The show must go on ?
Le 9 juillet 2012
Un film noir intimiste, qui peut se lire comme l’autoportrait déguisé d’un cinéaste en quête d’indépendance
- Réalisateur : John Cassavetes
- Acteurs : Ben Gazzara, Seymour Cassel, Meade Roberts, Alice Friedland, Timothy Carey
- Genre : Drame
- Nationalité : Américain
- Durée : 1h48mn
- Titre original : The killing of a chinese bookie / Le bal des vauriens (titre français original)
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– Date de ressortie : 11 juillet 2012
Un film noir intimiste, qui peut se lire comme l’autoportrait déguisé d’un cinéaste en quête d’indépendance
L’argument : Cosmo Vitelli, patron d’une boîte de strip-tease et criblé de dette, est contraint par la Mafia de tuer un bookmaker chinois. C’est le début d’une chasse à l’homme qui va l’entraîner loin. Très loin.
Notre avis : Tout commence par la dette : c’est elle qui ronge, qui épuise, qui use les nerfs. Au début de Meurtre d’un bookmaker, Cosmo va chercher ses "filles" pour les mener au jeu. Costard impeccable, belles tenues de poules endimanchées, c’est un visage familier qui se dégage de ces premières scènes - celui d’une Amérique prospère et heureuse avec ses fastes, ses illusions, ses espoirs. Quelques minutes plus tard, tout ce petit monde a déchanté. Dans une salle d’attente exigüe, des regards embarrassés se heurtent au trop ambitieux Cosmo, sorte de M. Loyal ayant trop misé et tout perdu. Ou comment le rêve d’indépendance conduit au déclin.
Dans cette œuvre, Cassavetes n’a de cesse de montrer combien l’argent peut devenir un pesant fardeau. A un moment du film, un personnage secondaire envisage la dette comme un péché, menant tout droit aux enfers. Meurtre d’un bookmaker décrit et ausculte, dans une certaine mesure, cette sinistre plongée. A défaut de pouvoir rembourser l’argent misé et perdu, Cosmo se retrouve engagé malgré lui comme tueur. Le récit se présente comme celui de la lente agonie du personnage, condamné à se sacrifier pour son cabaret. Miroir aux alouettes, le club tenu par le "héros" apparaît alors, à la lumière de cette déchéance, comme la vitrine poussiéreuse d’un anticonformisme de pacotille - celui d’une société vivant dans le luxe, le plaisir et la jouissance fébrile. Le spectacle devient soudain insuffisant à "faire illusion". Une fois exécutés leurs numéros respectifs, les comédiennes ne dissimulent pas à quel point le métier les blase, tout comme le M. Sophistication qui annonce leurs entrées, et qui promène sa dégaine de fantôme blasé d’un bout à l’autre du métrage.
"The show must go on", vraiment ? Meurtre d’un bookmaker tend parfois à suggérer le contraire. Le spectacle d’un monde s’y achève, tout entier submergé par la dette faramineuse de Cosmo. Et ce monde ressemble étrangement à celui dans lequel nous vivons. Mais derrière cette critique des apparats, se cache aussi le portrait tendre et bienveillant d’un homme rêvant d’indépendance. Cassavetes a cette manière intimiste de filmer Cosmo comme un double, suivant au plus près son souffle, sa respiration, son humanité. Chez le cinéaste, comme le rappelait le pianiste Philippe Cassard dans de récents Entretiens, tout devient musique. Et la séquence du "meurtre" le montre de manière exemplaire : absurde et cruelle, elle est également présentée comme un geste salvateur et nécessaire à la survie du personnage. Gazzara, qui déambule d’un bout à l’autre du film avec nostalgie, devient l’emblème d’un cinéaste aux prises avec le système. Aussi Meurtre d’un bookmaker, dont la ressortie s’inscrit dans le cadre d’un cycle plus vaste consacré à John Cassavetes, peut-il se lire comme la critique des mécanismes pervers d’un système qui prétend servir ceux qu’il aliène.
Attention, le titre français original de ce Meurtre n’est autre que Le bal des vauriens.
Hommage à John Cassavetes le 11 juillet 2012
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