Parlez-moi de vous - la critique

Critique : Première réalisation du jeune Pierre Pinaud (dont le court-métrage Les miettes, césarisé en 2009, avait attiré l’attention de la critique), Parlez-moi de vous tranche dans le vif de la blessure, celle de l’abandon. Alors que beaucoup d’orphelins partent à la recherche de leur mère à l’aube de la vingtaine, Mélina est un peu sur le tard. Sa quête de l’amour maternel, elle en a d’abord fait le deuil avant de comprendre que seule sa résolution lui permettra d’aimer. Car sous ses allures hitchcokiennes, sa beauté glaciale, sa timidité arrogante et ses chignons impeccables, Melina a un cœur qui bat. Retranchée derrière son micro, elle répond aux cris et SOS des auditeurs, se livrant entièrement. À une condition : l’anonymat.

© 2012 Estrella Productions. Tous droits réservés.

Au contact de la réalité, de ses aspérités, de ses creux et ses écorchures, son cocon finit par se briser. Et pour cause : changement de décor. Du XVIe arrondissement stérilisé et couleur pastel, on passe à la banlieue criarde et pleine de vie. Un environnement fait de vêtements poussiéreux, de gestes brusques et de jouets en plastique que Mélina va devoir apprendre à apprivoiser pour mieux s’y familiariser. Cette ville, c’est celle de sa mère.
Dans Parlez-moi de vous, l’espace est binaire, accolant dans un même cadre les lignes fuyantes et coupantes d’un loft parisien à la rondeur des tissus délaissés dans le placard à balais, lieu de retraite, de refuge pour l’enfant qui sommeille en Mélina. Dans cet ersatz de ventre maternel, Claire délaisse ses névroses et ses raideurs pour un corps en pleurs. Un lâcher-prise que l’on retrouve dans la séquence du parc Floral de Vincennes, où Mélina, attendant sa mère, a pour l’occasion dénoué ses cheveux en une rivière de boucles enfantines. Mais la mère ne viendra pas et les larmes laisseront place aux cris et injonctions quand, dans une tentative d’amour désespérée, Claire menaçant de couper le tube d’oxygène, extorquera à sa génitrice clouée sur un lit d’hopital, un ’’je t’aime’’ bien peu maternel. Par ce geste ’’elle rejoue à l’envers ce que sa mère lui a fait subir : couper top tôt un cordon ombilical encore trop nécessaire’’ (Pierre Pinaud).

© 2012 Estrella Productions. Tous droits réservés.

Le jeu des acteurs est impeccable. Karin Viard, qui excelle dans l’art de la causticité discrète, et Nicolas Duvauchelle (dont le regard dit souvent bien plus que les mots), sont ici réunis en un improbable duo, presque amoureux. Interprété par Nadia Barentin (décédée en mars 2011), le personnage de la mère est quant à lui une vrai délectation. Quelque part entre franc-parler et générosité, la comédienne revêt pour l’occasion une ambivalence forte de complexité. Ici pas de noir et blanc, juste du gris. Une couleur d’ailleurs portée quotidiennement par Mélina. Un entre-deux en somme, colorimétrique, relationnel, social et même spatial.
Ce premier film offre beaucoup d’idées et bien des bonnes intentions, mais pèche par son rythme inégal. Le spectateur, comme l’intrigue, est ballotté entre l’introspection et une action qui fait irruption dans la narration avec autant de délicatesse qu’un éléphant dans un magasin de porcelaine. On ressort de ce drame intimiste partagé...