corps maigre qu’elle tord dans tous les sens, son long visage qu’elle n’hésite pas à défigurer par des grimaces. Son jeu échappe à toutes les catégories répertoriées.
Protagoniste également du film suivant de Kulešov, Vaša znakomaja, elle n’y sera pas moins étonnante bien que dans un registre moins extrême.
Les deux films sont des témoignages précieux et enthousiasmants de la richesse du cinéma soviétique des années vingt, une période d’ébullition créative et de liberté que le réalisme socialiste ne parviendra que difficilement à étouffer.
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Le DVD
C’est le Filmmuseum de Vienne qui publie une excellente édition DVD du film de Kulešov distribuée en France par Choses vues.
Les suppléments
Outre un livret fort instructif (en allemand et en anglais), le DVD propose les 18 minutes survivantes de Vaša znakomaja (1927), surprenante comédie située dans le milieu de la presse. Un formidable documentaire sur la Moscou de 1927, un ton léger à mille lieux de la tension qui règne dans Po zakonu, une Khokhlova sans grimaces mais ne renonçant pas à ses dons burlesques, bref un film en état de grâce.
Des sous titres en français sont proposés pour les deux films.
Image
Le nouveau transfert permet d’apprécier un beau noir et blanc contrasté ainsi que le remarquable travail sur les éclairages et la profondeur de champ.
Son
Un dolby 2.0 efficace pour la partition électronique de Franz Reisecker qui convient assez bien au film et souligne son caractère avant-gardiste et fantastique.
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