Mono cellules sous la lentille
Le 28 décembre 2011
Dans le onzième long-métrage de Rudolf Thome, l’optimiste lucide, la distance du regard scientifique et légèrement ironique laisse souvent place à des moments de grâce comique et d’émerveillement enfantin.
- Réalisateur : Rudolf Thome
- Genre : Comédie dramatique
- Nationalité : Allemand
- Durée : 1h37mn
- Titre original : Das Mikroskop
- Date de sortie : 7 décembre 1988
- Plus d'informations : http://www.moana.de/FilmeDeutsch/DM...
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– Tourné du 7 septembre au 3 octobre 1987
– Interprètes : Adriana Altaras, Vladimir Weigl, Barbara Beutler, Małgorzata Gebel, Johannes Herrschmann
Dans le onzième long-métrage de Rudolf Thome, l’optimiste lucide, la distance du regard scientifique et légèrement ironique laisse place à des moments de grâce comique et d’émerveillement enfantin.
L’argument : Franz et Maria s’aiment mais ne parviennent pas à surmonter les dissensions qui défont sans cesse leur couple. Après une énième rupture Franz rencontre Tina et entame avec elle une relation amoureuse. Mais Maria ne lâche pas prise. Elle se lie d’amitié avec Tina et montrera à Franz que l’ancien, qu’on croit connaître, peut apparaître sous un jour tout nouveau.
Notre avis : Dans une interview reprise sur son site moana.de Rufolf Thome déclarait : J’ai besoin de la résistance qu’offre la réalité pour avoir des idées. Je sais ce que je ne veux pas, ce qui ne me plait pas ; ce que je veux, il faut que je le trouve au moment de faire le film. C’est pour cela que la fabrication d’un film est une telle aventure.
C’est en application de cette méthode qu’après Système sans ombres et Tarot, productions disposant de budgets assez conséquents mais du coup un peu trop préparés en amont et donc sur les rails, que le cinéaste renouait, pour son onzième long-métrage (sur 28 à ce jour), avec une forme de cinéma plus intimiste lui permettant de laisser son film se faire davantage au moment du tournage.
Premier volet d’une Trilogie de l’amour, Das Mikroskop prend son titre d’un outil d’observation qui, braqué sur des mono cellules ou du sperme humain, permet, comme le dit encore Thome, de traverser une frontière, de rendre visible l’invisible (das Nicht-Sichtbare zu zeigen) et refuse la distinction courante entre expérience scientifique et intuition sensible, car, je cite, un microscope est sous plus d’un aspect un instrument érotique.
En effet, comme ses maîtres Hawks, Rossellini ou Rohmer (dont les films, à partir de La femme de l’aviateur, [l’]enthousiasment, [le] renversent de son fauteuil), Thome adopte volontiers une démarche scientifique consistant à vérifier par l’expérience une hypothèse de départ : Un film est pour moi une esquisse de ce que je sais, un état des lieux, et puis on vérifie si c’est vrai, si ça tient la route.
Das Mikroskop : Vladimir Weigl - Adriana AltarasLe détachement apparent de ce regard débarrassé d’arrière pensées et la distance légèrement ironique maintenue tout au long du film peuvent au premier abord donner une impression de froideur qui se dissipe très vite pour laisser place à des moments de grâce comique (la scène du repas aux chandelles avec l’invitée de substitution) et même d’émerveillement enfantin.
Comme souvent chez Thome, les femmes mènent la danse : elles ont les pieds sur terre et savent ce qu’elles veulent. L’irrésistible vitalité d’Adriana Altaras, qui réapparaîtra souvent dans l’oeuvre du cinéaste, apporte beaucoup de tonus à l’ensemble.
Quant au personnage principal au corps épais et au verbe rare, joué par Wladimir Weigl, le film ne cherche pas à le rendre immédiatement sympathique mais sa grâce paradoxale se révèle en même temps que son côté obsessionnel qui l’amène à laisser d’abord les plantes tropicales puis les aquariums envahir son appartement.
En effet, la méthode Thome produit des miracles que lui même analyse mieux que personne : Au bout de quelques jours de tournage je commence à tomber amoureux de mes acteurs, hommes ou femmes. J’aime leurs particularités ... je me mets à parler, à bouger comme eux. Cet amour est le médium à l’intérieur duquel je travaille avec eux. C’est de cela que naît ... leur liberté d’être ce qu’ils sont vraiment. Ils ne sont pas alors comme ils sont dans la vie, mais peut-être même différents, plus beaux que dans la vie.
Das Mikroskop : Vladimir Weigl - Adriana Altaras
A l’image de son protagoniste, Das Mikroskop ne séduit pas immédiatement, contrairement à la plupart des autres films de Thome, à commencer par l’euphorisant deuxième volet de la trilogie, Der Philosoph. Mais, et c’est son sujet même, il sait sans crier gare, dissiper sa grisaille initiale pour (nous) ouvrir les yeux sur la magie toujours renouvelée de la vie.
Thome, qui ne craint pas de regarder la mort en face (ici celle, accidentelle, du couple d’amis dont l’annonce laisse estomaqués personnages et spectateurs) est peut-être bien le plus lucidement optimiste des cinéastes vivants.
Textes originaux des citations :
– Ich brauche den Widerstand, den die Realität bietet, um Ideen zu haben. Ich weiß, was ich nicht will, was mir nicht gefällt ; das, was ich will, das muß ich beim Machen eines Films immer erst herausfinden. Nur deshalb ist das Machen eines Films ein solches Abenteuer.
– ein Mikroskop ist in vielerlei Hinsicht ein erotisches Instrument
– Im Augenblick kann ich, als Zuschauer, das nur von den Filmen eines lebenden Regisseurs sagen, und das ist Rohmer. Seine Filme, seit La femme de l’aviateur, begeistern mich, reißen mich aus dem Kinosessel.
– Ein Film ist für mich ein Entwurf von dem, was ich weiß, eine Bestandsaufnahme, und dann übeprüft man, ob es stimmt, ob es tragfähig ist.
– Ich fange nach wenigen Drehtagen an, mich in meine Hauptdarsteller, das ist bei Männern und Frauen das Gleiche, zu verlieben. Ich liebe ihre Eigenheiten. Das geht sogar soweit, daß ich selbst anfange, mich wie sie zu bewegen, wie sie zu sprechen. Diese Liebe ist das Medium, innerhalb dessen ich mit ihnen arbeite. Daraus entsteht dann auch, ohne daß wir genau wissen wie, ihre Freiheit, so sein zu können, wie sie wirklich sind. Sie sind dann nicht so wie im Leben, sondern vielleicht sogar anders, schöner als im Leben.
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