La violence dans la peau
Le 25 juillet 2022
Emblématique du cinéma de Scorsese et du film de gangsters de ces dernières décennies, Les affranchis est une fresque criminelle d’une précision minutieuse et d’une sauvagerie à couper le souffle.
- Réalisateur : Martin Scorsese
- Acteurs : Robert De Niro, Ray Liotta, Joe Pesci, Paul Sorvino, Lorraine Bracco, Frank Albanese, Frank Pellegrino, Tony Sirico, Suzanne Shepherd
- Genre : Drame, Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters, Biopic, Thriller, Film de gangsters
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Warner Bros. France
- Durée : 2h25mn
- Date télé : 18 avril 2024 23:50
- Chaîne : TCM Cinéma
- Reprise: 7 juin 2023
- Titre original : Goodfellas
- Âge : Interdit aux moins de 16 ans
- Date de sortie : 12 septembre 1990
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– Reprise en version restaurée : 7 juin 2023
Résumé : Depuis sa plus tendre enfance, Henry Hill, né d’un père irlandais et d’une mère sicilienne, veut devenir gangster et appartenir à la mafia. Adolescent dans les années cinquante, il commence par travailler pour le compte de Paul Cicero et voue une grande admiration pour Jimmy Conway, qui a fait du détournement de camions sa grande spécialité. Lucide et ambitieux, il contribue au casse des entrepôts de l’aéroport d’Idlewild et épouse Karen, une jeune juive qu’il trompe régulièrement. Mais son implication dans le trafic de drogue le fera plonger...
Critique : Les truands et les criminels ont toujours été les atouts du génie Scorsese, depuis Mean Streets et son palmé Taxi Driver. S’inspirant de faits réels, basé sur des témoignages du véritable Henry Hill et sur le roman Wiseguy de Nicholas Pileggi (qui collabora au scénario), le cinéaste s’attache encore une fois à une bande de petits mafieux, à son parcours sanglant sur plusieurs décennies, à cette épaisseur du temps qui ne vient jamais altérer (au contraire !) la destinée barbare d’individus définis par la violence. Le film suit donc la trajectoire de Henry Hill (Ray Liotta), petite frappe séduite par l’appât du gain, depuis son enrôlement dès son adolescence comme homme de main, jusqu’à sa chute, en 1980, bouffé par la drogue, réduit à balancer ses complices à la justice pour sauver sa peau. Scorsese condense son histoire en une fresque de plus de deux heures dont le rythme ne faiblit jamais. Le réalisateur enchaîne les scènes fortes comme il balancerait des uppercuts, grâce à un art du montage mitraillette de plus en plus perfectionné, une bande originale nourrie aux tubes rock, grâce surtout à une violence qui ne ménage pas le spectateur. Nulle complaisance dans le regard que porte Scorsese sur ses personnages mafieux, non dénués de médiocrité. Le récit de Henry Hill, Jimmy Conway (De Niro), Tommy DeVito (Joe Pesci) n’a nullement la majesté, la noblesse d’un Parrain : Scorsese décrit un monde sauvage et corrompu, où toute notion de valeur ou d’honneur a déserté au profit du pouvoir de l’argent... sur lequel chacun se jette comme un chien enragé.
Au-delà de la maestria de Scorsese, de son savant dosage d’humour noir et d’éclats de violence, de l’alternance entre plans serrés et brillants plans-séquences (l’entrée de Henry et sa femme Karen dans un cabaret, la découverte d’un cadavre dans un camion de boucher frigorifié, restés célèbres), c’est la précision du cinéaste qui frappe. Avec un soin maniaque et un sens de la mise en scène stupéfiant, Scorsese s’attache à des détails du quotidien, qui donnent à sa fresque une authenticité incontestable, nous invitant à voir ce monde véritablement de l’intérieur. Les vrais morceaux de bravoure du film ne se déroulent ni dans des banques, ni dans les rues, mais lors d’une cérémonie de mariage, lors d’une conversation à un bar qui tourne mal, et ainsi de suite (d’où le choix de Scorsese de seulement évoquer, sans le montrer, le braquage spectaculaire de la Lufthansa). Le cinéaste porte autant d’intérêt à la manière dont les mafieux dosent les ingrédients d’une recette de cuisine ou traitent leurs histoires conjugales, qu’à leur manière de planquer leurs armes ou d’ordonner un assassinat. À ce titre, le long halètement final, décrivant minute après minute la dernière journée de liberté de Henry Hill (entre trafic de drogue, cuisson des saucisses et paranoïa aiguë) est exemplaire. L’utilisation de la voix off de Ray Liotta et Lorraine Braco, commentant les faits et les états d’âme dès que nécessaire, va dans ce sens d’authenticité. La réussite de l’entreprise passe aussi par la direction d’une troupe de comédiens hors pair, truands plus vrais que nature. Si Ray Liotta et Lorraine Braco, excellents, sont très convaincants dans le rôle d’un couple pourri par la haine et l’argent, si Robert De Niro et Paul Sorvino parviennent à brûler la pellicule de leur simple présence souveraine, c’est la composition de Joe Pesci qui éblouit : teigneux, imprévisible, à la fois hilarant et effrayant, il crée à lui seul une personnalité de criminel glaçant et irrigue tout le film de sa folie. Chacune de ses apparitions est un sommet d’humour à froid et de réplique percutante. L’acteur a reçu, en 1990, un Oscar incontestable du meilleur second rôle.
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