L’argent ne dort jamais
Le 14 juillet 2012
Johnnie To s’aventure hors des terrains mafieux dans ce film à thèse assez lent et convenu qui, faute d’originalité, peine à prendre pleine possession de son sujet. Décevant...
- Réalisateur : Johnnie To
- Acteurs : Richie Ren, Lo Hoi-pang, Hang Shuen So, Lau Ching-wan
- Genre : Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters, Action
- Durée : 1h46mn
- Titre original : {Dyut meng gam}
- Date de sortie : 18 juillet 2012
- Plus d'informations : Le site officiel du film
Johnnie To s’aventure hors des terrains mafieux dans ce film à thèse assez lent et convenu qui, faute d’originalité, peine à prendre pleine possession de son sujet. Décevant...
L’argument : Teresa, employée de banque ordinaire, incite ses clients à faire des investissements risqués pour remplir ses objectifs financiers.
Panther, escroc à la petite semaine, plonge dans le monde de la spéculation boursière dans l’espoir de gagner facilement de l’argent pour payer la caution d’un de ses amis qui rencontre quelques soucis avec la justice.
Enfin, l’inspecteur Cheung est un flic honnête. Jusque-là satisfait de son modeste train de vie, il a tout à coup un besoin d’argent criant lorsque sa femme verse un acompte pour acheter un appartement luxueux au-dessus de leurs moyens.
Tout sépare ces trois personnages jusqu’à ce que leur rapport à l’argent – et un mystérieux sac contenant cinq millions de dollars volés – les poussent à prendre des décisions cruciales malgré leurs cas de conscience. Trois vies bouleversées par le monde turbulent de Hong Kong, en plein marasme économique et financier.
Notre avis : Les personnages de Johnnie To courent systématiquement après deux choses : le pouvoir et l’argent. Alors, quand le pouvoir laisse place à sa vacance, et que l’argent est en crise, les personnages, eux aussi, partent à la dérive. L’idée première de La vie sans principe a quelque chose de séduisant : comment évolue, dans un univers de crise, le quotidien des travailleurs modernes – qu’ils appartiennent à une économie « officielle » ou à un univers plus souterrain –, pour lesquels la notion d’argent s’apparente à l’idée d’un compte d’épargne dématérialisé ? Johnnie To dépeint le monde de la banque avec le même regard qu’il porte depuis ses premières armes filmiques sur les mafias hong-kongaises. Sous des dehors plus souriants, tout est question de manipulation, d’arrangements avec la rationalité, de réécriture des versions de l’histoire – notamment dans une scène un peu longuette d’entretien entre une cliente et sa conseillère prête à tout pour vendre son produit de placement –. Malheureusement, le parallèle est également à l’image du film : intellectuellement flatteur, mais très schématique, et relativement peu surprenant.
La vie sans principe met du temps à démarrer, comme si le film ne finissait pas de s’introduire lui-même ; la structure en « narration parallèle » s’installe avec lenteur, sans que l’on sache très bien de qui au juste nous suivons le point de vue. A tel point qu’il devient certes très facile de déceler les intentions du cinéaste, mais que ces dernières finissent par frôler le didactique, en s’incarnant si littéralement dans les situations et les personnages. De l’affrontement entre vieillards autour d’une pension de retrait, jusqu’à l’invraisemblable divination sur les fluctuations des marchés, les scènes vaudraient en elles-mêmes, si elles n’étaient pas aussi clairement marquées comme les étapes de la grande démonstration du film. De surcroît, la « thèse » de La vie sans principe, naviguant vaguement dans les eaux de la « moralisation (souhaitée) du capitalisme », participe davantage du consensus médiatique des bons sentiments que du point de vue critique. L’humour, pourtant une carte souvent forte de l’univers de To, manque ici cruellement d’ironie et tombe la plupart du temps à plat. De manière plus étonnante, Johnnie To se complaît dans un ton pathétique – flirtant par moments avec la mièvrerie, accompagnée de petite musique douce en fond sonore – qui lui sied fort mal. Peur de manquer de pudeur par rapport aux sujets ? De tourner en ridicule les petites gens accablés par la crise ? A trop jouer les Robin des Bois, le cinéaste de la pègre et des ripoux en oublierait presque, à notre grand regret, sa nature profonde de Dirty Harry.
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Frédéric de Vençay 9 août 2012
La vie sans principe - la critique
Pas d’accord avec cette critique. Certes, To ne fait pas dans la finesse, mais sa démarche est celle du satiriste, non du professeur de sciences économiques et sociales : alors il y a du détour par le film de genre, du scénario hénaurme tout en "hasards et coïncidences", de l’humour bien noir et bien sanglant... La mise en scène de To et son sens du rythme, d’une précision d’orfèvre, font le reste, quitte à transformer un banal champ-contrechamp (le dialogue entre la banquière et sa cliente est dément) en l’un des plus grands morceaux de bravoure à suspense de l’année. Une oeuvre explosive, surprenante et parfaitement jouissive, qui s’impose sans problème comme le premier (vrai) grand film sur la crise de 2008.