Une lutte amoureuse
Le 5 novembre 2013
Jacques Doillon met en place des « séances de lutte » entre deux amants névrosés. Des combats brutaux aux allures de jeu qui dévoilent une frontière mince entre passion et violence.
- Réalisateur : Jacques Doillon
- Acteurs : Sara Forestier, James Thierrée, Louise Szpindel
- Genre : Comédie dramatique
- Nationalité : Français
- Distributeur : KMBO
- Date de sortie : 6 novembre 2013
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Résumé : Une jeune femme prétexte l’enterrement de son père pour retrouver un voisin plutôt charmant, et tenter de comprendre pourquoi elle a interrompu le rapport amoureux amorcé avec lui quelques mois plus tôt. Ils se retrouvent et rejouent la scène où sa dérobade a empêché leur histoire de commencer. Ils s’y essaient, se débattent, s’empoignent, tout en se rapprochant. Ils se frottent, se cognent l’un contre l’autre et s’amusent à dialoguer avec autant de fantaisie que de gravité, et à entrer dans une lutte de plus en plus physique. Ils vont finir par se lier l’un à l’autre au cours de séances quotidiennes qui ressemblent à un jeu. Par-delà leur joute verbale, cette confrontation devient une nécessité pour essayer de se trouver, un curieux rituel auquel ils ne peuvent échapper. Peu à peu, l’évidence qu’il faudra que quelque chose se libère entre eux pour que ces luttes soient enfin devenues une vraie lutte d’amour.
Lutter violemment pour exorciser sa peine ? Sara Forestier et James Thiérrée se prêtent au jeu et se perdent entre amour et haine à travers des combats acharnés.
Critique : Les corps se frôlent, s’enlacent violemment, se repoussent, se cognent puis chutent. Entremêlés, ils bougent avec fluidité puis dansent entre fusion et écœurement. Ils luttent. Les coups sont puissants, violents mais disproportionnés et non destructeurs. Au départ étonné, dérouté, on finit par être absorbé par ce mélange d’amour et de haine. Peu à peu le couple nous amène vers une lutte charnelle, à la fois violente et douce. Des images fortes, des dialogues charnus, piquants et douloureux qui nous laissent sans voix. Les deux personnages ne combattent pas l’un contre l’autre mais bien l’un avec l’autre : ils cherchent un terrain d’entente, la possibilité d’une rencontre amoureuse. Les rapports de force n’anéantissent pas le partenaire mais sont en quelque sorte un défouloir, une thérapie pour combattre leurs maux. D’un côté, il y a « Elle » , Sara Forestier, qui interprète avec talent le rôle d’une femme névrosée, animée par une haine nourrie par le fantôme d’un père toujours absent, d’une famille qui l’abandonne. Face à « elle », James Thiérrée joue un homme brisé, blessé dans son amour propre. Les deux héros frustrés utilisent alors le combat des corps à travers « des séances de lutte » pour surmonter leurs souffrances.
La caméra de Jacques Doillon suit la danse avec fluidité et accompagne les acteurs au fond du lit, dans les creux des escaliers, dans un bain de boue. Une réelle proximité se lie avec le spectateur, on est rapidement absorbé par ce jeu des corps, sensuel et érotique. Le dialogue accompagne lui aussi la danse. Il est construit comme une chorégraphie : dynamisme des répliques, joutes verbales puis ralentissement du tempos avec des chuchotements. Le spectateur reste ainsi captivé par chaque phrase, chaque souffle et même chaque silence. Les répliques sont recherchées, les mots sont riches et retransmettent au plus juste les sentiments et sensations éprouvés par les personnages. La parole devient peu à peu un outil, c’est elle qui définit les règles du combat.
Le trophée final, l’objet qui témoignera de la victoire, est bien sûr l’amour. Seulement, au milieu de cette violence ce sentiment se développe lentement et prudemment. Les combats évoluent en scènes de sexe, ardentes et bestiales. Jacques Doillon dévoile sans pudeur ces corps nus, se déchirant aux portes de l’orgasme. Sensualité, passion : la violence entraîne peu à peu la jouissance des corps. Tout au long du film, on est absorbé par ce long tango passionnel qui permettra peut-être de délivrer les personnages de leurs névroses.
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