Possession
Le 27 février 2015
Le récit d’une liaison coupable et tumultueuse. Un film courageux et sans concessions, par l’une des meilleures réalisatrices israéliennes.
- Réalisateur : Keren Yedaya
- Acteurs : Yaël Abecassis, Tzahi Grad, Maayan Turjeman, Tal Ben-Bina
- Genre : Drame
- Nationalité : Israélien
- Distributeur : Dulac Distribution
- Durée : 1h35mn
- Titre original : Harcheck mi headro
- Âge : Interdit aux moins de 16 ans
- Date de sortie : 25 février 2015
- Festival : Festival de Cannes 2014
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L’argument : Moshe et Tami sont en couple. Moshe a cinquante ans, Tami est à peine entrée dans la vingtaine. Ils vivent une relation cruelle dont Tami ne semble pas pouvoir se libérer. Tami et Moshe sont père et fille.
Notre avis : Caméra d’or en 2004 avec Or/Mon trésor, Keren Yedaya était aussi l’auteure du très beau Jaffa, présenté à Cannes cinq ans plus tard. Le moins que l’on puisse dire est que la cinéaste n’effectue pas son retour en se vautrant dans le confort d’un certain cinéma d’auteur international. En attestent la gêne et la bronca qui ont accueilli la projection de Loin de mon père à la section Un Certain Regard, certaines réactions ayant relevé davantage du rejet épidermique que du point de vue critique. Il faut dire que le sujet n’est pas de tout repos. Adapté de Loin de son absence, un roman à succès de l’écrivaine israélienne Chez, lui-même basé sur plusieurs enquêtes, le film narre le quotidien de Tami (Mayaan Turjeman, une révélation), jeune femme de vingt ans vivant avec un homme presque sexagénaire (Tzahi Grad). Un rituel domestique et hygiénique, allant du brossage de dents obsessionnel au nettoyage de l’appartement, suggère une existence monotone avec des moyens modestes, impression tempérée par une séquence de restaurant dans un cadre cossu, et au cours de laquelle on apprend que l’homme est son père. La suite du récit oscille entre univers glauque et tension permanente, Tami formant un couple incestueux avec son père, qui la harcèle et violente, la fille adoptant une attitude consentante et manifestant une jalousie maladive dès que son géniteur s’absente ou séduit d’autres femmes. Par ailleurs, ses pulsions d’automutilation feraient passer l’Isabelle Huppert de La pianiste ou la Charlotte Gainsbourg de Antichrist pour des héroïnes de comédies romantiques...
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Masochisme autodestructeur, syndrome de Stockholm ou dérèglement psychique ? Keren Yedeya ne donne pas de réponse et offre le portrait (souvent insoutenable) de deux cas cliniques, personnages symptomatiques d’une société en crise. Le seul personnage qui incarne l’espoir est Shuli (la touchante Yaël Abecassis), une amie bienveillante touchée par le sort de Tami, et qui est sans doute la porte-parole de Keren Yedaya. On a reproché à la réalisatrice des séquences complaisantes et voyeuristes. L’approche de Yedaya est pourtant l’inverse. Si elle filme frontalement les scènes de sexe et le plaisir des protagonistes, c’est pour montrer l’inceste dans toute sa complexité, et non pour banaliser ce crime. Les scènes sont d’ailleurs tournées dans la pénombre, et n’incluent pas de nudité. La démarche est similaire pour les séquences d’extérieur, qui voient Tami s’échapper du domicile et errer dans la nuit, avant d’être abusée par des jeunes sur la plage, sous le regard indifférent des passants... Loin d’une démarche misérabiliste, Keren Yedaya offre un beau portrait de femme aliénée, qui fait écho à deux autres films israéliens présentés à Cannes 2014, à savoir Le procès de Viviane Amsalem et L’institutrice. Moins consensuel et confortable, Loin de mon père n’en demeure pas moins une réussite. « Je ne cherche pas à faire des films pédagogiques. Mon travail consiste à faire en sorte qu’ils fassent à la fois débat dans la sphère politique et dans la sphère artistique », a déclaré la réalisatrice. Et il est clair que sa dernière œuvre ne suscitera pas l’indifférence.
Gérard Crespo - En collaboration avec le site CINEMASMAG
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