Buffet froid
Le 3 novembre 2011
Sans concession ni réelle complaisance, Markus Schleinzer dresse le portrait dérangeant d’un pédophile. Mais le discours sur la banalité du mal qui sert l’argument de Michael peine à convaincre, sans doute en raison de la frilosité du cinéaste à embrasser pleinement les difficultés de son sujet.
- Réalisateur : Markus Schleinzer
- Acteurs : Michael Fuith, David Rauchenberger
- Genre : Drame
- Nationalité : Autrichien
- Durée : 1h34mn
- Date de sortie : 9 novembre 2011
- Festival : Festival de Cannes 2011
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Sans concession ni réelle complaisance, Markus Schleinzer dresse le portrait dérangeant d’un pédophile. Mais le discours sur la banalité du mal qui sert l’argument de Michael peine à convaincre, sans doute en raison de la frilosité du cinéaste à embrasser pleinement les difficultés de son sujet.
L’argument : Michael décrit les cinq derniers mois de la vie commune forcée entre Wolfgang, 10 ans, et Michael, 35 ans.
Notre avis : Au regard du sujet difficile qu’il aborde, il faut reconnaître que le premier film de Markus Schleinzer nous épargne bon nombre de travers auxquels on aurait pu s’attendre. La dimension sexualisée des rapports entre Wolfgang et Michael est relativement tenue à distance par le jeu des connotations et des ellipses - symboliquement d’ailleurs, la seule scène abordée de front est un rapport d’impuissance entre Michael et une autre femme, manière de suggérer par la négative la brutalité des rapports entre les deux personnages masculins. La violence psychologique est nettement préférée à la violence physique et lorsque celle-ci éclate, c’est pour mieux faire surgir la tension latente contenue dans le film. Pour le reste, celui-ci nous épargne autant qu’il peut la complaisance qu’on redoutait et qui menace toujours, de près ou de loin, les discours sur la "banalité du mal", refusant par exemple toute allusion à des affaires réelles ou de nous impliquer d’un point de vue émotionnel dans l’histoire des personnages.
La force de Michael tient tout entière à l’alchimie instaurée entre ses deux comédiens qui d’ailleurs, en dépit des réserves que le film peut soulever, n’auraient pas volé un prix d’interprétation pour leur performance commune. Aussi bien dans les scènes violentes que dans des moments plus légers - scène un peu vulgaire du "couteau", réponses au tac au tac du gamin, etc. - les deux acteurs parviennent à contourner les lieux communs pour maintenir intacte la distance entre leurs personnages et le spectateur. On reconnaît ici l’influence plutôt heureuse de Haneke, qui s’est fait maître dans l’art de la psychologie distanciée et le refus de la surenchère verbeuse et explicative. Mais l’influence s’arrête là et, en dépit de certaines qualités, Michael ne peut s’empêcher de dérouter.
La clé de voûte du projet, on l’a dit, tient dans son discours sur la "banalité du mal" : il s’agit grosso modo de montrer que la pédophilie est un crime "comme un autre" qui ne légitime en aucun cas un retour à une justice archaïque. Mettons. Mais cela suffit-il à justifier une heure trente de film ? On n’en est pas certain pour autant. Certes, Schleinzer évite habilement la complaisance ; mais en affichant une neutralité méthodique proche du documentaire et en se refusant à expliquer, juger ou dénoncer ce qu’il montre, il ne peut s’empêcher de retomber dans cette aporie : à quoi bon montrer pour montrer ? Un peu comme le dernier film de Jessica Hausner, Lourdes, sur lequel il a d’ailleurs travaillé - à part ce détail, la comparaison paraîtrait pour le moins surprenante - Michael est un film pétrifié par son sujet et qui n’ose pas vraiment s’en emparer.
Paradoxalement, les meilleurs moments du film sont donc ceux où Schleinzer délaisse Wolfgang et Michael pour pointer du doigt d’autres dysfonctionnements, par exemple au sein de la société autrichienne ou de la famille du personnage éponyme (cf la scène des funérailles, ou encore le personnage de la mère, visiblement minée par le secret). A ces rares endroits où se côtoient responsabilité collective et drame personnel, Michael peut faire songer à l’habileté d’un Haneke. Pour le reste, l’expérience reste déroutante et parfois, désagréable.
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