Love is strange - la critique du film

Une comédie douce-amère sur les aléas de la vie conjugale

L’argument : Après 39 ans de vie commune, George et Ben décident de se marier. Mais, au retour de leur voyage de noces, George se fait subitement licencier. Du jour au lendemain, le couple n’est plus en mesure de rembourser le prêt de son appartement new yorkais. Contraints de vendre et déménager, ils vont devoir compter sur l’aide de leur famille et de leurs amis. Une nouvelle vie les éloignant l’un de l’autre, s’impose alors dans leur quotidien.

Notre avis : Love is strange a quelque chose d’humble et de touchant dans sa représentation d’un couple fragilisé par les aléas de la vie. Dans cette comédie intimiste, qui évoque avec pudeur les épreuves d’un couple new-yorkais, tout paraît d’une extrême simplicité, alors même que les événements représentés sont lourds d’enjeux politiques et sociaux. A cela il y a une raison d’ordre poétique : c’est qu’Ira Sachs valorise avant tout l’intériorité de ses personnages, qu’il choisit de représenter dans ce qu’ils ont de plus commun. Aussi filme-t-il des situations « ordinaires », dénuées de pathos ou de grandiloquence, le plus souvent dans des espaces familiers (l’appartement, la chambre... revisités à cette occasion).

Le métrage n’est certes pas dénué de péripéties et ne manque pas d’évoquer une réalité difficile (comment, passé un certain âge, retrouver un emploi et se loger décemment ?). Mais ces difficultés sont effleurées davantage qu’elles ne sont abordées de front. Le licenciement de George provoque en fait, non pas une crise conjugale – qui semble davantage concerner leurs proches – mais une forme de révélation : les deux hommes se redécouvrent dans l’épreuve, apprécient la distance qui les sépare de leurs jeunes années, et s’adonnent à des activités poétiques (musique, peinture) qui les préservent de la violence du quotidien. Leur vie, en somme, demeure paisible, alors même que la situation qu’ils vivent est précaire.
Ce traitement dé-dramatisé d’un sujet pourtant actuel et potentiellement "dramatique", doit beaucoup aux comédiens, tous impeccables et très à l’aise sous le regard bienveillant du cinéaste. Il garantit à l’oeuvre un certain humour, dans la mesure où George et Ben font, chacun de leur côté, la « découverte » un peu naïve du quotidien des autres (George est hébergé par un couple de gays fêtards, Ben par son neveu, sa femme et leur fils, qui passent leur temps à se disputer). Le drame semble alors se propager, se diffracter, ce qui donne lieu à des épisodes comiques et réjouissants. Alfred Molina et John Lithgow en rayonnent d’autant plus. Aussi appréciera-t-on Love is strange comme une oeuvre douce-amère, moins sur l’étrangeté de l’amour, que sur ses vertus étranges face aux aléas divers que la vie réserve.