Un film sans tête
Le 3 mars 2023
Rendre le quotidien plus étrange chaque jour en décalant son regard : une idée intéressante, mais qui peine à prendre consistance et s’essouffle, malgré une interprétation féminine exceptionnelle.
- Réalisateur : Lucrecia Martel
- Acteurs : Inés Efron, María Onetto, Claudia Cantero, María Vaner
- Genre : Drame
- Nationalité : Espagnol, Français, Argentin
- Distributeur : Ad Vitam
- Durée : 1h27mn
- Titre original : La mujer sin cabeza
- Date de sortie : 29 avril 2009
- Plus d'informations : Le site du distributeur
- Festival : Festival de Cannes 2008
Résumé : Veronica est au volant de sa voiture quand, dans un moment de distraction, elle heurte quelque chose. Les jours suivants, elle semble disparaître, doucement étrangère aux choses et aux personnes qui l’entourent. Subitement, elle avoue à son mari qu’elle a tué quelqu’un sur la route. Ils retournent ensemble sur les lieux de l’accident mais n’y découvrent que le cadavre d’un chien. Alors que ce mauvais épisode parait clos et que la vie reprend son cours, un cadavre est découvert...
Critique : Passer sa vie à détourner les yeux de ce que l’on ne veut pas voir : tel est le fil qui semble diriger la trajectoire de l’héroïne de La femme sans tête. Lucrecia Martel raconte ici une histoire de fuites successives, de décalages constants entre une réalité lacunaire (qu’on ne peut littéralement jamais saisir) et un monde intérieur, qui sonne lui aussi étrangement creux. Une piste intéressante et prometteuse, qui fait penser aux énigmes contradictoires proposées par certains comiques burlesques, où les deux voies d’une alternative mènent à un résultat en forme d’impasse pour la pensée. Pourtant, loin de donner une saveur particulière aux paradoxes qu’elle met en scène, la cinéaste échoue à éveiller fascination et intérêt chez le spectateur. Les séquences de vie quotidienne s’enchaînent sans que se dessine vraiment un lien émotif entre elles, comme si la perspective adoptée, volontairement distante, s’était reculée au point de perdre toute signification vis-à-vis du récit. Les effets de style qui multiplient les cadrages inhabituels, les jeux de reflets et les plans rapprochés cherchent certes à souligner de manière appuyée le morcellement du corps et de la personnalité de Vero, la protagoniste ; mais en lieu et place d’un kaléidoscope de fragments de vie, le résultat se place plutôt du côté d’un catalogue d’épisodes désincarnés.
- © Ad Vitam
Dans cet ensemble froid et détaché, seule l’interprétation de María Onetto apporte un relief réel au film. Omniprésente à l’écran, conservant tout le long sa réserve, voire son mutisme intriguant, elle offre un mélange d’impénétrabilité et de fragilité qui déroute le spectateur. C’est par son désarroi, davantage que par sa chaleur, qu’elle rejoint par moments la complexité des personnages féminins d’Almodóvar, jetés dans l’existence quotidienne avec leur propre regard toujours déphasé, et souffrant constamment de cet écart. Cette belle prestation aurait mérité d’être mise en valeur ; toutefois, Lucrecia Martel semble sans cesse confondre esquisse et inachèvement, sobriété et dépouillement monastique. Prendre de la distance avec le récit et les personnages, pour faire apparaître les événements de la vie même d’un être humain comme s’ils étaient considérés d’un point de vue impersonnel, n’implique pas forcément d’engendrer le péché mortel du spectateur de long-métrage, l’indifférence. On le regrette d’autant plus que par moments, certaines scènes déploient une ambiance alléchante, d’une densité psychologique et visuelle plus intéressante. De même, la dimension sociale de l’histoire reste présente : les protagonistes sont issus de milieux aisés, et autour d’eux gravitent les petites mains invisibles du quotidien (domestiques, laveurs de voiture...), dont l’origine ethnique les rattache aux Indiens, comme si les rôles étaient déjà attribués par leur communauté d’appartenance. La femme sans tête regorge finalement de pistes inexplorées, mais laissées dans un état de tel abandon qu’il est décourageant de s’y aventurer trop avant.
- © Ad Vitam
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Norman06 19 avril 2009
La femme sans tête - Lucrecia Martel - critique
Rien n’est à sauver de ce mauvais téléfilm argentin : ni le scénario, ersatz de Lynch, ni la mise en scène (des plans bavards, mal photographiés et cadrés), ni l’interprétation. Si certains pourront s’extasier face aux personnages dans les tranches de vie, les autres bailleront aux corneilles devant ce pensum ni fait ni à faire.